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BIP N° 108 - Tunisie : vous avez dit non-ingérence ?

Le gouvernement français fait de l’ingérence dans les affaires intérieures de la Tunisie sous couvert de s’en abstenir.
Ne pas avoir de relations suivies avec les partis politiques indépendants, laisser museler les Droits de l’Homme, feindre de croire les élections présidentielles et législatives démocratiques, considérer que c’est « Ben Ali ou le néant », « Ben Ali ou l’islamisme radical », c’est de l’ingérence en faveur du régime autoritaire instauré en 1987, grâce à un coup d’Etat organisé par les Etats-Unis.
Le soulèvement populaire auquel nous assistons se préparait de longue date dans les cœurs et les esprits.
Il prend les formes de suicides publics –impensables dans une société où le suicide est réprouvé– de manifestations spontanées, de destruction de symboles de l’Etat. Comment s’exprimerait-il autrement ?
Les corps intermédiaires (associations, partis politiques, syndicats) ne peuvent constituer un relai entre le peuple et le pouvoir puisqu’ils sont soit réprimés, soit sous contrôle.
Quand tout un peuple, toute une jeunesse dont le potentiel intellectuel est immense, avance à mains nues face à des policiers qui tirent à balles explosives en visant la tête des manifestants, c’est que la vie n’est plus tolérable. La jeunesse tunisienne réclame du travail, le respect des libertés publiques et la fin d’un régime captateur de richesses qui produit une corruption généralisée. La société entière en est déréglée et appauvrie.
Ne pas s’ingérer dans les affaires de la Tunisie, c’est écouter toute sa population et non le seul pouvoir, c’est soutenir les associations, les partis politiques, les syndicats, qui défendent les mêmes valeurs républicaines que notre pays, dans leur tentative de dialogue avec le pouvoir. Ils demandent le cessez-le-feu et le retrait des forces policières armées des villes, une véritable commission d’enquête sur la corruption, une période de transition politique vers l’instauration de la liberté d’association, de la presse et des médias, vers une révision du code électoral pour arriver à la tenue d’élections pluralistes sous surveillance internationale en 2014.

Ce n’est pas son expertise en matière de répression que la France doit proposer mais le soutien au programme de réconciliation républicaine que les partis politiques indépendants ont conçu.

Monique Cerisier ben Guiga


Publié le 13 janvier 2011