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En vrac, quelques réponses aux questions de la section de Bruxelles

Quel est le rôle d’une sénatrice des Français de l’étranger ?

J’ai déjà traité cette question dans plusieurs textes publiés sur le forum FFE et sur mon blog. Néanmoins je rappelle ici les principes qui guideront mon action durant mon mandat.

D’abord une évidence : les parlementaires, s’ils représentent la population qui les a élus directement ou indirectement, font avant tout la Loi de la République. Cela signifie qu’une sénatrice des Français de l’étranger, si elle doit bien sûr traiter toutes les questions relatives à l’expatriation, temporaire ou définitive (statut professionnel, scolarisation, sécurité, couvertures sociale et vieillesse, droits et représentation politique, …), a aussi pour obligation de débattre de thèmes politiques majeurs tels que l’environnement et le développement durable, l’Europe, l’aide au développement, le devenir des services publics d’Etat (notamment la formation et la santé), l’immigration, la durée du travail, les droits de la personne, les Institutions, bref de tout ce qui fait matière à législation dans notre pays et qui concerne en partie notre quotidien.

Ensuite une méthode : être sénatrice ce n’est pas pour moi, loin s’en faut, une aventure individuelle. Les positions que j’aurai à prendre si je suis élue, c’est ensemble que nous devrons les arrêter tant pour le cadre qui nous réunit – celui des Français de l’étranger – que pour celui, plus large, de la Nation. Car comme dans toutes les actions collectives auxquelles j’ai participé, ma démarche se veut résolument tournée vers les militants politiques et associatifs que j’entends associer le plus largement possible à mon travail.

Ce sera d’abord en échangeant et débattant régulièrement avec les sections PS/ADFE, en les visitant aussi, afin de m’assurer que les intérêts des Français de l’étranger ne soient pas oubliés dans la législation : initier des propositions de loi les concernant, s’attacher à intégrer à tout projet ou à toute proposition de loi le cas spécifique de notre communauté, voilà le rôle principal d’une sénatrice des Français de l’étranger. C’est à ce moment que se concrétisera le travail mené ensemble.

Ce sera aussi en portant au sein du groupe socialiste au sénat, aux côtés de Monique et de Richard, la voix si particulière de notre fédération qui doit être de plus en plus écoutée.

Enfin, si je suis élue j’ai l’intention de garder mon blog ouvert, en plus de ma participation au site de Monique et de Richard. Les réponses à des textes ou déclarations que j’aurai publiés ou faites ici ou là y trouveraient toute leur place. Ainsi pourrait s’instaurer aux yeux de tous, des débats contradictoires entre élue et citoyens. Je m’y engage formellement.

Quelle est votre analyse de la nouvelle législation sur l’immigration ?

Pour moi il s’agit avant tout de mesures politiques au service d’une stratégie de politique intérieure et non de mesures techniques répondant au double enjeu économique et social que représente l’immigration. C’est à dire qu’avec cette nouvelle loi (la cinquième en 4 ans …), ADN compris, on souhaite adresser un double message à l’électorat de l’UMP : d’abord le gouvernement tient les promesses électorales de Nicolas Sarkozy, ensuite il vise à conforter les électeurs de Jean-Marie Le Pen dans la justesse de leur décision d’avoir voté Sarkozy au second tour de la présidentielle.

C’est d’ailleurs dans la logique du président qui se veut perpétuellement dans l’action. Mais cette fois, non seulement cette nouvelle loi est insane mais en plus elle va rendre la tâche de l’administration encore plus compliquée alors que cette dernière a déjà de grandes difficultés à traiter dans les temps les dossiers des immigrés déjà présents (renouvellement des titres de séjour par exemple).

En plus toute une partie de ce texte concerne la politique de regroupement familial que l’on souhaite durcir, le gouvernement pensant en effet que c’est là un des moyens de réduire l’immigration légale. Là encore cette idée paraît absurde dès lors que l’on entend d’un autre côté porter à 50% la part de l’immigration « choisie » : comment convaincre quelqu’un de venir travailler chez nous tout en lui interdisant d’être accompagné de sa famille ?

Au total toute cette agitation n’est que la suite logique de la création du ministère de l’Immigration et de l’identité nationale : on parle aux Français, à certains Français, le langage que l’on croit qu’ils souhaitent entendre mais, en fait de rupture, on refait les erreurs du passé. Créer un ministère spécifique qui doit coordonner les actions des fonctionnaires d’autres administrations (douanes, police, gendarmerie, préfectures, consulats) cela ne marche pas. Tout ce que l’on va obtenir c’est plus de bureaucratie, plus d’arbitraire dans les décisions et une frustration accrue des fonctionnaires qui seront pressés par leur administration d’être plus efficaces et stigmatisés par les demandeurs de titres non satisfaits.

Un mot sur l’ADN et sur le comptage ethnique. Si ce dernier a été retoqué par le Conseil constitutionnel les tests ADN ont, eux, été validés malgré quelques réserves. Je trouve qu’avec la création du ministère Hortefeux, le discours de Dakar dans lequel Henri Guaino faisait s’interroger Nicolas Sarkozy sur la vraie nature de l’homme africain, les tests ADN puis le comptage ethnique cela commence à faire beaucoup …

Il faut donc être vigilant car Brice Hortefeux, dans la conclusion de son discours à l’Assemblée nationale, a annoncé son intention de faire étudier le changement de la Constitution pour permettre la mise en place de quotas par origine géographique. Et c’est bien évidemment l’Afrique qui est visée …

J’estime donc que ces nouvelles lois sont donc non seulement dangereuses mais totalement inefficaces au regard des objectifs annoncés et qu’elles vont d’ailleurs sans doute développer l’immigration clandestine dans notre pays (voir sur mon blog Mauvais rêve ). Entre l’angélisme et ces mesures il y a place pour une politique réaliste d’immigration imaginée sous une double optique : une politique d’immigration commune dans l’Union et une politique européenne d’aide au développement des pays de forte émigration.

Que pensez-vous du système scolaire français ?

Quand on sait que plusieurs dizaines de milliers de jeunes quittent – ou plutôt sont « sortis » – chaque année l’école sans aucun diplôme on peut effectivement s’interroger sur l’efficience de notre système scolaire.

Il ya quelques mois j’ai organisé dans le cadre de la campagne électorale, avec la section de Munich élargie, un débat sur le thème de l’école, la formation et l’accès des jeunes au premier emploi. Un certain nombre de propositions très concrètes ont été avancées, propositions que je souhaiterais reprendre et compléter.

Tout d’abord, la mixité sociale dans les écoles de la république est un principe de base qui devrait être respecté tout comme celui de la mixité sociale dans l’habitat. Il faut à tous prix éviter les ghettos et casser ceux qui existent pour que nos enfants et leurs enfants puissent vivre dans une société qui soit la plus cohérente possible.

A l’école, chaque enfant doit pouvoir avancer à son rythme et pour cela il faut créer des groupes de niveau, l’essentiel étant de leur apprendre à apprendre, même si pour cela il est nécessaire d’alléger les contenus avant d’avoir acquis les méthodes de travail.

Une initiation aux métiers manuels par l’intervention de professionnels à l’école et par des stages légers en entreprises au niveau du collège – ce qui se fait déjà mais timidement – élargirait l’horizon des enfants et faciliterait le choix d’un métier pour ceux qui ne souhaitent pas accéder à l’enseignement supérieur. Il faut mettre en place une véritable orientation. Pendant le week-end et les vacances, il serait souhaitable que des écoles restent ouvertes pour encadrer par des éducateurs les enfants qui en ont besoin et ainsi essayer de compenser l’éventuel déficit familial.

En ce qui concerne l’enseignement supérieur il faudrait regrouper les multiples universités en pôles universitaires et y intégrer les grandes écoles pour créer une synergie. On pourrait aussi ouvrir les bibliothèques universitaires 24h/24, ce qui, par ailleurs, fournirait des petits boulots aux étudiants.

Dans le cadre de la formation initiale, il faudrait développer la formation en alternance sur le modèle pratiqué en Allemagne qui tout en offrant, à l’école, un enseignement général mais aussi spécifique au métier appris, permet aux jeunes de mettre en pratique immédiatement leurs connaissances dans l’entreprise. C’est gratifiant pour les jeunes qui sont considérés comme des adultes, responsabilisés et qui de plus touchent un salaire. Des passerelles plus nombreuses devraient être mises en place pour permettre à un jeune de repasser le bac après une formation professionnelle et quelques années d’expérience professionnelle, puis de faire des études supérieures. Une plus grande valorisation de l’expérience professionnelle serait nécessaire.

Il faut développer le droit à la formation continue tout au long de la vie quel que soit le parcours, même après un long séjour à l’étranger.

Enfin on ne peut parler de l’accès des jeunes au premier emploi sans parler de stage et de stagiaires. Il faut définir clairement le stage et le statut du stagiaire, qui ne doit pas être de la main d’œuvre « kleenex » (par exemple rémunérer les stagiaires au niveau du SMIC).

Un dernier mot sur les écoles françaises à l’étranger : on ne peut les comparer de par leur recrutement aux écoles en France et si elles ont de tels résultats au bac c’est aussi parce que certaines d’entre elles « écrèment » sérieusement leurs élèves. Sinon comment expliquer qu’un lycée qui a une centaine d’élèves en sixième n’en a plus qu’une quarantaine en terminale ? Si certains lycées se sont donné pour mission de mener au bac tous ceux qui entrent en sixième – c’est ce que m’a affirmé le proviseur du lycée Liberté à Bamako – d’autres orientent les élèves trop « difficiles » vers l’enseignement local : je l’ai vécu en Allemagne. La question du coût de la scolarité dans les écoles françaises et de la gratuité en terminale a été longuement évoquée sur le forum, j’en ai parlé sur mon blog mais il est quand même paradoxal de voir des personnes aisées, qui n’ont rien demandé, obtenir la scolarité gratuite pour leurs enfants en Terminale alors que l’enveloppe des bourses est insuffisante.

La question du partenariat public/privé et du sponsoring reste ouverte et j’aimerais vous livrer un exemple : une nouvelle association vient de naître à Munich, celle des « Amis du lycée Jean Renoir » crée par de dynamiques parents, de droite pour la plupart. Elle a pour objectif d’ouvrir le lycée sur le monde extérieur et de le faire connaître notamment auprès des entreprises qui pourraient sponsoriser telle ou telle activité. Les (autres) associations de parents d’élèves et les enseignants, sceptiques, vont devoir être très vigilants.

Remarquons que c’est cette même question du financement de l’autonomie des universités qui agitent actuellement les étudiants en France. Jusqu’où pourra aller l’autonomie en matière de moyens financiers? En effet une grande partie du débat porte sur l’apport du secteur privé. Aujourd’hui, les entreprises ne contribuent qu’à hauteur de 150 millions d’euros à un budget total de 12 milliards …

Enfin je ne reviendrai pas sur la nécessité de créer des sections bilingues en Europe et dans les pays de l’OCDE qui serait une mesure qui favoriserait la francophonie et qui satisferait sans aucun doute les familles double nationales. Surtout, il faut souligner l’importance des groupes FLAM qui permettent à moindre coût de maintenir la langue française chez des enfants scolarisés dans les écoles locales, de former leur identité en tant que français à côté de leur autre identité locale et enfin de maintenir un lien social entre des femmes françaises, car ce sont souvent de femmes dont il s’agit – et qui sont parfois isolées -.

Quelles réformes pour assurer la pérennité de notre système de retraite par répartition ?

Comme beaucoup je pense qu’il faut, pour pérenniser notre système de retraite, réformer ce dernier. Mais pas n’importe comment et surtout pas en stigmatisant une partie de la population en essayant d’opposer la « France qui bosse et qui se lève tôt » à l’autre, cette dernière étant de plus accusée d’endetter un peu plus les générations futures en leur faisant financer des « privilèges » …

Les principes pour réformer notre système ont déjà été exposés sur le forum : tenir compte de la pénibilité actuelle (mais aussi passée car même si la pénibilité de certains métiers a diminué, certains actifs ont commencé à travailler lorsque celle-ci était importante) du travail, de la durée de cotisation, du type de contrat signé au début de la carrière et aussi de l’espérance de vie selon les branches et secteurs d’activité.

Il s’agit avant tout de méthode. Comme à son habitude Nicolas Sarkozy a voulu passer en force au lieu d’écouter, de débattre et de négocier dans le respect et non dans le mépris.

Pourtant une lecture attentive des travaux du Conseil d’orientation des retraites permet de comprendre quelles expositions professionnelles sont à prendre en compte pour compenser la perte d’espérance de vie ou d’espérance de vie sans incapacité : « Une fin de vie sous assistance respiratoire ou percluse d’arthrose au point de ne plus pouvoir se déplacer seul n’a pas la même saveur que l’image donnée par les agences de voyages spécialisées dans le troisième âge ! » En plus il est scandaleux d’exiger des salariés des années de cotisations supplémentaires, alors même qu’une partie d’entre eux sont écartés de leur emploi à cause de leurs problèmes de santé ou en raison du déclin de leurs capacités avec l’âge, problèmes survenus à la suite de travaux pénibles …

La méthode serait déjà d’intégrer ces facteurs en imaginant une autre répartition que l’actuelle.

Comment envisagez-vous une meilleure représentation des Français de l’étranger ?

Le comité Balladur déconseille la création de sièges de députés, pour des raisons techniques semble-t-il, alors que Nicolas Sarkozy qui sait compter – les Français de l’étranger représentent la 8ème circonscription électorale – demande au Premier ministre d’étudier la question. Sans se laisser aller à un enthousiasme trop précoce, on peut sans doute considérer que le projet est dans les tuyaux. S’il y a une vraie volonté politique, des solutions techniques seront trouvées sur le nombre de députés, sur le type de scrutin, proportionnel certainement , et sur le découpage et le nombre des circonscriptions qui doivent tenir compte de la répartition démographique des Français de l’étranger et non d’intérêts particuliers – une seule ou bien plusieurs permettant une spécialisation géographique des députés- . L’important dans un premier temps était bien entendu l’accord de principe qui semble être donné.

Lors des travaux de la Commission de la réforme au sein du CSFE entre 2000 et 2003, la question des députés avait été avancée par les membres du groupe ADFE et je n’ai pas oublié le rejet quasi unanime de la droite. Aujourd’hui c’est la même droite qui va sans doute mettre en place cette mesure. La pilule est amère mais en même temps cela prouve bien que la Gauche est innovatrice dans ses propositions. Je suis bien sûr favorable à la création de sièges de députés, favorable à un scrutin proportionnel et au découpage en plusieurs circonscriptions géographiques. (voir mon blog sur ce sujet).

Cependant là ne doit pas s’arrêter la réforme de la représentation politique des Français de l’étranger. L’Assemblée des Français de l’étranger n’est qu’une assemblée consultative et je suis favorable à sa transformation en une collectivité publique des Français de l’étranger, lui donnant les compétences d’un Conseil général sur les questions d’aide sociale, d’emploi, d’enseignement avec une autonomie de budget qui proviendrait à la fois de subventions de l’Etat et de revenus propres à définir (droits de chancellerie, des visas constituant une première piste). Les élus à l’Assemblée ainsi rénovée pourraient être secondés localement dans les comités consulaires par leurs suivants de liste. Leur nombre serait proportionnel aux résultats des élections à l’AFE. Ce serait également un moyen d’élargir le collège électoral pour les élections sénatoriales en incluant les membres des comités consulaires locaux et ainsi de renforcer la légitimité des sénateurs représentant les Français de l’étranger.

Quelles doivent être les priorités de la politique étrangère française ?

J’ai déjà eu à écrire tout le mal que je pense de l’actuelle politique étrangère française . Lors de la dernière convention FFE il a été souligné le caractère particulièrement inquiétant du discours du président Sarkozy devant les ambassadeurs réunis à Paris. Par-delà la forme et la gestuelle du discours, destinées avant tout aux médias, il est en effet préoccupant d’entendre notre président « s’intéresser uniquement à la « sécurité du monde occidental » tout en exprimant une phobie du monde arabe ». La presse internationale, tant en Europe que dans le reste du monde, s’est interrogée sur les fondements de sa politique étrangère. Si le virage atlantiste semble évident, on ne saisit pas bien l’intérêt qu’il y a à vouloir à tout prix soutenir un président américain désavoué et en partance. Gordon Brown dans l’expectative, Nicolas Sarkozy s’est empressé de prendre la place de Tony Blair auprès de Georges Bush. On a l’impression que la France s’aligne ouvertement sur la position américaine et que se prépare le retour de notre pays dans la structure militaire de l’Otan. Quant à l’Europe, tant dans les affaires des infirmières bulgares ou celle de l’Arche de Zoé que dans celle du « mini-traité » Nicolas Sarkozy a réussi à excéder ses pairs par son arrogance et sa diplomatie « compassionnelle ». Enfin, l’aspect « volontariste » de sa diplomatie a semblé trouver sa limite lors de son dernier voyage en Russie …

Alors il faut absolument préserver le caractère multilatéral de la politique extérieure de la France et ne pas tomber dans le piège de la bipolarisation tendu par l’équipe du président Bush. Pour cela il faut garder notre défense nationale indépendante (de l’OTAN) et renforcer le caractère intergouvernemental de la politique étrangère européenne. Et il ne faut surtout pas oublier la politique d’aide au développement qui doit être une de nos priorités.

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