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BIP N° 89 - Qui a carbonisé la taxe carbone ?

Qu’est-ce qui coute 17€ la tonne, est socialement injuste et écologiquement inefficace ? …
La taxe carbone version Sarkozy, bien sûr ! Jeudi dernier, le président de la République a mis fin a un long feuilleton en établissant le prix de la tonne de CO2 à 17€ au lieu des 32€ prônés par Michel Rocard. En un simple discours, Nicolas Sarkozy est parvenu tout à la fois à désavouer de nouveau son Premier ministre (François Fillon avait parlé d’une taxe à 14€), à se mettre les Français à dos (deux tiers sont opposés à cette mesure) et à décrédibiliser définitivement ses positions pseudo écologistes…

S’il est absolument nécessaire de créer une fiscalité verte afin d’impulser de réels changements dans nos habitudes de vie –engagement qui figurait dans le programme socialiste en 2007–, le chef de l’Etat semble n’avoir retenu que les mauvaises options dans la mise en œuvre de cet impôt vert (car il s’agit bien d’un nouvel impôt, contrairement à ce que prétend le gouvernement).

En fixant le niveau de la taxe à 17€ la tonne, Nicolas Sarkozy a anéanti son efficacité. Rappelons qu’en Grande-Bretagne elle est à 34€, en Suède, 114€ ! … Bref, 17€ c’est suffisant pour grever un peu plus le pouvoir d’achat des Français mais inutile pour influer sur les comportements. Les utilisateurs de voiture paieront leur litre de fuel 4,5 centimes plus cher mais utiliseront tout autant leur véhicule. Par ailleurs, par démagogie pure, le président a souhaité en faire une taxe « neutre » et s’est engagé à ce qu’elle soit compensée par des crédits d’impôts : 112 € de compensation pour une famille avec deux enfants en zone urbaine. Ces mécanismes de compensation réduisent encore l’utilité de la taxe… En ce qui concerne les entreprises, le gouvernement argue que la suppression de la taxe professionnelle compense la contribution carbone. C’est doublement faux : ces deux impôts n’ont rien à voir, ni dans leur objectif, ni dans leur mise en œuvre ; et ils ne correspondent pas à la même somme puisque la suppression de la taxe professionnelle fait perdre 8 milliards d’euros à l’Etat alors que la contribution carbone des entreprises tournera autour de 1,8 milliard. Enfin, la décision de ne pas prendre en compte l’électricité est discutable puisqu’une partie de celle-ci est produite avec des énergies fossiles.

La taxe carbone sarkozienne est également profondément injuste. Elle affectera surtout les ménages modestes pour lesquels le poids de l’énergie pèse plus lourd dans le budget et ne pèsera que très peu sur les plus riches, qui ont d’ailleurs plus de moyens pour investir dans des véhicules propres ou faire refaire l’isolement de leur maison… Il aurait fallu que cette taxe soit dégressive et redistributive afin de prendre en compte les capacités de chacun. Quel choix ont les employés qui doivent faire des heures de route pour aller au travail ? Avec un prix du pétrole élevé, une essence déjà largement taxée et un pouvoir d’achat en crise, faut-il encore les pénaliser ? Ils ne sont pas coupables d’avoir à se déplacer ! Et que doivent faire ceux qui ont un chauffage au gaz ? Refaire toute l’installation ? On ne peut sanctionner un citoyen que dans la mesure où il a le choix. Il revient à l’Etat de soutenir la mise ne place d’un parc de véhicules propres, de développer les transports en commun et d’aider les ménages à y accéder, il lui revient également d’aider à la rénovation ou la construction de logements écologiques (comme il l’a annoncé). Ce n’est qu’alors qu’il faudra sanctionner ceux qui s’obstineraient à gaspiller des énergies polluantes. Il faudrait aussi repenser la taxe carbone : la fixer à un niveau plus élevé pour qu’elle soit efficace et permette de financer des travaux d’économie d’énergie ; en faire un impôt socialement juste en introduisant des mécanismes de redistribution. Une harmonisation au niveau européen est également indispensable pour protéger nos industries et la question d’un tarif extérieur commun est à discuter.

C’est tout cela que nous aurions aimé proposer si le débat avait eu lieu, comme il se doit, au Parlement. On ne peut que déplorer, qu’une fois de plus, et sur un sujet aussi fondamental que l’écologie, ce soit Nicolas Sarkozy qui décide de tout, sans prendre la peine de consulter les représentants du peuple, au détriment de la démocratie.

Richard Yung.


Publié le 15 septembre 2009