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Le Conseil d’Etat ne goûte pas la «soupe au cochon»

Un bon point pour le Conseil d’Etat !

Le Conseil d’Etat ne goûte pas la «soupe au cochon» Le juge des référés estime que le préfet de police de Paris a eu raison d’interdire cette distribution discriminatoire aux SDF.
Par Catherine COROLLER QUOTIDIEN : samedi 6 janvier 2007
Le préfet de police de Paris avait le droit de s’opposer à la distribution par l’association d’extrême droite Solidarité des Français (SDF) de «soupe au cochon» aux sans-abri. Vendredi, le juge des référés du Conseil d’Etat a donné raison à Pierre Mutz. Le 28 décembre, ce dernier avait interdit, à Paris, pendant quelques jours, la distribution, en pleine rue, de soupe au lard.

Gare. Selon le préfet, la distribution de cette soupe excluant de fait les sans-abri musulmans, avait un caractère discriminatoire, et constituait donc un trouble à l’ordre public. SDF, association liée aux Identitaires, groupuscule d’extrême droite, avait alors saisi le tribunal administratif de Paris. Le 2 janvier, celui-ci a suspendu l’arrêté d’interdiction. Le même, jour, SDF organisait une distribution de «soupe au cochon» devant la gare Montparnasse. Saisi à son tour par le ministère de l’Intérieur, Christian Vigouroux, juge du Conseil d’Etat, a donné raison au préfet vendredi. Selon ce magistrat, «eu égard au fondement et au but des distributions de « soupe au cochon », portés à la connaissance du public par le site Internet de l’association, le préfet de police [n’a] pas, en interdisant provisoirement ces distributions, porté une « atteinte grave et manifestement illégale » à la liberté de manifestation», résume le Conseil d’Etat dans un communiqué. Depuis 2004, SDF distribue de la «soupe au cochon» devant des gares parisiennes. Manière d’écarter les sans-abri musulmans ou juifs ? Devant le juge, Jean-François Boutet, avocat du ministère de l’Intérieur, a affirmé qu’il s’agit bien d’un «acte discriminatoire», et rappelé que la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde) «s’en est elle-même émue» dans une délibération adressée au préfet de police de Paris. Or, poursuit l’avocat, rappelant un précédent arrêt du Conseil d’Etat : «Toute activité contraire à la dignité humaine est contraire à l’ordre public.» La distribution de soupe de porc doit donc être interdite.
Dessert. Bruno Le Griel, avocat de l’association, réfute pour sa part toute arrière-pensée xénophobe : «La soupe au lard est traditionnellement la soupe des pauvres. C’est une nourriture complète, et le porc est la viande la moins chère.» A l’en croire, le choix de proposer un tel aliment aux SDF ne vise pas à exclure les musulmans. D’ailleurs les sans-abri refusant de manger de la soupe au cochon «se voient proposer d’autres aliments». Dans le dossier transmis au juge, SDF a joint l’attestation d’un musulman, affirmant avoir refusé la soupe, et s’être vu proposer un dessert. Jean-François Boutet, l’avocat du ministère de l’Intérieur, s’étonne : «La discrimination est pour la première fois remise en cause par l’association.» Sur son site Internet, SDF tient en effet un autre discours : «Pas de soupe, pas de dessert, les nôtres avant les vôtres.»
Jusque-là, la justice avait eu des interprétations divergentes de la question. A deux reprises, la préfecture de police a pris un arrêté d’interdiction de ces distributions, le dernier le 28 décembre. A deux reprises, cet arrêté a été annulé par le tribunal administratif, la dernière fois, le 2 janvier. Face à cette «initiative aux relents xénophobes», Bertrand Delanoë, maire (PS) de Paris, avait souhaité mardi que le préfet de police fasse appel de l’ordonnance du juge des référés, ce qu’il a fait. Dans son ordonnance, le magistrat du Conseil d’Etat estime que ces rassemblements sont susceptibles de provoquer des réactions et de causer ainsi des troubles à l’ordre public. L’interdire ne contrevient donc pas à la «liberté de manifestation» garantie par la Constitution.

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