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BIP N° 64 - Happy end : TV5 Monde restera francophone

Dix jours après avoir frôlé la crise, le conseil d’administration de la chaîne francophone TV5 Monde semble avoir trouvé un compromis heureux. Il a fallu des mois de conflit larvé entre la France et ses partenaires et la menace de leur retrait pour qu’ils se mettent enfin d’accord, le 29 avril dernier, sur deux points essentiels. TV5 Monde ne sera pas contrôlée par la France et elle gardera son autonomie éditoriale grâce à une directrice générale, Marie-Christine de Saragosse, distincte du Président, Alain de Pouzilhac.

Si la discorde fût si longue, c’est que les enjeux sont importants. Elle a débuté l’an dernier, lorsque Nicolas Sarkozy a annoncé son intention de réformer ce que l’on appelle l’audiovisuel extérieur : les chaînes télévisées et stations radios françaises à l’étranger. L’intention était de le moderniser en rapprochant les rédactions de RFI, France 24 et TV5 Monde dans une société holding, pour les mettre au service du rayonnement français à l’étranger et pouvoir ainsi rivaliser avec les chaines anglo-saxonnes. Deux polémiques sont alors apparues. La première concerne France 24 qui est actuellement diffusée en trois langues : français, anglais et arabe, et à laquelle on veut imposer l’usage exclusif du français. La seconde, plus vive, concerne TV5 Monde. Cette chaîne télévisée, présente dans de nombreux pays, a en effet un statut particulier. Ça n’est pas une chaine française mais francophone puisque le Suisse, la Belgique et le Canada y participent. Cette diversité fait sa richesse. La tentative de la France –qui, il est vrai, en détient la majorité des parts (les deux tiers)– de vouloir faire de TV5 Monde une filiale de sa holding France Monde –qui devra sans doute changer de nom, celui-ci étant déjà déposé– a donc été perçue d’un très mauvais œil de la part de nos partenaires qui ne se sentent pas le devoir de servir le rayonnement de la France de par le monde.
Ils se sont d’autant plus offusqués qu’ils ne se sentaient pas consultés et ont dénoncé d’une seule voix l’arrogance française. Ils ont rejeté la proposition de nommer Christine Ockrent, au poste de directrice de la chaine et ont exigé de pouvoir nommer un futur directeur général, doté de véritables pouvoirs. A la mi-avril, ils ont même menacé de se retirer.

Le compromis trouvé est donc inespéré et sans doute salvateur. Il a été décidé qu’Alain de Pouzilhac resterait Président de TV5 Monde mais que la directrice générale serait Marie-Christine Saragosse. Pour faire accepter l’intégration de TV5 Monde dans la holding, il avait été proposé aux partenaires de partenaires francophones de nommer un directeur « francophone ». Mais la France est un pays francophone ont-ils fait valoir pour expliquer leur adhésion à la nomination de Marie-Christine Saragosse en laquelle ils ont confiance. Elle a réussi à rassembler tout le monde, salariés et partenaires, sur son nom. Il faut dire qu’elle connaît bien le métier et la chaîne puisqu’elle en a été directrice puis la vice-présidente de 2001 à 2006 et qu’elle a assuré l’intérim lors du décès de Serge Adda.

L’accord porte aussi sur un autre point fondamental : TV5 Monde ne sera pas une filiale mais seulement un partenaire de la holding française qui ne pourra pas en détenir plus de 49% des parts. En contrepartie, les autres pays francophones augmenteront leur participation financière et la chaîne diffusera plus de productions francophones.

En somme, comme le dit la ministre de la culture et de l’audiovisuel belge, Fadila Laanan, cet accord « crée les conditions de modernisation de la chaîne. » Etant donné la richesse et l’importance de TV5 Monde pour la communauté francophone dans son ensemble, nous saluons ce dénouement heureux et nous souhaitons pleine réussite à toute l’équipe de TV5 monde.

Monique Cerisier ben-Guiga


Publié le 09 mai 2008