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Le Royaume des ombres

Livia Lamoure, édité par EDIM

Le destin de Livia Lamoure n’est pas ordinaire, c’est celui d’une femme, pour citer Rimbaud, « aux semelles de vent », qui naquit en 1909 en Roumanie, habitera quarante ans en France où elle sera diplômée de l’Ecole des langues orientales de Paris et licenciée es lettres avant de s’établir vingt-cinq ans au Mali et d’y enseigner plusieurs années dans un lycée de Bamako.
C’est donc à Bamako que s’éteindra, à 91 ans, celle qui aura été aussi la traductrice attitrée du grand romancier roumain Virgil Gheorghiu, et qui décidera au soir de sa vie de laisser à ses enfants, petits-enfants et arrière petits-enfants, le récit de son enfance en Moldavie, comme une dernière évocation de son passé à elle, et de leurs racines à eux.
Voilà donc « Le royaume des ombres », l’évocation d’un monde disparu (celui du début du 20ème siècle), qui est aussi celui du paradis perdu de l’enfance. On ouvre ce livre-témoignage comme un coffre aux mille merveilles : Livia Lamoure écrit avec un grand sens de l’émotion et de l’évocation poétique. On n’en finirait pas de citer les anecdotes ou les images tirées de ce monde enchanteur où le poirier habité par les abeilles « s’entend depuis la rue », où les robes frémissent « comme des grandes reines marguerites », où les margouillats, ces petits lézards du Mali, savent écouter de la musique. Et pourtant, derrière le féerique, la guerre, l’exode et des pages bouleversantes sur le silence d’une enfant après la mort de sa mère. On retient la sensibilité aigue de cet ultime témoignage, cette ode à la vie composée pour les générations futures par cette femme qu’on aurait aimé rencontrer. Ceux qui ont eu cette chance ne douteront pas que Marie-Hélène Beye, sa fille, conseillère à l’AFE au Mali, perpétue la tradition de ces femmes généreuses qui, en célébrant le pluriculturel et le métissage, oeuvrent pour la paix des peuples.

MCbG


Publié le 05 juin 2007