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BIP N° 70 - Débat sur l'Afghanistan

Le lundi 22 septembre, les parlementaires de la majorité ont autorisé la prolongation de l’intervention des forces armées en Afghanistan.

Avec nos collègues du groupe socialiste du Sénat, Monique CERISIER-BEN GUIGA et moi-même avons décidé de voter contre (Claudine LEPAGE n’a pas pu participer au scrutin car la Chambre haute était réunie dans sa configuration antérieure aux élections de dimanche dernier).

Ce vote ne signifie pas que nous sommes favorables à un désengagement. Une telle option entraînerait en effet une nouvelle dégradation de la situation et renforcerait les insurgés. Nous aussi nous refusons d’abandonner les Afghans aux mains de leurs bourreaux.

En exprimant cette position, nous avons plutôt voulu protester contre le choix du gouvernement de poursuivre une stratégie fondée prioritairement sur un accroissement de l’effort militaire. C’est la voie qui a été empruntée par George W. BUSH et dans laquelle s’est engouffré Nicolas SARKOZY depuis l’envoi d’un contingent de 700 militaires au mois d’avril. Cette stratégie est suicidaire car elle n’a été précédée par aucun bilan des opérations menées depuis 2001 ni par aucune réflexion sur les missions. Par ailleurs, elle entraînera indubitablement une hausse des attaques aveugles et du nombre de victimes civiles.

Lors du débat au Sénat, le Premier ministre ne nous a présenté aucune alternative permettant de stopper l’enlisement de cette guerre anti-insurrectionnelle. Il s’est contenté d’annoncer l’envoi de moyens militaires supplémentaires (hélicoptères, drones, moyens d’écoute, etc.) et des effectifs correspondants (une centaine de militaires).

Nous attendions au contraire des propositions précises concernant la répartition des responsabilités au sein de la coalition et la relance du dialogue politique entre les Afghans. Nous exigions aussi l’adoption d’un calendrier afin que nos troupes ne soient plus perçues comme une armée d’occupation (nos amis canadiens ont, eux, annoncé leur retrait pour 2011). Sur tous ces points, aucune réponse satisfaisante ne nous a été apportée.

Concernant la stratégie d’aide à la reconstruction et au développement, François FILLON s’est contenté de dresser la liste de quelques réussites (hausse du nombre d’enfants scolarisés, baisse de la mortalité infantile, hausse du taux de participation aux élections, etc.). Le gouvernement ne semble avoir tiré aucune leçon de l’échec des actions menées en direction des populations (corruption endémique, incohérence de la gestion de l’aide, etc.). Il est impératif de revoir la stratégie de state building.

S’agissant de l’extension des opérations militaires sur le sol pakistanais, le Premier ministre a notamment affirmé que les talibans ne devraient être poursuivis qu’avec l’autorisation d’Islamabad. Nous pensons qu’il faut aller plus loin et clarifier la relation avec le Pakistan, qui constitue, d’après Christophe JAFFRELOT, le « foyer d’islamisme le plus actif dans le monde ». Cette question devrait faire l’objet d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Enfin, il est regrettable que l’intervention de François FILLON ait totalement fait abstraction du fait que la France préside le Conseil européen. Le Président de la République, au nom des vingt-cinq Etats membres engagés en Afghanistan, devrait proposer aux Etats-Unis une nouvelle stratégie globale alliant défense, diplomatie et développement. Il devrait aussi convaincre Washington de replacer l’ONU au cœur de cette stratégie.

Pour toutes ces raisons, nous avons refusé de donner un blanc-seing au gouvernement.

Richard YUNG


Publié le 24 septembre 2008