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La tête et le coeur

dueAccepter le nouveau Traité simplifié, c’est la tête et la raison qui parlent. Le cœur, lui, voudrait une Europe véritablement politique, sociale, proche des citoyens. Européenne de toujours, je trouve qu’il est de plus en plus difficile de s’enthousiasmer pour ce qui se passe : il ne s’agit plus de la politique des petits pas préconisée par Jean Monnet, mais de bien autre chose.

Le 23 juillet dernier, l’Union européenne présentait un projet de traité modificatif, transformant les deux principaux traités européens, le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne. Ce nouveau texte prend le nom de « Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ». Ce projet devrait être adopté formellement par le sommet européen des 18 et 19 octobre 2007, puis soumis à la ratification des 27 membres de l’Union européenne, un processus qui devrait être conclu avant les élections européennes de juin 2009.

Le traité modificatif long de 145 pages auxquelles s’ajoutent un grand nombre de déclarations et annexes reprend en grande partie les éléments du Traité constitutionnel rejeté en France et aux Pays-Bas. Il n’est pas, loin de là, un Traité simplifié. Selon Valéry Giscard d’Estaing, « en termes de contenu, les propositions demeurent largement inchangées, elles sont justes présentées de façon différente », ajoutant : « la raison de ceci est que le nouveau texte ne devait pas trop ressembler au traité constitutionnel. Les gouvernements européens se sont ainsi mis d’accord sur des changements cosmétiques à la Constitution pour qu’elle soit plus facile à avaler ». Les valeurs et les objectifs de l’Union européenne restent donc inchangés.

Que nous propose-t-on ?

  • Un/e président/e élu/e par les membres de la Commission européenne pour 2 ans et demi,
  • un Haut représentant de l’Union européenne au lieu d’un Ministre des Affaires étrangère,
  • la Charte des droits fondamentaux, adoptée par tous les Etat membres (sauf la Grande Bretagne)
  • le vote à la double majorité prévoyant qu’une mesure sera adoptée si elle est votée par 55% des Etats membres représentant 65 % de la population,
  • le renforcement des pouvoirs du Parlement Européen puisque la co-décision s’étend à 50 nouveaux domaines législatifs,
  • l’introduction d’un dispositif de démocratie participative (possibilité d’une proposition législative présentée par un million de citoyens),
  • un renforcement du rôle des parlements nationaux,
  • une meilleure reconnaissance du rôle des collectivités territoriales dans l’intégration européenne.

Il faut le dire : les propositions fortes du Traité constitutionnel ont été édulcorées pour ne pas choquer ceux qui ne veulent que d’une Europe marchande, ceux qui ne veulent qu’une « Europe d’intérêts communs » Il faut déplorer la disparition des symboles de l’Union (l’hymne, le drapeau) qui sont les signes essentiels d’appartenance à une communauté, la disparition de la clause sociale générale et la disparition de la base juridique pour les services publics. Ce traité renforce le caractère intergouvernemental de la politique étrangère européenne. Enfin, il n’est que très difficilement révisable à 27 Etats-membres, ce qui signifie la mort de l’Europe politique, sauf si l’on reprend l’idée des noyaux concentriques et la mise en place de coopérations renforcées. Et si l’on va plus loin dans les regrets : il faut aussi déplorer que les droits fondamentaux ne reconnaissent ni le droit au travail, ni le droit à un revenu minimum, ni le droit au logement, ni le droit à l’accès aux soins ou à l’éducation.

Les députés européens que nous élirons en 2009 n’auront toujours pas le droit de proposer des lois. Ils n’auront pas le droit de voter les recettes de l’Union, ni les impôts, et n’auront aucun droit de regard sur des pans entiers de la politique européenne. Pour renverser un gouvernement européen, c’est-à-dire la Commission, qui mènerait une politique inacceptable la majorité des deux tiers serai nécessaire… Ces députés ne représenteront pas également tous les citoyens européens, et de loin. Certaines populations seront toujours surreprésentées par rapport à d’autres.

Il faut bien dire que l’Union reste une construction entre gouvernements, où les citoyens n’ont pas les moyens de se faire entendre. Le désir d’Europe est largement partagé d’après les sondages et le vote des Français et des Hollandais, en 2005, a montré avant tout leur attachement aux services publics, à la solidarité, à la justice sociale. Il a montré aussi leur défiance vis-à-vis du mode de construction de l’Union européenne et de toutes les institutions européennes. Une réorientation fondamentale en faveur de l’Europe des citoyens est indispensable. Il faut avancer dans cette direction avec ceux des citoyens européens qui le souhaitent et qui en ont la volonté.

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