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Examen du projet de loi Action extérieure de l'Etat en commission des Affaires étrangères

Le calendrier

Depuis la réforme constitutionnelle de juillet 2008, les commissions parlementaires examinent le projet de loi et se prononcent sur les amendements déposés. C’est donc le texte issu de la commission qui est examiné en séance plénière.

Le 3 février, la commission des Affaires étrangères du Sénat a examiné le projet de loi relatif à l’Action extérieure de l’Etat. Voici un compte-rendu de cette première étape. Le texte issu de la commission sera discuté en séance publique le 22 février prochain.

Le contenu

Le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État s'inscrit dans le cadre de la réforme du ministère des Affaires étrangères et européennes, du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France et des recommandations issues de la revue générale des politiques publiques (RGPP).

Pour renforcer la diplomatie d’influence le gouvernement veut doter le ministère des Affaires étrangères d’établissements publics dont l’activité se situe à l’étranger. Ce texte crée aussi deux nouveaux opérateurs dotés du statut d'établissement public, l'un chargé de l'action culturelle extérieure, l'autre chargé de développer l'expertise et la mobilité internationales.

Il contient également des dispositions aussi variées que la rénovation du cadre juridique de l'expertise technique internationale, la mise en place d'une allocation pour les conjoints d'agents expatriés ou encore des dispositions relatives au remboursement des dépenses engagées par l'État à l'occasion d'opérations de secours à l'étranger.

Le travail en amont des sénateurs

La création d'une nouvelle agence chargée de la coopération culturelle, destinée à succéder à CulturesFrance, constitue l'une des principales nouveautés du texte.

Le Sénat a consacré de nombreux travaux à la réflexion sur l'action culturelle extérieure de la France. Il en est résulté le rapport d'information conjoint de la commission des affaires étrangères et de la commission de la culture sur la diplomatie culturelle, dont les conclusions avaient été adoptées à l'unanimité par les membres des deux commissions et auquel j’avais activement participé au premier semestre 2009.

Malheureusement, le projet de loi du gouvernement n’est pas à la hauteur des préconisations formulées par le Sénat, ce que regrette l’ensemble des sénateurs membres de la commission. Ils ont estimé que le projet de loi ne comportait pas les dispositions nécessaires à la mise en synergie de l’Agence parisienne et du réseau des instituts.

Les deux commissions s'étaient prononcées à l'unanimité en faveur du rattachement à terme et de manière progressive à la future agence des établissements du réseau culturel à l'étranger. Les dispositions relatives à la formation professionnelle et à la gestion des carrières des agents du réseau, qui figuraient pourtant au cœur de nos recommandations, n’ont pas été reprises dans le texte du gouvernement.

Les modifications apportées au texte 

De nombreux amendements proposés par les rapporteurs des commissions des affaires étrangères et des affaires culturelles, et travaillés avec l’ensemble des commissaires, ont été adoptés. Ils sont en cohérence avec le consensus établi depuis plusieurs années sur la réforme de la diplomatie d'influence.

« L’Institut Victor Hugo »

La dénomination, les missions et la gouvernance de la nouvelle agence, ainsi que sa tutelle ministérielle ont été précisées. Ce sera l’Institut Victor Hugo sous la tutelle du MAE.

La dimension interministérielle de l'action culturelle extérieure sera assurée par un conseil d'orientation stratégique. Une coopération étroite de l'agence avec les industries culturelles, les alliances françaises ou les collectivités territoriales est organisée.

Le lien explicite à établir progressivement entre cette agence et le réseau culturel à l'étranger est inscrit dans une « clause de rendez-vous ».

L’Agence Française pour l’expertise et la mobilité internationale

Le second opérateur prévu par le projet de loi sera chargé du développement de la mobilité et de l'expertise internationales.

Cet établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) sera issu de la fusion de CampusFrance, d'Egide et de France coopération internationale (FCI).

Le regroupement de ces trois opérateurs au sein d'une nouvelle agence devrait permettre de développer des mutualisations et des synergies et de renforcer la place de la France sur le marché de l'expertise internationale et en matière d'accueil des étudiants et chercheurs étrangers.

Cette réforme ne constitue qu'une étape, certes nécessaire, mais qui s'avèrerait insuffisante si elle ne s'accompagnait pas de nouvelles évolutions. Il faudra faire converger et coordonner l'action des multiples opérateurs des différents ministères et faire travailler ensemble les opérateurs publics et privés. Là encore les amendements proposés ont été élaborés conjointement. Ils visent en particulier à :

-préciser la dénomination, les missions, la gouvernance et la tutelle ministérielle de la nouvelle agence ;

-établir une coopération étroite entre l'agence et les établissements d'enseignement supérieur et les autres opérateurs publics ou privés, notamment au moyen d'instances consultatives.

La position du groupe socialiste

Ce texte très succinct du Gouvernement manque cruellement d'ambition.

Il n'apporte pas de réponse aux défis à relever pour réformer notre diplomatie culturelle. Trois raisons à cela :

-L’absence de véritable stratégie,

-La forte diminution des moyens consacrés à l'action culturelle extérieure,

-Le découragement des agents du réseau culturel à l'étranger.

Plusieurs points ont particulièrement retenu notre attention.

J’ai, en premier lieu, émis d’importantes réserves, au nom du groupe socialiste, sur le choix du statut de l’institut Victor Hugo. Il serait en effet préférablequ’il prenne la forme d’unétablissement public à caractère administratif (EPA), plus conforme à nos yeux à sa vocation, plutôt que d’un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) ainsi que le propose le projet de loi.

Nous avons par ailleurs fait part de nos inquiétudes sur l'avenir des financements consacrés par l'État à la diplomatie d'influence. En effet l'exposé des motifs du projet de loi énonce clairement que les objectifs visés par ce changement de statut sont en réalité la réduction de la part des subventions de l'État et un autofinancement aussi élevé que possible de l’Institut Victor Hugo.

Aussi avons-nous estimé que, pour renforcer la diplomatie d'influence, il était indispensable d'apporter des modifications substantielles au texte du Gouvernement. Nous avons donc déposé plusieurs amendements.

Les amendements

L’institut Victor Hugo : un EPA plutôt qu’un EPIC

Notre principal amendement tendait à faire de l’Institut Victor Hugo un établissement public administratif (EPA) plutôt qu’un établissement public industriel et commercial (EPIC) comme le propose le gouvernement. D’une part, les ressources resteront majoritairement des dotations publiques. D’autre part, conformément au principe de l’exception culturelle nous estimons que les biens culturels ne doivent pas être considérés comme une marchandise. Ainsi, les musées du Louvre, d’Orsay, de Versailles sont-ils des EPA. Enfin, le statut d’EPA faciliterait le transfert des fonctionnaires vers l’Institut, à Paris et ultérieurement dans les instituts locaux sans pour autant empêcher le recrutement et la carrière d’agents privés.

La constitution du conseil d’administration des deux établissements publics

J’ai présenté, au nom du groupe socialiste, un amendement visant à porter de deux à quatre le nombre de parlementaires appelés à siéger au conseil d'administration de ces nouveaux établissements publics pour une réelle représentation de la diversité politique. Un autre amendement permettait la présence d'un représentant de l'Assemblée des Français de l'étranger. Si le premier amendement a été accepté, j’ai dû retirer le second, le ministre des Affaires étrangères s’engageant à choisir un membre de l'Assemblée des Français de l'Etranger parmi les personnes qualifiées qu’il désignerait. J’ai suggéré que cet engagement soit confirmé par le vote d'une résolution de l'Assemblée des Français de l'Etranger lors de sa réunion du mois de mars.

Les autres dispositions

Concernant la création d'un opérateur pour l'expertise et la mobilité internationales, nous avons appuyé les amendements précisant les missions de la nouvelle agence.

Nous avons également soutenu la proposition de dénomination de la nouvelle agence chargée de la coopération culturelle : « Institut Victor Hugo ».

Nous avons soutenu l’amendement prévoyant que soit remis au Parlement, dans un délai de trois ans, un rapport sur la diplomatie d'influence. Il devra comprendre notamment une évaluation des modalités et des conséquences du rattachement du réseau culturel à l'étranger à l'agence chargée de la coopération culturelle. J’ai déposé un sous-amendement afin que soient introduits dans ce rapport les résultats des expérimentations menées en ce sens au cours de ces trois années, sur le modèle de l'expérimentation de la fusion des services de coopération et d'actions culturelles des ambassades et des centres et instituts culturels.

Ce projet de loi prévoit également deux dispositions, qualifiées de « cavaliers » dans le jargon parlementaire, mais que nous soutenons car ils répondent à de réels besoins :

L’une prévoit la création d’une allocation au conjoint versée au conjoint ou au partenaire lié par un PACS de l’agent en service à l’étranger qui n’exerce pas d’activité professionnelle ou si celle-ci est faiblement rémunérée.

L’autre disposition pose que l'État pourra exiger le remboursement des frais engagés à l'occasion d'opérations de secours à l'étranger. Je l’ai soutenue mais j’ai souhaité exonérer explicitement les journalistes, les membres d'organisations humanitaires, les universitaires et les chercheurs du dispositif proposé par cet article. Mon amendement a été rejeté par la majorité.

Lors de l’explication de vote, au nom du groupe socialiste, j’ai souligné que :

-les maigres perspectives budgétaires offertes par le gouvernement ne donnent pas les moyens financiers indispensables aux outils conçus par le projet de loi ;

-la création des Agences ne remplace pas une stratégie d’action culturelle extérieure aujourd’hui inexistante ;

-la désignation d’un Ministre délégué aurait pu contribuer à l’élaboration d’une action culturelle extérieure inscrite dans une stratégie à long terme ;

-Enfin j’ai insisté sur le fait qu’il est illusoire de penser que la création d’un EPIC constitue la solution aux problèmes structurels et financiers de l’action culturelle extérieure.


Publié le 10 février 2010