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Continuer l’Histoire

Profitant du long week end de la Pentecôte, j’ai lu un essai écrit par Hubert Védrine en 2006/2007. Je l’avais acheté il y a plusieurs mois lors d’un passage à Paris et l’avais oublié dans une pile de livres. Continuer l’Histoire, écrit en collaboration avec Adrien Abécassis et Mohammed Bouabdallah, analyse sans complaisance l’évolution du monde depuis la chute du mur de Berlin.

L’effondrement du régime communiste a provoqué une sorte d’euphorie chez les occidentaux, voire de triomphalisme chez les Américains, qui croyaient à la fin de l’Histoire et tous pensaient que les valeurs occidentales s’imposeraient partout. Du côté occidental on se plaisait à imaginer la fin des conflits sanglants, grâce à l’importance croissante de la société civile internationale qui finirait par imposer aux Etats transparence, éthique et morale pour finalement se substituer à eux. La nouvelle ère s’ouvrait alors sur l’avènement d’un pouvoir supranational, comme en témoigne le grand nombre de conférences internationales de toutes sortes tenues dans les années 90, sur fond de mondialisation heureuse qui était censée oeuvrer pour la prospérité des peuples. A partir de ce constat Hubert Védrine ne se contente pas de dénoncer les erreurs d’appréciation de l’époque, il fait des propositions – par exemple une réforme de l’ONU ou celle des institutions de issues des accords de Bretton Woods – pour donner une nouvelle légitimité au système multilatéral pour le rendre plus efficace.

Il évoque le « clash » des civilisations, qui est pour lui une réalité qu’il convient de ne pas nier et à laquelle il faut apporter une réponse politique qui doit absolument passer par la résolution du conflit israélo-palestinien, c’est-à-dire par la création d’un Etat palestinien viable cohabitant avec un Etat d’Israël dont les frontières sont reconnues sans ambiguïté par ses voisins.

Selon Hubert Védrine, nous ne nous pouvons nous défausser sur la communauté internationale pour résoudre les grands problèmes,« car la souveraineté ainsi abandonnée par les Etats n’est pas transférée au niveau européen ou mondial, non plus qu’à un quelconque nouvel espace démocratique. Si elle est récupérée quelque part, c’est par le marché. Les Etats demeurent donc nécessaires »

A propos de l’Europe (le livre date d’avant le Traité de Lisbonne) Hubert Védrine estime que trois questions au moins doivent être clairement tranchées : celle des limites et de l’identité de l’Union européenne, la répartition des pouvoirs en Europe (c’était, je le répète, avant le Traité de Lisbonne) et la définition précise du rôle de l’Europe dans le monde. Au delà des questions purement institutionnelles, il insiste également sur la nécessité de réaliser des projets concrets entre pays de l’Union, ce qui pour lui est le moyen le plus efficace de faire avancer l’idée européenne auprès des citoyens européens sans provoquer de rejet de leur part, bien au contraire.

La dernière partie de l’essai porte sur le rôle que la France devrait jouer, cette France qui doute d’elle-même alors qu’elle a le potentiel pour rebondir. Il insiste sur le rôle de sa politique étrangère, tout en regrettant le « politiquement correct » et la peur du scandale qui paralysent notre diplomatie. Il faut prendre conscience des nouveaux enjeux et miser sur une politique réaliste et efficace.

C’est un essai dense, intelligent, passionnant à lire et à relire, sans oublier toutefois de le remettre dans son contexte : il a été écrit pendant la campagne électorale et on retrouve ici ou là des thèmes déclinés par Ségolène Royal. Et puis, c’était l’avant-Sarkozy …

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