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BIP N° 93 - Vingt ans de reconstruction

Cette semaine marquait le vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin. Les commémorations se sont succédées, en Allemagne comme dans le reste de l'Europe. Cette date mérite bien l'attention qui lui est portée : elle marquait le début, il y a vingt ans, d'une réunification non seulement allemande mais européenne. Et les commémorations de 2009 ne nous font pas seulement nous tourner vers le passé : elles nous incitent à regarder vers l'avenir.

Car l'avenir est là. En 20 ans, l'Europe communautaire est passée de 12 à 27 Etats membres. Elle compte près de 500 millions d'habitants. Elle s'est transformée, passant en 1992 de la Communauté économique européenne à l'Union européenne, dont la vocation est politique. Elle a fourni un soutien sans faille au développement économique et démocratique des anciens pays de l'Est, avant de les intégrer. Elle soutient toujours les pays candidats dans leurs efforts économiques et politiques.

Vingt ans de croissance pour aboutir, disent certains, à un géant économique mais à un nain politique. Il est vrai que prendre une décision à 27, mettre d'accord chefs d'Etats et de gouvernements, administration centrale européenne et Parlement européen n'est pas chose aisée : il faut voir cet exercice comme un effort vers les compromis pragmatiques sur lesquels se fonde une action positive. Toutefois, si l'Europe voulait avancer vite, au rythme du monde qui l'entoure et qui ne l'attend pas, il fallait se donner les structures politiques adaptées. C’est pourquoi j’ai défendu le Traité de Lisbonne qui entrera en vigueur le mois prochain, vingt ans après ces événements qui marquaient le début du processus d'élargissement européen.

Une entrée en vigueur retardée mais qui offrira à l'Union l'organisation dont elle a besoin pour fonctionner, si les gouvernements savent placer aux postes clés nouvellement créés des hommes et des femmes animés de passion pour l’Europe et dotés d’une forte personnalité. Dans ce cas, le Traité permettrait une véritable action européenne sur la scène internationale. Avec un président, un ministre des Affaires étrangères, la personnalité juridique nécessaire pour conclure des accords internationaux : l'Europe, de l'Ouest comme de l'Est, pourrait aller bien au-delà de tout ce qu'on pouvait imaginer en 1989. Ces outils peuvent nous fournir l'assise nécessaire non seulement pour défendre notre continent, ses intérêts, ceux de ses populations, mais aussi pour défendre nos valeurs. S’ils agissent tous ensemble, les pays de l’Union européenne pourront contribuer à la résolution des crises qui menacent le plus la paix du monde : les trois arcs de crise du Moyen Orient, la misère et la corruption génératrices de guerres en Afrique. Avec les grands pays émergents, seule une Europe politique forte permettra d’établir des relations mutuellement fructueuses et de faire face, avec eux, aux défis environnementaux.

La Charte des droits fondamentaux acquerra dans quelques semaines une force juridique nouvelle. Elle ne doit pas être bafouée par ceux qui la proclament : pas de charters vers l’Afghanistan ou la Tchétchénie au nom de la tranquillité de l’Europe. Nous lutterons contre le dévoiement de nos principes. Oui à une Europe forte, ouverte, généreuse envers les victimes des migrations. Non à l’Europe forteresse destinée à crever de vieillesse à l’abri de murs nouveaux qu’elle aurait construits.

Monique Cerisier-ben Guiga


Publié le 13 novembre 2009