0

Gratuité des frais de scolarité: un rapport aux ordres

Les parlementaires Geneviève Colot et Sophie Joissains ont remis au Président de la République leur rapport d’évaluation sur la mesure de gratuité des frais de scolarité des Français de l’étranger mise en place depuis 2007. Rapport consternant, véritable ode à une mesure intrinsèquement inique. Mais aussi rapport sans surprise, authentique concert de louanges à deux voix pour le Président de la République. Après la remise en cause du bouclier fiscal, du Grenelle de l’environnement, il n’était pas envisageable, bien sûr, de revenir sur la gratuité de l’enseignement français à l’étranger, promesse électorale et mesure emblématique pour quelques uns des Français établis hors de France! En tout état de cause, ce rapport est malheureusement fidèle au leitmotiv actuel « les riches trinquent et les pauvres dégustent »….

Ci-dessous notre communiqué commun sur ce rapport.

1- Constatation des rapporteures : la PEC menacée par les bourses scolaires.

Le « dérapage des bourses » ne doit pas remettre en cause « le budget maîtrisé » de la Prise en charge des frais de scolarité des lycéens Français de l’Etranger.

Dès le sous-titre du rapport, le ton est donné : trop de bourses accordées sur critères sociaux et dont le poids s’alourdit trop vite. Les deux parlementaires UMP auxquelles avait été commandé un rapport sur la prise en charge ont rendu les conclusions qui étaient attendues d’elles :

  • Si cette mesure pose problème, ce ne serait pas du tout parce qu’elle déséquilibre le financement de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger, ce serait la faute de l’AEFE et des consulats : ils ont mal informé les familles envers lesquelles « on a eu un comportement dissuasif ». Les cinq cents familles (très) retardataires « se sont vues refuser la prise en charge », d’autant plus que « le solde de l’enveloppe avait été distribué au titre des bourses ».
  • L’AEFE aurait une lourde responsabilité : elle a fait augmenter les frais de scolarité en créant une contribution de 6% sur le produit des droits de scolarité. C’est donc elle et non l’Etat, dont les responsabilités ne sont pas évoquées, qui serait la cause de l’explosion des frais de scolarité… et du « dérapage des bourses ». Les rapporteures oublient que l’AEFE devait financer les nouvelles charges immobilières et salariales imposées par l’Etat sans un sou de crédit en contrepartie.
  • Pour l’avenir, en se fondant sur des évaluations a minima du coût de la PEC (puisque celles de l’administration ne seraient pas crédibles !) et de la hausse des frais de scolarité (+ 12% pour une période non précisée) il suffirait de ne verser la PEC que sur la base des frais de scolarité de 2007-2008 et de ne pas étendre la mesure aux classes de collège pour rester dans un « budget maîtrisé ». Mais surtout, surtout, la PEC devrait être attribuée sur la seule condition de nationalité « à l’exclusion de toute autre considération financière ».

2- L’avenir de la PEC et des bourses sur critères sociaux selon les rapporteures.

Les savants calculs des rapporteures combleraient, comme par miracle, le déficit de 7 millions d’euros pour l’action aide à la scolarité qui déséquilibre le budget 2011.

  • Le plafonnement des frais de scolarité à leur niveau 2007-2008, indexé à 3% de l’inflation, permettrait de rester dans l’enveloppe.
  • En séparant les lignes de crédit destinées à la PEC et aux bourses sur critères sociaux, on ferait cesser ce scandale qui consiste à payer des bourses grâce à des crédits destinés à la seule PEC.
  • Des trois pistes proposées pour accroître la contribution des entreprises au financement de l’AEFE, une seule serait réellement praticable : le mécénat.

Ce rapport de parlementaires de la majorité aux ordres (de l’Elysée) témoigne presque naïvement du clivage droite-gauche sur l’accès à la scolarité :

  • Avec ses 29,5 millions d’euros (chiffres des rapporteures), la PEC coûte, pour 6000 bénéficiaires, moins cher que les bourses dont l’enveloppe s’élève à 71,62 millions d’euros pour 20 000 boursiers, écrivent les rapporteures. Il n’est pas question de coût unitaire ! La gauche s’y intéresse, elle, car c’est la mesure de l’égalité de traitement entre jeunes citoyens français.
  • « L’accès aux bourses pour les français de l’étranger est nettement plus avantageux qu’en France ». Nos parlementaires hexagonales oublient que l’école publique est gratuite en France et que la question des bourses ne s’y pose pas de la même façon qu’à l’étranger avec des écoles privées sous contrat ou des établissements en gestion directe que l’Etat contraint à une large part d’autofinancement.
  • Il faudrait juguler la hausse des bourses sur critères sociaux mais « ne pas plafonner la PEC en fonction des revenus des familles » car ce serait contraire à l’esprit de la PEC dont « la philosophie est très différente au système boursier ». En effet la philosophie d’une mesure destinée à satisfaire une clientèle électorale n’a rien de commun avec une mesure de justice sociale ! Que penser dans ces conditions des conclusions de la mission pluripartite d’évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, qui prônait la « suspension du dispositif de PEC au profit d’un système, potentiellement plus généreux mais aussi plus encadré, de bourses accordées sur critères sociaux et soumises à un plafonnement en termes de droits d’écolage »…

En conclusion, les familles boursières et bénéficiaires de la PEC jugeront en peu d’années de l’incohérence et de l’injustice du système : critères d’attribution de bourses durcis, delta croissant entre le coût de la scolarité et la PEC : 800 euros ici, beaucoup plus là où l’inflation à deux chiffres sévit. Mais l’essentiel est d’atteindre 2012 sans trop de difficultés, n’est-ce pas ?

Monique Cerisier-ben Guiga, CLaudine Lepage & Richard Yung

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*