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Projet de loi action extérieure de l'Etat

Intervention en discussion générale - lundi 22 février

MCBG: De toutes ces annonces de réformes, suivies en écho de coupes budgétaires, de ces discours tonitruants sur le rayonnement culturel de la France qui couvraient le grincement des portes des centres culturels qu'on fermait, que reste-t-il ? Quel message d'espoir adressé aux agents de la diplomatie culturelle ? Quels moyens seront mis en oeuvre pour relever la place de la France dans l'expertise internationale et dans la formation supérieure des futures élites du monde ? Votre réponse, c'est un discours enflammé mais un projet de loi dont le souffle et l'ambition évoquent ceux de la notice technique du dernier Smartphone.

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Vous êtes méchante !

MCBG: J'exagère à peine, monsieur le ministre. Mais je sais que notre déception est aussi un peu la vôtre : ce n'est pas de ce meccano juridico-administratif que vous rêviez quand vous avez annoncé, il y a un an, vos projets de relance de l'action culturelle extérieure de la France.

Nous n'approuvons pas que le Gouvernement auquel vous appartenez délègue la plus grande part possible de son action à des opérateurs extérieurs tout en s'apercevant qu'ils échappent par trop à la toise de la RGPP et à son contrôle.

C'est le pilotage qui manque le plus cruellement : le général qui indique le sens de la marche aux fantassins désigne la position à prendre et s'assure qu'ils sont nourris et ont des munitions. (M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, approuve) Or dans le réseau culturel, pour la mobilité internationale ou l'attraction des étudiants étrangers, c'est août 1914 tous les jours : ordres, contrordres, pas d'ordres du tout et l'intendance qui ne suit pas. Les personnels attendent une orientation réaliste et des moyens assurés dans la durée. A cette condition, qu'ils soient fonctionnaires ou contractuels, ils pourront se projeter dans l'avenir, mobiliser leur inventivité et leur passion au service de notre diplomatie culturelle.

Le moment est venu de rétablir la confiance des agents en eux-mêmes et envers l'institution qu'ils servent : qu'ils cessent de vivre dans la menace de la fermeture, du licenciement, du retour en France. Quand un agent compétent ne fait que passer dans le réseau culturel alors que, chez nos homologues, il y ferait carrière, quand les moyens financiers diminuent ou fluctuent en cours d'année, le découragement et la démobilisation se répandent. CulturesFrance, transformé en Epic, y remédiera-t-elle ?

J'ai beaucoup apprécié votre discours, monsieur le ministre, mais les objectifs du Gouvernement se limitent au désengagement financier et politique de l'État et aux économies d'échelle. On peut discuter du statut d'Epic mais le caractère « industriel et commercial » relève ici du fantasme du moindre coût et de la souplesse de gestion, du profit au détriment de l'ambition culturelle. Tous nos grands musées ont un statut administratif, de même que l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), parce que la culture et l'éducation ne sont pas des biens commerciaux. C'est le principe de l'exception culturelle. Pour ce qui est de la souplesse de gestion, l'EPA n'est pas moins efficace que l'Epic. Il peut même bénéficier de dons défiscalisés provenant d'un pays de l'Union européenne et de ceux des fonds de dotation : sur ces points, il est mieux placé que l'Epic. La véritable raison du choix de l'Epic est la souplesse de gestion des salariés, sous contrat de droit privé.

Le statut d'Epic est un obstacle à la mise en synergie du réseau culturel et de l'agence. Les fonctionnaires ne pourront y travailler et le basculement des agents du réseau diplomatique sera difficile et coûteux. Les centres culturels à l'étranger perdront leur statut diplomatique, juridique et fiscal d'exception. Il aurait été préférable de basculer le réseau dans un EPA en quelques années, en suivant l'exemple de l'AEFE. Le choix du statut aurait mérité une réflexion plus approfondie.

Le seul objectif décelable du regroupement de France coopération internationale (FCI), de CampusFrance et d'Égide au sein de l'agence de la mobilité internationale est de réaliser des économies d'échelle. Or, en l'absence d'accord entre votre ministère et celui de l'enseignement supérieur et de la recherche, nous gardons un système dual de gestion des bourses et d'accueil des étudiants étrangers. Nous n'accueillerons pas mieux ces derniers et nous continuerons à gaspiller des crédits publics. Les pièces du puzzle ne s'emboîtent pas et il lui manque le gros morceau du Cnous.

Enfin, le progrès des mobilités suppose que le ministère de l'immigration cesse de refuser les visas à des étudiants et des chercheurs de haut niveau, comme en témoigne le cas de Farzaneh Sheidaei, astrophysicienne iranienne qui n'a pas pu rester à Jussieu et est partie en Afrique du sud.

Mme Catherine Tasca et M. Richard Yung.  - Merci Besson !

MCBG: - Lors de l'examen du budget de l'action culturelle extérieure pour 2003, j'ai estimé qu'en matière d'action culturelle extérieure, l'écart entre les intentions proclamées et la baisse des dotations continuait de s'élargir : « Il faudra un jour mettre fin à ces déclarations incantatoires qui ont perdu tout pouvoir d'entraînement sur les acteurs de terrain et contribuerait plutôt à les décourager ». Le mal est ancien. Ce projet de loi le guérira-t-il ? Je ne le crois pas.

Notre volonté de réformer la diplomatie culturelle est pourtant grande : six rapports parlementaires et de nombreux groupes de travail ministériels lui ont été consacrés... Et nous avons cherché à travailler dans une démarche constructive en amendant ce texte. Mais, monsieur le ministre, je n'ai trouvé ni dans votre discours ni dans ce projet de loi des solutions aux multiples défis à relever. Nous sommes donc sceptiques, mais nous écouterons vos réponses avec attention. (Applaudissements à gauche)

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Publié le 23 février 2010