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Budget du ministère des Affaires étrangères pour 2011

Examen en Commission du Rapport de Monique Cerisier ben Guiga sur la mission Action extérieure de l'Etat

(programme 185 Action culturelle et scientifique extérieure) à la commission des affaires étrangères du Sénat, le mercredi 17 novembre 2010,  dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2011.

Elle a  d’abord salué la mise en place rapide des nouveaux opérateurs prévus par la loi relative à l’action extérieure de l’Etat du 27 juillet dernier. L’Institut Français reprendra les missions exercées actuellement par CulturesFrance, auxquelles s’ajouteront de nouvelles missions, en particulier le recrutement et la formation des personnels du réseau culturel à l’étranger. Il devrait bénéficier d’une subvention de 37 millions d’euros du MAEE et d’un transfert de 41 agents qui s’ajouteront aux 99 personnes employées actuellement par CulturesFrance, soit 140 au total.

L’autre élément de satisfaction -modérée- est la stabilisation de l'enveloppe des bourses destinées aux étudiants étrangers sur la période 2011-2013 et le prochain regroupement de la gestion de ces boursespar le transfert des activités internationales du CNOUS au nouvel établissement public CampusFrance. Selon la Cour des comptes, les crédits des bourses ont diminué de 40 % entre 2007 et 2010 et le nombre de boursiers a chuté de 30 % entre 2002 et 2009. De plus, sur 120 millions programmés en 2009, seuls 98 ont été réellement dépensés. Certes, le nombre d'étudiants étrangers inscrits dans les universités et les grandes écoles françaises augmente car le nombre et la mobilité internationale des étudiants progressent dans le monde. Mais la diminution du nombre de bourses ne nous permet pas de sélectionner et de jouer sur la qualité des étudiants accueillis en France.

Elle a ensuite exposé ses vifs motifs de préoccupation sur les points qui suivent.
Les crédits consacrés à la coopération culturelle et d'influence, qui avaient fortement diminué les années précédentes, devraient connaître à nouveau une forte baissesur la période 2011-2013. Les crédits de fonctionnement et d'intervention diminuent de 5 % en 2011 et cette baisse devrait atteindre 10 % en 2013. Dans ce contexte, ne risque-t-on pas de compromettre la réforme de l'action culturelle ? Comment justifier, par exemple, que la subvention aux Alliances françaises soit réduite, alors que le ministère vient de signer une convention avec la Fondation ?

La forte réduction des personnels du réseau culturel constitue mon deuxième motif d’inquiétude. Après une diminution de 10% des effectifs ces six dernières années, une nouvelle réduction de 610 emplois, au titre du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, devrait être prise sur la période 2011-2013. Toutefois, le ministère a obtenu que ces nouvelles réductions d’effectifs portent moins sur les postes de titulaires que sur des postes de détachés, de contractuels ou de recrutés locaux. Or, c’est sur ces catégories que repose la continuité de l’action du réseau culturel et de coopération, qui devrait ainsi être fortement touché par ces réductions.

Elle a enfin et surtout insisté sur la situation financière très difficile de l'AEFE. Le Sénat vient de voter une loi de programmation des finances publiques 2011-2013 dont l'article 11 interdira aux établissements publics de souscrire des emprunts remboursables en plus de 12 mois. La liste de ces établissements n'est pas encore parue mais l'inquiétude est grande au sein de l'AEFE car cela lui interdirait pratiquement tout emprunt en vue de la rénovation ou de la construction d'établissements. Depuis 2005, l'Agence a engagé un programme immobilier scolaire d'un montant de 202 millions alors que sa subvention totale est stabilisée à 420 millions sur les trois prochaines années. Un emprunt global de 97 millions a permis de financer 48 % de ce programme immobilier. Or, si c'est L'AEFE qui emprunte, ce sont les établissements - donc les familles - qui devront rembourser cet emprunt, via l'augmentation des droits de scolarité. Tous  ces emprunts sont contractés sur 15 ans, les établissements commençant à rembourser dès la remise des clés. Par ailleurs, en 2011, le poids de l'immobilier à la charge de l'AEFE devrait encore s'alourdir puisque l'État va lui transférer 95 sites scolaires. Comment cela sera-t-il possible ? Le coût de la réhabilitation de ce parc immobilier sera de 140 à 300 millions. Comment l'Agence pourra-t-elle financer cette dépense supplémentaire alors que son fonds de roulement n'est que de 11 jours ? La seule solution, c'est l'emprunt, même s'il impose un lourd sacrifice pour les familles.

Elle a donc suggéré que la commission demande que l'article 11 de la loi de programmation budgétaire triennale ne soit pas appliqué à l'AEFE. Cette proposition a été adoptée à l’unanimité.

L’échange suivant s’est ensuite engagé entre les membres de la commission :

M. Robert del Picchia - La France n'a pas non plus les moyens de construire des écoles partout dans le monde. Si on peut continuer à emprunter sur 15 ans, tant mieux ! Mais il faut tenir compte de la situation budgétaire actuelle.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. - Il ne s'agit pas de construire de nouveaux établissements, mais de remettre en état ceux qui existent.

M. André Trillard - Est-ce réalisé par l'AEFE ? Celle-ci est-elle citée ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. - Nous savons seulement que la loi triennale interdit aux opérateurs de l'Etat de contracter des emprunts pour plus de 12 mois, alors que l'AEFE a besoin d'emprunter pour 15 ans.

M. André Trillard - C'est logique.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. - Ce texte doit passer en CMP. Nous pourrons peut-être convaincre nos collègues des finances d'ici le 13 décembre.

M. Josselin de Rohan, président. - La disposition est draconienne.

Mme Catherine Tasca - J'approuve Mme le rapporteur pour avis. Le nouveau lycée de Dakar n'aura pas coûté un kopeck au budget de l'Etat.

Notre commission s'est beaucoup intéressée à l'action culturelle extérieure. L'enseignement français à l'étranger n'est pas un luxe : sans lui, que resterait-il de notre présence culturelle ? Il est légitime d'attirer l'attention des autorités sur une disposition aux conséquences désastreuses pour l'AEFE, car certains établissements ont à l'évidence besoin de rénovation, d'extension ou même de reconstruction. Ne condamnons pas une pièce essentielle de notre dispositif culturel à l'étranger.


Publié le 24 novembre 2010