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Action extérieure de l'Etat - Présentation du rapport budgétaire en commission

Au cours de la réunion de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, du mercredi 18 novembre 2009, Monique Cerisier ben Guiga a présenté son rapport sur le programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission Action extérieure de l’Etat.

1-     Une maquette inadaptée et source d’opacité.

Elle a rappelé que ce programme ne concerne que les crédits affectés à la diplomatie d’influence culturelle dans les seuls pays considérés comme développés selon les critères de l’OCDE mais que c’est également sur ce programme qu’est prélevée la majeure partie de la dotation publique destinée à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, où que ses établissements soient situés dans le monde. Elle a souligné combien la cohérence était douteuse entre un programme d’extension géographique restreinte mais dont l’essentiel des dépenses couvre la planète. Il résulte de cette maquette budgétaire que sur les 597,9 M€ de ce programme, 82% sont affectés à l’AEFE et qu’il ne reste que 88 M€ pour la promotion de la langue et de la culture française, la coopération scientifique et la promotion des échanges universitaires dans 48 pays (dont les 27 Etats membres de l’Union européenne, les Etats-Unis, le Canada et l’Australie, la Russie ou encore le Japon).

Il serait judicieux, dans un souci de  cohérence entre les actions et leur affectation, et ainsi que M. Christiant Masset, directeur général de la mondialisation du développement et des partenariats, l’a reconnu lors de son audition devant la commission, qu’une modification de cette maquette budgétaire soit envisagée avec la création d’un programme unique qui regroupe toute l’action culturelle française à l’étranger.

II- La diplomatie culturelle reste une variable d’ajustement.

Le projet de loi de finances pour 2010 s’inscrit dans le cadre de la loi de programmation triennale, qui prévoit une forte diminution des crédits consacrés à la diplomatie d’influence de 2009 à 2011. D’après ce document, les crédits passeraient de 105 millions d’euros en 2008 à 92 millions d’euros en 2009, puis à 80 millions d’euros en 2010 et enfin 77 millions d’euros en 2011. Cette trajectoire représente une baisse d’environ un quart (25%)sur trois ans.

Compte tenu des coûts fixes (comme les loyers), cette diminution s’est répercutée sur les crédits d’interventiondes postes diplomatiques, avec des baisses de l’ordre de 15 à 20 % sur un an selon les pays, allant même parfois jusqu’à 30 ou 40%.

Face à l’émotion suscitée par cette diminution inédite des financements consacrés à la diplomatie d’influence et dénoncée de manière unanime par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat l’an dernier, le ministre des affaires étrangères et européennes M. Bernard Kouchner a obtenu une « rallonge budgétaire » de 40 millions d’euros pour la coopération culturelle, et Monique Cerisier ben Guiga s’en est félicitée. Toutefois elle a tenu à insister sur le fait que cette « rallonge budgétaire » versée pour moitié (20 millions d’euros) en 2009 et pour l’autre moitié en 2010 (20 millions d’euros), et à répartir entre le programme 185 et le programme 209 ne sera pas suffisante pour enrayer la baisse des dotations.

Ainsi, malgré une « rallonge » de 8 millions d’euros, les crédits d’intervention du programme 185 connaissent une nouvelle baisse, passant de 63 millions en 2009 à 55 millions d’euros en 2010.

En dépit de tous les discours sur la Francophonie, « caractère central » de l’action culturelle dans la politique étrangère ainsi que l’a définie le ministre des affaires étrangères, la diplomatie d’influence continue d’être la variable d’ajustement du ministre des Affaires étrangères ce que Monique Cerisier ben Guiga a vivement dénoncé.

Elle a présenté quelques exemples pour illustrer son propos :

-         Les subventions destinées aux Alliances françaises baissent de 21% à 24%  selon les pays.

-         Les échanges d’expertise baissent d’environ 40 % pour 2010.

-         Les programmes d’échanges scientifiques diminuent de 32 % sur le programme 185, c'est-à-dire que c’est avec les partenaires les plus avancés dans la recherche que la collaboration est réduite.

L’accueil d’étudiants étrangers :

L’enveloppe des bourses destinées aux étudiants étrangers passe de 17,3 millions d’euros en 2009 à 14,1 millions d’euros pour 2010, soit une diminution de 19% alors qu’elle avait été stabilisée l’an dernier,.

Elle a insisté sur le fait que c’était un très mauvais signal dans un contexte de concurrence entre les établissements supérieurs des grands pays développés pour attirer les meilleurs étudiants étrangers.

Elle a par ailleurs précisé qu’à cela s’ajoutaient les obstacles administratifs, comme la mise en place d’une procédure d’inscription en ligne « admission post-bac » qui doublonne la procédure « Centre pour les études en France », la fiscalisation des bourses doctorales attribuées à des étudiants étrangers, et aussi les difficultés d’obtention des visas.

Elle n’a donc pu que constater que l’objectif d’attirer en France les meilleurs étudiants et les meilleurs chercheurs était abandonné.

Afin d’attirer l’attention du ministre sur cette grave erreur, elle a proposé un amendement visant à augmenter le montant de l’enveloppe des bourses destinées aux étudiants étrangers.

Comment gérer la pénurie ?

En ce qui concerne « l’action culturelle », Monique Cerisier ben Guiga a souligné que la gestion de la pénurie portait le nom de réforme, qui se traduirait par une réduction de la voilure sur le terrain et un changement d’objectifs et d’organisation à Paris.

Sur le terrainpour réduire, deux méthodes sont mises en place : la fusion des services et la transformation / disparition.

La fusion avec la création des « Espaces France » qui seront les centres culturels existants, dirigés par le conseiller culturel de l’ambassade. Ils disposeront de l’autonomie financière. L’objectif est d’accroître leurs capacités de levées de fonds privés pour le financement de leurs manifestations. En fait on économise ainsi un poste de directeur de centre culturel.

La transformation/disparition  avec la création d’antennes culturelles légères. En effet un centre culturel, ce sont des bâtiments, des frais de maintenance, de fonctionnement, du personnel et il arrive un moment où les restructurations budgétaires font que le budget de fonctionnement et la masse salariale excèdent largement les moyens d’action. Ceci se produit  même si l’effet de levier du financement public est considérable : pour 1€ versé par l’Etat français, c’est entre 5 et 10 € qui sont rassemblés localement pour monter les manifestations culturelles dans les pays riches. Encore faut-il que cet euro existe et que la pompe soit amorcée.

Il est ainsi prévu de fermer le centre culturel de Turin et la délégation culturelle de Venise et de réduire les personnels des centres et instituts culturels existants. L’instauration du plafond d’emploi pour les établissements à autonomie financière va dans le sens de la réduction.

Monique Cerisier ben Guiga a souligné que, dans les deux cas, il ne fallait pas se faire d’illusion. Certaines tâches de mises en relation, de réponse aux demandes de tous les partenaires ne seront plus remplies par les conseillers culturels. Les cours de Français des centres culturels, réputés et le plus souvent bénéficiaires seront repris par une Alliance Française ou passeront au Berlitz local. Quant aux antennes légères, faute d’évaluation de celles qui ont été créées en Allemagne depuis 8 ans, on ne sait quelle est leur efficacité. Elle a suggéré que la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées décide de réaliser cette évaluation dans le cadre de sa fonction de contrôle.

A Paris la Direction générale chargée de la mondialisation est maintenant en ordre de marche et la création de deux agences est prévue par le projet de loi relatif à l’action extérieure de l’Etat déposé le 22 juillet dernier au Sénat.

Sans vouloir revenir sur les enjeux et les modalités de la réforme soumise aux Parlementaires, elle a fait part de son étonnement devant les nombreux atermoiements du ministre à ce sujet, concernant en particulier le rattachement du réseau culturel à l’agence.

Elle a rappelé, en effet,  que l’une des recommandations figurant dans le rapport adopté à l’unanimité par les deux commissions des affaires étrangères et de la culture consistait à demander le rattachement progressif du réseau culturel à l’agence car il est apparu que ce n’est que de cette manière qu’il sera possible de renforcer réellement la diplomatie d’influence, tout en préservant l’autorité de l’ambassadeur au niveau local.

Or, si le ministre a toujours indiqué que cette option avait sa préférence, il n’a pas cessé de retarder sa décision face aux réticences conjuguées de certains ambassadeurs et des syndicats de personnels. Ainsi, il a d’abord confié à un comité de préfiguration une réflexion à ce sujet  et, alors qu’il devait présenter le résultat des travaux lors des journées du réseau en juillet dernier, il a une première fois retardé sa décision. Puis, il a décidé de consulter les 1600 personnels de son administration sur le sujet. Comme il l’a indiqué lors de son audition devant la commission, il n’a reçu que 450 réponses dont 10 émanant d’ambassadeurs, ce qui montre que le personnel est démotivé. C’était la énième consultation. Alors, il a confié à M. Dominique de Combles de Nayves une étude sur le sujet. Enfin, dans une lettre adressé le 27 octobre à l’ensemble des agents du réseau culturel, le ministre a indiqué : «  Je souhaite qu’après une période de trois ans de mise en œuvre de ce nouveau dispositif, un rendez-vous soit pris pour évaluer son fonctionnement et envisager le rattachement administratif du réseau à l’agence. Je suis personnellement favorable à cette évolution, qui n’est toutefois, compte tenu de ses conséquences administratives et financières, envisageable qu’à terme ».

Monique Cerisier ben Guiga a conclu sur ce point en disant que le ministre avait donc décidé, comme en juillet dernier, de ne pas trancher.

III- Elle a enfin abordé la situation de l’AEFE dont la subvention est en augmentation. Lui sont dévolus 420 millions d’euros de dotations sur le programme 185, auxquels s’ajoutent 106 millions d’euros au titre du programme 151 pour la prise en charge des frais de scolarité des élèves français des classes de lycée.

Elle a toutefois insisté sur le fait que cette augmentation était insuffisante pour permettre à l’agence de faire face au transfert par l’Etat des cotisations patronales des personnels détachés et aux programmes immobiliers sur lesquels elle a reçu compétence sans aucun transfert de budget. L’AEFE transfère donc ces charges obligatoires sur les familles. Les droits de scolarité augmentent de 10 à 20 % par an. La demande de bourses sur critères sociaux augmente en conséquence.

 Le Sénat avait adopté l’an dernier à une très large majorité un amendement instaurant un plafonnement de la mesure de prise en charge de la scolarité des élèves de seconde, 1ère, terminale, qui avait été écarté par le gouvernement lors d’une seconde délibération. Seul avait pu être inscrire le principe d’un moratoire, en demandant qu’une éventuelle extension aux autres classes soit précédée d’une étude d’impact.

L’Assemblée nationale a adopté dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, à l’unanimité et contre l’avis du gouvernement, un amendement présenté par le député François Rochebloine au nom de la commission des affaires étrangères, qui prévoit de transférer 10 millions d’euros sur l’enveloppe destinée à la prise en charge des frais de scolarité pour abonder les crédits destinés au programme immobilier de l’agence.

Pour ne pas diminuer les crédits communs de 106 millions d’euros destinés aux bourses sur critères sociaux et à la PEC, dont on sait qu’ils seront insuffisants, Monique Cerisier ben Guiga a précisé qu’elle ne soutenait pas cet amendement car on ne peut supprimer de crédits sur ce budget alors que la dépense prévue est de 114 millions d’euros et que l’administration durcit les critères d’attribution des bourses sur critères sociaux puisqu’elle ne peut pas toucher à la PEC.

Monique Cerisier ben Guiga a proposé un amendement dont l’objet est le même que celui de M. Rochebloine mais qui ne retire pas de crédits à l’aide à la scolarisation.

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Publié le 19 novembre 2009