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BIP N° 82 - Pour un vrai débat sur l'OTAN

La France va reprendre place au sein du commandement intégré de l’OTAN. On le sait, avant même que le débat n’ait eu lieu. Preuve, une nouvelle fois, du peu de cas qui est fait du Parlement aujourd’hui… Le retour dans l’OTAN, pourtant, mériterait une vraie réflexion transcendant les clivages politiques parce qu’il marque une rupture essentielle avec la stratégie d’indépendance de la France mise en place par le général de Gaulle il y a près de 50 ans et un consensus entre tous les partis.

Deux points, notamment, sont à soulever. Le premier, que l’on oublie souvent, est de savoir ce qu’est l’OTAN. L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord a été créée autour des États-Unis en des temps de guerre froide afin de contrer une éventuelle attaque de l’URSS. Le général de Gaulle avait souhaité sortir de son commandement militaire pour affirmer le non-alignement de notre pays sur les États-Unis. Leur stratégie était alors basée sur le concept de riposte graduée. Aujourd’hui elle comprend la seconde guerre d’Irak, l’encerclement de la Russie et le bouclier anti-missiles, toutes orientations qui ne sont conformes aux intérêts de la France.

Mais les blocs ont éclaté. L’OTAN est en quelque sorte un vestige de ce passé qui, dans un monde globalisé, doit faire face à de nouvelles menaces et doit se transformer. Avant de reprendre place dans son commandement intégré, il eut été bon de se demander ce qu’est devenu l’OTAN, quel est désormais son rôle et ce vers quoi cette organisation se dirige. Personne ne le sait réellement. Mais ce débat, que François Mitterrand avait voulu lancer dans les années 80, n’a pas eu lieu car il mettait en cause la conception américaine d’une OTAN au service de leur stratégie.

La seconde question à se poser est de savoir ce qui va changer pour la France. N’oublions pas que, s’il ne fait plus partie de la structure de prise de décisions, notre pays fait toujours partie de l’OTAN. Il s’est du reste engagé à ses côtés, lorsqu’il le jugeait bon. Les uns prétendent que nous aurons désormais plus de poids. Mais, ne nous leurrons pas, notre influence restera limitée… Les autres s’alarment, affirmant que notre indépendance nationale est menacée. N’exagérons pas non plus : l’Allemagne a su préserver une position contraire à celle des États-Unis lors de la guerre en Irak.

L’idéal eût été de construire ce qu’on appeler le « second pilier », le pilier européen de l’OTAN, avec une capacité forte de régler les problèmes européens ou les menaces envers l’Europe, les Etats-Unis étant responsables du reste du monde. Mais cette politique de défense européenne, elle n’existe pas car la plupart des pays européens n’en veulent pas, de même que les Etats-Unis, ce qui se comprend.

Au total, ce changement est surtout inutile : il ne change pas grand chose dans le domaine de la défense. Il est essentiellement de nature symbolique. Il s’agit de continuer à exprimer une politique d’amitié envers les États-Unis, ce qui n’est pas en soi condamnable. Mais en la matière les sentiments sont peu de choses : les États-Unis ne sont pas demandeurs et cela ne changera rien à leurs orientations stratégiques. Nous n’aurons que des postes de commandement de second ordre. Par exemple, le commandement sud Europe, qui inclut Israël, restera réservé à un américain.  

Toutes ces interrogations sont lourdes de sens et il aurait fallu pouvoir en débattre librement. Or en engageant sa responsabilité sur cette question mardi prochain, le gouvernement bloque le débat. La gauche également, il faut le reconnaitre, puisqu’elle a demandé que le gouvernement engage sa responsabilité. Du coup, une partie des parlementaires votera indépendamment de ses convictions :

La majorité –et certains députés gaullistes le feront à contre cœur– voteront pour la réintégration par discipline, et l’opposition votera contre, après avoir critiqué en son temps la décision du général de Gaulle. Sur un sujet aussi fondamental, on ne peut que le déplorer.

Richard Yung


Publié le 16 mars 2009