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BIP N° 66 - Union européenne : l'offre et la demande

Devinette : qui y a t-il de commun entre le non irlandais et le projet d’Union pour la Méditerranée ? Simple concomitance d’apparition dans le calendrier politique ? Début d’inventaire à la Prévert des heurs et malheurs de l’Union européenne ? Non, et cela mérite réflexion.

Le fil conducteur entre ces trois faits n’est-il pas cette persistante et dramatique inadéquation entre l’offre que font nos gouvernements - collectivement responsables dans le conseil européen et la commission de Bruxelles qu’ils nomment- et la demande politique des citoyens de l’Union, ainsi que celle des peuples voisins ?

Le Non irlandais n’est ni un « incident », ni une « péripétie ». C’est la réponse de la bergère à qui le berger propose un bel agencement réglementaire pour améliorer le fonctionnement des herbages alors qu’elle se soucie d’abord de loger, nourrir et soigner leurs enfants, leur assurer un avenir meilleur dans un environnement sûr et préservé des contrecoups de la guerre que se mènent les grands entre eux.

J’ai défendu avec une conviction viscérale les nouvelles institutions préparées par la Convention de 2005 puis le traité de Lisbonne, parce que la règle de l’unanimité et l’absence de leader à la tête de l’Union condamnent les 27 à l’impuissance politique dans l’Union et dans le monde. Force m’est cependant de reconnaître qu’il faut sortir de ce dialogue de sourds entre gouvernants et gouvernés. Tout en mesurant les freins au progrès que représente l’absence de bonnes institutions, je crois que nécessité fait loi et qu’il faut entreprendre au plus vite, dans le cadre actuel, la politique qu’attendent les Européens : l’amélioration sensible du quotidien, la préparation explicite et efficace du futur, dans des formes et un langage que chacun puisse s’approprier.

Les péripéties que subit l’Union pour la Méditerranée relèvent des mêmes causes, de la même erreur de méthode que celles que traversent les Institutions européennes. Sarkozy lance à Tanger un projet d’Union méditerranée que les peuples riverains n’ont pas sollicité et à la préparation duquel les 27 pays de l’Union européenne n’ont jamais été associés. Encore une offre qui ne répond à aucune demande de ceux auxquels elle est adressée. Résultat : méfiance, scepticisme, rejet et, s’il y avait référendum, « non » prévisible.

Au total, il me semble que nous cherchons bien loin, pour faire fonctionner l’Union européenne en interne et dans ses relations de voisinage, ce que nous avons sous la main. C’est le phénomène de La lettre volée dans la nouvelle d’Edgar Poe : cela nous crève les yeux, alors nous ne le voyons pas.

Pour relancer l’Europe et organiser ses relations de voisinage, il faut organiser à son niveau ce que nous avons dans chacun de nos pays : d’abord des élections parlementaires, organisées le même jour et mettant en compétition des listes paneuropéennes, constituées de candidats des 27 nations, par des partis nationaux fédérés sur le modèle du PSE. A eux de proposer des objectifs, les moyens pour les atteindre et qu’une vraie majorité politique se constitue au Parlement européen. Sur cette base, les citoyens de l’Union sauraient qui est responsable. Les chefs de gouvernement seraient alors contraints de désigner une Commission dont la composition serait conforme à cette majorité. Elle deviendrait ainsi un exécutif au service des orientations définies par le vote, au scrutin direct, de tous les Européens.

De même, pour lancer l’indispensable partenariat méditerranéen, faudrait-il provoquer des consultations préalables et impliquer les peuples, et pas seulement leurs dirigeants, par l’organisation de débats et de consultations démocratiques, informels dans un premier temps, faute d’institutions, mais qui génèreraient la dynamique d’une politique de voisinage vécue par les peuples et non imposée.

Monique Cerisie-ben Guiga


Publié le 20 juin 2008