LISTE DES ARTICLES

BIP N° 83 - L'or bleu

Echec du Forum d’Istanbul sur l’eau

Crise financière, économique, sociale : grave, gravissime. Toutefois en voyageant beaucoup au Moyen-Orient, et avec l’Afrique au cœur, je vous appelle à penser aussi à la pire des crises, celle de l’eau.

L’or bleu, l’eau, est bien plus nécessaire à la survie des hommes tout comme l’or vert, que l’or métal et l’or noir. Or le 5ème forum mondial d’Istanbul sur l’eau s’est clos le 22 mars sur un échec : le droit à l’eau n’a pas été proclamé.

Or la population vivant dans des pays où la demande en eau dépasse les ressources disponibles (moins de 500m³ d’eau par habitant et par an), est déjà alarmante.

Ce sont les pays du sud qui souffrent le plus de cette carence, liée aux conséquences du réchauffement climatique, alors même qu’ils ne disposent pas des moyens d’y faire face et qu’ils ne sont pas les responsables des émissions de gaz à effet de serre. Les modèles de calcul du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC) font apparaître que la Méditerranée sera la première touchée par les phénomènes d’augmentation de température. D’ici 10 à 15 ans les périodes d’été laisseront déjà entrevoir une augmentation du nombre, de la durée et de l’intensité des canicules.

Si à la fin du XXème siècle on estimait à 400 millions le nombre de personnes vivant dans un pays sous « stress hydrique » (déficitaire en eau), ils devraient être 4 milliards en 2025. La population du Monde Arabe et de la Chine sera la plus durement touchée : 90% de la population du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord devrait souffrir des pénuries d’eau qui affecteront leur pays. En Chine du Nord, qui concentre 45 % de la population chinoise et moins de 15% de l’eau disponible, certaines provinces se trouvent déjà sous le seuil de « stress hydrique » les plaçant à un niveau similaire à l’Algérie et Djibouti.

Les ressources en eau subissent des pressions grandissantes. Gardons à l’esprit que s’il faut entre 1.900 et 5.000 litres d’eau pour produire un kilo de riz et 120 litres d’eau pour un kilo de thé, 15.000 litres d’eau sont au minimum nécessaires pour produire un kilo de bœuf, voire 70.000 litres d’eau dans les zones arides. Cela devrait nous amener à réviser nos habitudes alimentaires.

La pression touristique est également redoutable. Le bassin méditerranéen, où se concentre 32% du tourisme mondial, ne dispose que de 3% des ressources en eau douce de la planète et concentre plus de la moitié de la population la plus pauvre en eau. Or les quelques 215 millions de touristes qui se rendent dans ces pays consomment, pour leurs besoins domestiques, quatre à huit fois plus d’eau que les habitants.

Nous, occidentaux, avons une responsabilité colossale tant dans la gestion et le contrôle de nos émissions de gaz à effet de serre, que dans nos habitudes alimentaires et nos réflexes comportementaux.

Les conséquences de la pénurie d’eau touchent déjà les fonctionnements des sociétés, l’alimentation et la santé et les capacités productrices des peuples les plus fragiles. En mars 2006 lors de l’ouverture du Forum Mondial de l’Eau à Mexico, il a été rappelé que « l’absence ou l’insuffisance d’eau potable tue dix fois plus que l’ensemble des conflits armés ». Toutefois n’oublions pas que, sur les cinquante dernières années, trente-sept guerres sont nées en réalité de conflits sur l’accès à l’eau dont trente dans le seul Moyen-Orient. Que réserve l’avenir ?

Nous qui sommes les principaux responsables du changement climatique depuis la révolution industrielle et des pénuries d’eau qui l’engendrent, nous devons impérativement changer nos modes de consommation et chercher, en partenariat avec les peuples les plus atteints, les choix politiques et les procédés techniques qui permettraient dès maintenant de faire le meilleur usage possible de l’eau disponible.

L’avenir des générations futures ne doit pas être de mourir de soif.

Monique Cerisier-ben Guiga


Publié le 24 mars 2009