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BIP n°103 : Parole, parole, parole …

Le président a parlé, le 12 juillet, en direct de l’Elysée. L’air grave, le sourcil froncé, il a évacué en une petite vingtaine de minutes les « affaires » qui agitent furieusement le monde politico-médiatique puis, incantatoire plus que convaincant, il a épilogué sur la réforme des retraites, les déficits, la sécurité, l'immigration. Son intervention, ponctuée de « vous comprenez monsieur Pujadas, je suis président de la République », comme pour souligner l’importance de sa pensée et la fermeté de ses engagements, n’aura pas eu l’effet escompté : dès le lendemain la presse, cruelle, relevait une à une les inexactitudes ou les erreurs du discours présidentiel tandis que l’opposition et les syndicats contestaient le fond tout autant que la forme de l’intervention.  Quelques heures plus tard les « affaires » repartaient de plus belle à la suite de nouvelles révélations. Les accusations du président et de ses hommes contre une « certaine presse  fasciste» faisaient alors « pschitttt » comme un pétard mouillé du 14 juillet.

La République irréprochable dont il avait fait un de ses thèmes de campagne se fera, bien sûr, mais sans doute sans lui, après lui : les scandales surgissant les uns après les autres soulignent chaque jour un peu plus le décalage entre les déclarations faites la main sur le cœur et la réalité de l’actuelle gouvernance.

Car  expliquer que les affaires Bettencourt  ne sont en vérité qu’un complot visant à empêcher le ministre du Travail de mener à bien la réforme des retraites, cela, il fallait l’oser. Mais à trop parler de haut, à trop dénoncer d’obscures officines qui conspireraient pour empêcher que la France soit réformée, à trop vouloir parler pour ne rien dire de compromettant, le président  reconnaît à demi-mot le manque de clarté de certaines situations, situations qu’il trouvait parfaitement normales jusqu’à présent.

D’une part en « conseillant » à son ministre de ne plus être trésorier de l’UMP, il admet enfin que cette double casquette, surtout quand Eric Woerth était ministre du Budget, n’est pas possible dans une République irréprochable.

D’autre part se réfugiant derrière le refus fort-à-propos de l’UMP que soit créée une commission d’enquête parlementaire (alors qu’il pourrait lui faire violence …) il promet, histoire d’amuser l’opposition,  une «commission représentant toutes les familles politiques», chargée «de réfléchir à la façon dont on doit – ou non – compléter ou modifier la loi pour éviter à l'avenir toute forme de conflit d'intérêts» au gouvernement, au Parlement, chez «telle ou telle personne qui exerce une responsabilité» ... Si ce n’est pas un aveu, cela y ressemble.

Enfin refusant qu'un juge d'instruction – magistrat indépendant et inamovible – soit saisi des enquêtes dans les affaires Bettencourt, il a estimé « compétent » le procureur de Nanterre, pourtant dépendant lui, pour mener à bien les investigations … De même il a souligné le travail « fouillé » de l’Inspection générale des finances dont le rapport a « lavé de tout soupçon » son ministre du Travail, ancien ministre de tutelle de ladite inspection ...

Volutes de Havane et jet privé payés avec de l’argent public, permis de construire illégal, ministre de l’intérieur condamné pour injure raciale, centaines de millier d’euros par-ci, millions d’euros par-là, et maintenant « partis de poche » poussant comme champignons après la pluie, dans quelle démocratie vivons-nous ?

Et dire que nous osons donner des leçons de bonne gouvernance ici où là, alors que dans n’importe quelle autre démocratie européenne les démissions auraient eu lieu depuis longtemps.

« J'ai promis une République irréprochable, c'est ce que nous faisons » a dit le président. République irréprochable ? Parole, parole, parole …

Claudine Lepage


Publié le 19 juillet 2010