Le port du voile est désormais autorisé dans les universités en Turquie, pays laïc depuis 1928. Cette décision illustre le fossé profond entre le gouvernement, issu de la mouvance islamiste, et le camp laïc soutenu par l’armée. Elle suscite des tensions dans le pays entre ceux qui considèrent que l’interdiction du voile à l’université est une violation de la liberté religieuse et ceux qui craignent que son autorisation ne vienne saper les fondements du système laïc. Mais les défenseurs de la laïcité n’ont pas dit leur dernier mot puisque l’opposition saisit le Conseil constitutionnel et que recteurs et universitaires menacent d’exclure les étudiantes voilées des amphis.
L’opposition n’est pas formée que de généraux kémalistes mais aussi de la gauche et des sociaux démocrates dont les positions sur ce thème rencontrent un réel écho auprès des fonctionnaires, des universitaires, de la classe moyenne citadine, des syndicats et même de l’organisation patronale, le Tüsiad. Le camp qui défend la laïcité voit en effet planer une menace pour son mode de vie européen. Si bien que des dizaines de milliers d’opposants à la loi se sont rassemblés à Ankara pour protester contre une islamisation de plus en plus affirmée de la Turquie, phénomène qui risque de l’éloigner encore plus de l’Europe.
En Europe justement il nous est souvent difficile de bien faire comprendre le concept de laïcité à l’origine de la loi de 1905. Certains de nos voisins n’y voient qu’un manque de tolérance alors qu’il s’agit au contraire d’assurer la liberté de conscience (qui inclut le droit de ne pas croire) et de garantir le libre exercice des cultes, l’expression publique de la religion.
Les petites phrases et déclarations, ici et là, de Nicolas Sarkozy sur la question religieuse laissent pourtant à penser que se prépare sinon une disparition pure et simple de cette loi, tout au moins son adaptation à un 21ième siècle que Malraux annonçait comme religieux. Les déclarations de ses plus proches conseillers, notamment celles d’Emmanuelle Mignon, laissent à penser qu’il est à coup sûr très tenté d’ouvrir la boîte de Pandore …