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Débat PLFSS: trois amendements en faveur des Français de l'étranger repoussés

Lors du débat sur le budget de la Sécurité sociale, nous avons déposé trois amendements relatifs aux cotisations à la Caisse des Français de l’Etranger et aux certificats de vie exigés périodiquement pour le versement des pensions de retraite.

Deux de ces amendements ont été déclarés irrecevables sur le fondement de l’article 40 de la Constitution, en ce qu’ils constituent une augmentation de charges. L’un visait précisément à suspendre, pour les Français expatriés souhaitant adhérer à la Caisse des Français de l'étranger, la rétroactivité du paiement des cotisations afférentes à la période écoulée depuis le début de l'expatriation. L’autre, amendement de repli, avec un objet identique limitait cette suspension aux seuls bénéficiaires de la catégorie aidée.

La commission des Finances a motivé sa décision par le fait que ces amendements avaient pour objet non une baisse de cotisation, mais la suspension d'un droit d'entrée permettant l'ouverture de droits. Dans ces conditions, ils engendrent une augmentation des charges et non une baisse de recette pour la CFE et ne peuvent donc être gagés.

Nous avons, en vain, contesté cette analyse en considérant que la mesure, en permettant une hausse du nombre d'adhérents, ne constitue pas une augmentation de charges et en rappelant, qu'un amendement similaire déposé sur le PLFSS 2009 par les mêmes sénateurs avait, lui, été déclaré recevable.

Le troisième amendement reprenait un amendement rejeté au cours de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites. Il visait à harmoniser la fréquence à laquelle les retraités doivent fournir un justificatif d’existence, tout en permettant sa transmission par voie télématique et en faisant preuve de davantage de tolérance en cas de retard dans sa communication. Cet amendement  a été rejeté in extremis, à une voix prés, malgré un avis de sagesse de la part de la commission des Affaires sociales mais avec l’opposition du gouvernement, qui a pourtant considéré "l'idée bonne"!

Vous trouverez ci-dessous les textes des interventions et pouvez consulter les amendements 133,134 et 132.

Intervention sur l'article 21 

Mme Claudine Lepage. J’ai déposé, avec mes collègues Monique Cerisier-ben Guiga et Richard Yung, des amendements visant à suspendre, pour l’année 2011, l’obligation faite aux Français établis hors de France de s’acquitter d’un droit d’entrée lorsqu’ils souhaitent adhérer à une assurance volontaire maladie, maternité et invalidité, comme en propose la Caisse des Français de l’étranger, la CFE, organisme de sécurité sociale présidé par notre collègue Jean-Pierre Cantegrit.

Cet amendement a été déclaré irrecevable sur le fondement de l’article 40 de la Constitution, en ce qu’il constitue une augmentation de charges. Je souhaite, à cet égard, manifester mon étonnement, puisqu’un amendement en tous points similaire, déposé par mes collègues et moi-même lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, avait quant à lui été accepté. Les voies de l’article 40 sont décidément impénétrables…

Notre amertume est d’autant plus vive que nous étions parvenus à un accord plus global, notamment avec le président de la Caisse, M. Cantegrit, à qui nous avions présenté ces amendements, qui prévoyaient également que la CFE décide du renouvellement de ce dispositif selon des modalités fixées par décret.

En ces temps de crise économique mondiale, il est encore plus important d’améliorer l’accès des Français expatriés à l’assurance maladie, maternité et invalidité, quelle que soit la date à laquelle ils ont quitté le régime obligatoire français de sécurité sociale. Or, en l’état actuel des choses, ils sont contraints de s’acquitter, de façon rétroactive, des cotisations considérées comme dues dans la limite de deux années.

Faut-il rappeler, encore et toujours, que les Français établis hors de France ne sont pas, dans leur immense majorité, des évadés fiscaux ou des traders de la City ?

Ces Français sont simplement des personnes qui, pour des raisons diverses, vont tenter leur chance à l’étranger, ou y construisent un projet de vie familiale en suivant leur conjoint nommé à l’étranger.

Ce sont encore des Français qui, par les hasards de la vie, sont nés, ont grandi, étudié, puis ont travaillé à l’étranger. Ils sont parfois binationaux et présentent souvent un profil sociologique similaire à celui de leurs compatriotes vivant en France.

Or le montant que ces Français aux revenus moyens doivent acquitter est considérable. Je ne parle pas ici des personnes les moins favorisées, bénéficiaires de la catégorie aidée de la CFE, c’est-à-dire des assurés aux revenus inférieurs à la moitié du plafond de la sécurité sociale et qui se voient réclamer plus d’un salaire et demi de cotisation.

À cet égard, nous avions également déposé un amendement qui limitait la suppression de cette rétroactivité à cette seule catégorie d’assurés que sont les bénéficiaires de la catégorie aidée. Cette proposition a le grand mérite de prendre en considération le revenu des assurés et de parvenir ainsi à une meilleure équité.

Entendons-nous, cependant : ces demandes d’exonération n’ont nulle vocation à être prorogées automatiquement et intégralement d’année en année. Il ne s’agit pas ici, en effet, de remettre en question la solidarité nécessaire entre assurés, inhérente à ce système de rétroactivité.

La dernière suspension, accordée d’ailleurs sans condition de ressources, remonte à 2008. Le renouvellement de ce dispositif trois ans plus tard, comme sa limitation éventuelle à une certaine catégorie d’assurés particulièrement vulnérables, ne présente donc aucunement un caractère de systématisation préjudiciable à l’équilibre financier de la Caisse des Français de l’étranger.

Défense de l'amendement 132

M. le président. L'amendement n° 132, présenté par Mmes Lepage et Cerisier-ben Guiga, MM. Yung et Cazeau, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion et Demontès, MM. Daudigny et Desessard, Mmes Alquier, Printz et Schillinger, MM. Le Menn, Kerdraon, Godefroy, Jeannerot, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 60, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les retraités français établis hors de France doivent fournir une fois par an à leurs caisses de retraite un justificatif d'existence.

II. - Sous réserve de l'appréciation de la situation locale par les autorités consulaires françaises, les justificatifs d'existence peuvent être télétransmis.

III. - La suspension du versement de la pension de retraite des Français établis hors de France ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai minimum d'un mois à compter de la date fixée par la caisse de retraite pour l'envoi du justificatif d'existence.

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Le présent amendement vise tout d’abord à harmoniser la fréquence à laquelle les retraités doivent fournir un justificatif d’existence.

Afin de vérifier que les retraités français établis à l’étranger sont encore en vie et qu’une pension de retraite leur est versée à juste titre, il leur est demandé de fournir à leur caisse de retraite un certificat de vie.

La fréquence de cette formalité varie en fonction du pays de résidence : une fois par an pour les retraités résidant en Europe contre une fois tous les trois à six mois pour ceux qui sont établis dans des pays dits « à risques ».

Le Gouvernement a récemment décidé de renforcer la lutte contre la fraude par la mise en place d’un dispositif de contrôle prévoyant l’agrément de personnes physiques ou morales exerçant leur activité dans les pays situés en dehors de l’Union européenne, auxquelles les organismes de sécurité sociale s’adressent directement pour effectuer les constatations nécessaires de faits ou de situations concernant des assurés d’un régime français de sécurité sociale, quelle que soit leur nationalité. Cette initiative est bienvenue, car le nombre de ressortissants de ces régimes partant vivre leur retraite à l’étranger est en forte augmentation.

Toutefois, il n’apparaît pas opportun, dans ces conditions, de maintenir une différence de traitement en fonction du pays de résidence. Le renforcement de la lutte contre la fraude doit s’accompagner d’une harmonisation de la fréquence à laquelle les assurés sociaux résidant hors de France doivent fournir un justificatif d’existence, par un alignement sur la fréquence applicable dans les pays européens, c’est-à-dire une fois par an.

Le présent amendement tend également à permettre aux retraités français vivant à l’étranger de transmettre leurs justificatifs d’existence par voie télématique.

Depuis 2006, la CNAV peut recevoir par courriel ou par fax les certificats de vie des retraités résidant à l’étranger. Il convient de généraliser ce dispositif, qui a pour avantage de faciliter les démarches des assurés sociaux établis hors de France.

Enfin, notre amendement vise à prévenir une suspension brutale du versement de la pension de retraite à des personnes établies hors de France en raison d’un simple retard dû à la situation particulière dans laquelle se trouvent les assurés sociaux résidant à l’étranger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’harmonisation proposée paraît a priori justifiée et utile. La commission a donc émis un avis de sagesse sur cet amendement. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Pourquoi ?

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Je souhaiterais que M. le ministre nous explique pourquoi il est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Il s’agit sans doute d’une bonne idée, mais un examen plus approfondi de cette disposition est nécessaire. À ce stade, nous ne disposons pas d’éléments suffisamment solides pour l’accepter. Il convient de veiller à ce que les prestations soient servies à bon droit, et notamment à leur légitime bénéficiaire. C’est sur ce point qu’il existe un certain flou.

Par ailleurs, la mutualisation des informations entre les régimes aura inévitablement pour effet d’alléger les formalités exigées des retraités vivant à l’étranger. Il n’est donc pas nécessaire de leur imposer de fournir une fois par an un justificatif d’existence, pas plus qu’il ne convient d’interdire aux caisses de procéder à plus d’un contrôle par an si les circonstances l’exigent.

En d’autres termes, le dispositif de cet amendement est à la fois trop strict et insuffisamment stabilisé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 132.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

 


Publié le 16 novembre 2010