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Le couple Franco-Allemand

France-Allemagne-Europe

sarkmerkLe Consul général de France à Munich, lors de son discours au cours de la traditionnelle réception du 14 juillet a vanté la qualité des relations franco-allemandes, leur solidité et leur diversité, ceci en illustrant son propos par les jumelages de villes, l’Abibac, c’est–à-dire le double diplôme du bac français et allemand, puis, pour conclure, par cette formidable réalisation que représente EADS.

Justement parlons-en d’EADS et d’Airbus. Des conceptions foncièrement différentes en matière de politique industrielle, une rivalité franco-allemande si évidente au sein du groupe pour le leadership qu’elle est, selon un rapport du Sénat, responsable de la crise traversée par Airbus en 2006, crise qui devrait mener à la suppression de dix mille emplois, malgré un carnet de commandes bien fourni. Conscients des enjeux, obligés de s’entendre et d’admettre que les politiques ou les Etats devaient encore parfois intervenir dans le management des industries, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont décidé, à Toulouse, de mettre fin au système de direction bicéphale puisque Tom Enders devient le patron d’Airbus et Louis Gallois celui du groupe EADS. La question du pacte des actionnaires n’a pas été réglée, celle de l’augmentation du capital non plus et le plan Power 8 reste un point de litige puisque chacune des parties souhaite bien évidemment le moins possible de chômeurs sur son territoire.

En fait, les contentieux franco-allemands s’accumulent : qu’il s’agisse des propositions de Nicolas Sarkozy pour influencer la Banque centrale européenne ou du projet du gouvernement français de ne pas ramener les comptes publics à l’équilibre avant 2012 il n’y a, selon la Chancelière, aucune véritable marge de manœuvre. En matière de politique étrangère Paris a également agacé Berlin lorsque Bernard Kouchner, sans consulter son homologue allemand, a remis une lettre de recommandations à Tony Blair pour sa nouvelle mission de paix au Proche Orient au nom des pays méditerranéens. La relation franco-allemande est souffrante et, selon la presse allemande, le gouvernement français donne l’impression de continuellement provoquer Berlin.

Si le moteur franco-allemand a autant de ratés, comment l’Europe pourrait-elle aujourd’hui vraiment avancer ?

En 2000 Joschka Fischer, alors Ministre des Affaires étrangères, avait prononcé un discours fort remarqué à l’Université Humboldt de Berlin. C’était avant le Traité de Nice, avant le passage de l’Union européenne à 25 Etats membres. Il prônait à l’époque une réforme en profondeur, « résolue et appropriée », des institutions européennes pour se diriger ver un Etat fédéral européen , « l’objectif étant de maintenir la capacité d’action de l’Union européenne dans ce contexte d’élargissement ». Il s’agissait d’une construction à trois étages avec un gouvernement fédéral, un gouvernement national et une administration régionale, chacun ayant un rôle clairement défini par une constitution et fonctionnant selon le principe de subsidiarité. Le parlement européen aurait été doté de deux chambres avec une représentation des parlements nationaux pour éviter les antagonismes entre parlement européen et parlements nationaux. Ce projet était ambitieux, courageux même, mais rapidement on entendit qu’il était surtout …trop allemand.

La suite on la connaît, élargissement à l’Est, une Union européenne à 25 puis 27 Etats membres, un projet de Traité Constitutionnel en panne, et depuis ? Rien ou presque. Il est de bon ton de se réjouir de la reprise des négociations sous la présidence allemande autour du « mini » Traité. Pourtant les ambitions sont devenues aujourd’hui assez modestes : Un/e président/ élue par les membres de la Commission européenne pour 2 ans et demi, un Haut représentant de l’Union européenne au lieu d’un Ministre des Affaires étrangère, la Charte des droits fondamentaux, adoptée par tous les Etat membres (sauf la Grande Bretagne) et le vote à la double majorité prévoyant qu’une mesure sera adoptée si elle est votée par 55% des Etats membres représentant 65 % de la population. Cependant la qualité des arguments avancés par les Polonais au cours de la négociation, (sans la Deuxième guerre mondiale les Polonais seraient bien plus nombreux et donc ils exigeaient une réévaluation de leur importance démographique – arguments dont on s’est vivement ému en Allemagne -), laisse mal présager de l’avenir. Les Socialistes européens, selon le Président de la Délégation française au parlement européen, Bernard Poignant, affirment que « mieux vaut un Traité simplifié que pas de traité du tout » mais selon François Hollande, « ce n’est pas un traité simplifié qui a été adopté. C’est un petit Traité qui est en voie d’être rédigé. C’est une Europe qui s’est elle-même limitée dans son ambition. C’est un compromis douloureux pour l’esprit européen. »

Et Elisabeth Guigou commente « C’est bien de sortir du blocage, c’est dommage d’attendre 10 ans pour appliquer de nouvelles règles de décision. … Pour nous, la gauche européenne, un combat reste entier : faire admettre la question des services publics et celle d’un protocole social qui donne le signe très clair que l’on veut élever les normes sociales et environnementales vers le haut ».

Pour en revenir à Joschka Fischer il fait le constat, dans un nouveau discours prononcé en mars 2007 à l’Université Humboldt, que tout ce qu’on peut espérer aujourd’hui, c’est une « Europe d’intérêts communs ». Bref les intérêts nationaux prédominent et si l’on ne trouve pas de majorité politique pour tout remettre à plat, pour rendre l’Europe plus transparente, plus proche des citoyens, plus sociale, bref pour la doter d’institutions dans lesquelles chaque citoyen européen se retrouve, l’idée même d’Europe, malgré le chemin déjà parcouru, va continuer à piétiner et risque d’être étouffée par les égoïsmes nationaux.

Aujourd’hui, 23 juillet, c’est l’ouverture de la Conférence intergouvernementale chargée de rédiger le nouveau traité européen . Avant même la naissance de celui-ci, Bernard Poignant affirme « il y aura certainement beaucoup de citoyens frustrés : ceux qui ont voté non à la Constitution n’auront pas ce qu’ils souhaitaient. Ceux qui ont voté oui auront bien moins que ce qu’ils avaient. Il y aura forcément des regrets : la disparition des symboles de l’Union qui sont les signes d’appartenance à une communauté, la disparition de la clause sociale générale et la disparition de la base juridique pour les services publics. » Aucun Européen convaincu ne peut se réjouir.

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