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BIP N° 80 - Le Président a parlé

Dans l’immense salon de l’Elysée, vide, Le Président, placé sur un plateau de télévision blanc, incongru sur les moquettes rouge et or et sous les lustres déserts, a parlé aux « gens ».

Les invités-spectateurs, présents et absents, que la caméra ignorait, ressentaient-ils comme moi le côté décalé et glaçant de cette mise en scène ? Je laisse à de plus savants en sémiologie le soin de la décrypter. Pour ma part, j’en retiens les discordances. Discordance entre la volonté d’apparaître en majesté tout en se mettant au niveau des « gens » par l’emploi du mobilier télévisuel familier. Discordance entre l’éloquence bonimenteuse et les nobles élans rhétoriques ou compatissants sur les malheurs des « gens » (le « peuple » constitué de « citoyens » a disparu du vocabulaire de cette République).  Discordance enfin entre la parole et le geste. Au timide : « …un plafonnement des dividendes ?… » de Pujadas, qui répond aux envolées anticapitalistes présidentielles, succède un silence interloqué et une main levée, paume dressée face à la naïveté du journaliste qui prend le discours pour une promesse d’action.

Nicolas Sarkozy veut se montrer pragmatique. Il a entendu la colère populaire qui s’est exprimée avec force le 29 janvier et il répond aux critiques de la gauche en cherchant à rassembler les partenaires sociaux. Face aux difficultés des Français, toute décision est, démocratie sociale oblige,  renvoyée à la discussion entre partenaires sociaux, le 18 février. Le Président a recyclé les mesures déjà annoncées (projets d’investissement, convention UNEDIC…). Concernant l’indemnisation du chômage, aucun chiffrage n’a été évoqué ; pour les salariés payés au SMIC, aucune mesure claire. Aucune nouvelle mesure n’a été annoncée, si ce n’est la suppression de la taxe professionnelle en 2010, sans compensation sérieusement définie… une « taxe carbone » lancée au vent… virtuelle. Or, cela constitue une promesse bien réelle d’asphyxie financière pour les villes et les collectivités locales auxquelles tant de charges ont été transférées ces dernières années.

En réalité, rien dans la politique du Président ne changera. Le pragmatisme affiché masque un entêtement dont les Français de l’étranger commencent à mesurer les effets sur les écoles de leurs enfants. Le Président de la République, sans surprise, a annoncé qu’il poursuivrait sur la même voie. Ainsi, le monde change sous nos yeux, il l’a lui-même reconnu. Toutefois, rien ne saurait le faire dévier de sa politique dont les effets seront immédiatement sensibles pour les géants du BTP, envers lesquels il a une reconnaissance éternelle. Pour le simple citoyen, rien de concret en revanche, le pain quotidien des pauvres et de ceux qu’il place abusivement dans la classe moyenne dès qu’ils gagnent plus que le SMIC n’est pas prioritaire.

Le décalage entre sa vision de la France et les attentes des Français s’élargit. Pendant ce temps là, la crise s’accentue et la France perd du temps.

Monique Cerisier ben Guiga


Publié le 06 février 2009