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BIP n° 69 - EDVIGE : le fichier de trop

La sécurité publique contre les libertés privées : le fichier EDVIGE (Exploitation Documentaire et Valorisation de l’Information Générale) est le nouvel avatar de cette antithèse classique située au cœur des sociétés démocratiques.

Créée le 1er juillet dernier, cette nouvelle base de données poursuit un objectif confus. Elle remplacerait et compléterait les fichiers que les RG (Renseignements Généraux)  possèdent sur des personnes ayant eu affaire à la justice ou sur celles qui occupent des responsabilités politiques, syndicales et économiques. Il s’agirait donc de regrouper des informations sur tout individu ‘susceptible de troubler l’ordre public’ afin de mieux garantir la sécurité des citoyens.

Quelle logique pousse à rassembler sur une même base de données les personnes potentiellement perturbatrices et les responsables politiques ou syndicaux ? Le mélange est pour le moins étonnant. Si le but d’EDVIGE est bien de garantir la sécurité des citoyens, que viennent y faire leurs représentants ? L’inquiétude s’accroit avec l’élargissement des informations de base : identité, fonction de l’individu, informations d’ordre privé concernant la santé des personnes fichées (leur environnement, leurs relations, ou bien encore, leur orientation sexuelle). D’autre part, ce fichage concernera aussi des mineurs, ou toute personne de plus de 13 ans ‘susceptible de troubler l’ordre public’. Mais aucune précision n’est donnée sur les critères permettant de définir de tels individus, ce qui laisse toute sa place à l’arbitraire…

Nous ne sommes pas en proie à un « fantasme orwellien », comme le prétend  le  ministre de l’Intérieur. Nous nous méfions simplement, et à bon droit, de l’usage qui sera fait d’informations multiples, faciles à recouper, sans limite et sans contrôle. Nous refusons que soit anéanti notre droit à la vie privée, à la libre opinion et, pour tout dire, à ces quelques transgressions qui donnent parfois sel à l’existence.

Ce fichier ne peut que susciter le rejet. A tel point d’ailleurs, que Nicolas Sarkozy a enjoint à Michèle Alliot-Marie de « trouver une solution rapide ». Les données sur la santé et l’orientation sexuelle seraient alors supprimées, mais l’on ne reviendrait pas sur le fichage des mineurs, accordant simplement un droit à l’oubli pour les mineurs qui se tiendraient sages pendant un certain temps.

C’est un premier recul mais nous devons rester mobilisés jusqu’au bout (je rappelle qu’une pétition, ayant déjà obtenu plus de 155 000 signatures, circule contre Edvige : http://nonaedvige.ras.eu.org/). Nous devons nous battre pour que ce décret soit abrogé et pour que, dans l’avenir, notre vie privée soit, en toute circonstance, respectée et protégée. C’est l’un des piliers de la démocratie.

Monique Cerisier ben-Guiga


Publié le 16 septembre 2008