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BIP N° 97 - La haine de l'autre

Avec 63% de mécontents, Nicolas Sarkozy frôle ses plus mauvais scores d’impopularité. La baisse est partout, y compris dans son propre camp, à l’UMP. Mais le personnage apparaît comme aveuglé par un amour immodéré de lui-même : « J’ai du mal à croire les sondages quand je fais des visites sur le terrain » dit-il, feignant d’ignorer que l’UMP et les forces de l’ordre éloignent de lui tout contestataire. Pourtant les chiffres sont là, têtus : le recul est général quelles que soient les générations, les professions  ou les catégories sociales considérées. Le niveau de mécontentement le plus important est observé chez les ouvriers et chez les salariés du service public.

Un tel résultat n’est pas étonnant.

D’abord Nicolas Sarkozy a tellement promis de s’occuper des personnes les plus fragiles en termes de pouvoir d’achat et de sécurité de l’emploi, qu’il n’est pas surprenant de voir ces dernières, déçues, se détourner après avoir voté pour lui en 2007.

Ensuite comment ne pas comprendre l’inquiétude des salariés de la fonction publique qui voient le nombre de leurs postes diminuer (avec en prime l’invention du licenciement des fonctionnaires) et sont les observateurs impuissants d’une inexorable dégradation du service public.

Enfin, sans apporter d’autre réponse aux problèmes quotidiens des Français que l’arrogance ou le boniment, le chef de l’Etat favorise l’installation d’un climat plus que malsain dans notre société : il dresse les professions et catégories sociales les unes contre les autres, il tente cyniquement d’opposer une communauté à la Nation, pensant regagner ainsi les voix d’extrême droite qu’il commence à perdre. Bref il divise pour, croit-il, régner.

Clearstream, l’identité nationale, la burqa, les gardes à vue, la création de « zones d’attente spéciales pour les étrangers, les dérapages verbaux en tout genre des élus ou des ministres qui se lâchent désormais sans vergogne, voilà les réponses de nos institutions à la montée du chômage, à la baisse du pouvoir d’achat ou à l’augmentation de la violence scolaire (avec, sur ce dernier point, un Grenelle de plus pour occuper les esprits …). Au lieu de traiter les vrais problèmes, on allume polémique sur polémique pour faire diversion. »

«Avant, on était crevés au boulot. Maintenant, on est usés partout, tendus tout le temps, dans tous les compartiments de la vie» : cette fois il ne s’agit pas de sondage, mais de ce que dit le médiateur de la République en remettant son rapport. Les Français en ont assez.

Et le président voudrait que nous soyons satisfaits de son action ?

Plus grave, plus inquiétant : « Ce que Sarkozy propose, c’est la haine de l’autre » disait Emmanuel Todd en décembre 2009. La manière dont on a tenté de stigmatiser la communauté musulmane est une honte pour notre pays. Cette stratégie, consistant à créer un clivage ethnique ou religieux pour faire oublier des oppositions de classe, a sans doute contribué à augmenter le nombre d’insatisfaits en se retournant contre son instigateur. Ça, en revanche, c’est rassurant.

Claudine Lepage


Publié le 25 février 2010