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Vietnam, mémoires vives

François Tourane, édit. Lonely Planet
A la recherche d’une France disparue et de soi même

Je vous invite à lire le beau livre émouvant que notre ami François Tourane, alias doublement tourangeau et vietnamien de François Latour, correspondant de plusieurs journaux, ancien responsable de la section PS de Bangkok et animateur de Reporters sans frontières pour la région.
Cela se présente comme un guide de voyage au Vietnam, mais méfiez vous ! Il y a bien sûr une apparence : un chapitre par ville dans ce grand voyage du nord au sud du Vietnam, de Hanoï au cap Ca Mau à l’extrême sud de la péninsule. Défilent ainsi Hanoï, Haiphong, Halong, Hue , Vinh, Dalat, Saigon. Mais n’y recherchez pas la liste des hôtels, des distractions, les musées, les boutiques de souvenirs : de tout cela, point ! Par contre, une extraordinaire galerie de portraits des personnes rencontrées. Notre ami a, semble-t-il, le don de faire la connaissance, partout où il arrive, des caractères les plus intéressants et originaux :
Un haut fonctionnaire, amateur passionné de poésie, un fou de jazz, des Français à la dérive mais toujours attachants dans leur recherche désespérée du bonheur ou de la fortune, un membre la famille impériale à Hue, écrivain et traducteur de littérature française, la tenancière d’un hôtel digne du Facteur Cheval... J’arrête là la liste, mais chacun d’entre eux, François Tourane le/la décrit avec tendresse et perspicacité. Rien de ce qui est humain ne lui échappe mais toujours avec un regard de bonté et d’affection. Derrière apparaît une société vietnamienne dure au travail et nationaliste, mais pétrie de poésie, d’attention aux autres, de respect, que les années communistes n’ont pas vraiment entamée.
Et puis il y a ce qui a sans doute été le déclencheur de ce livre : la recherche de son grand-père, en service dans l’armée en 1954 et dont il n’a que quelques photos pour identifier non seulement les lieux de vie mais tout ce qui peut l’aider à mieux connaître ce « Papy » dont il ignore l’essentiel et qui, en même temps, lui permettra de se découvrir lui-même, dans son passé et ses racines, et dans son amour pour l’Asie et le Vietnam.
C’est aussi cette évocation d’une France disparue ; celle de Doumer mais aussi des planteurs d’hévéas d’« Apocalypse Now », de l’occupation japonaise et de l’amiral Decoux, de Dien Bien Phu, que l’auteur, par une pudeur qui force le respect, décide de ne pas visiter.
Une double nostalgie d’un monde disparu et d’une quête proustienne, voilà qui est original !

RY


Publié le 19 juin 2007