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Crédits de la mission Enseignement scolaire

Les crédits de la mission Enseignement scolaire, ont été discutés au Sénat ce mardi 1er décembre. Vous pouvez retrouver mon intervention portant sur  l'enseignement des langues ci-dessous:

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage

Mme Claudine Lepage. « Un plan d'urgence pour les langues » : c'est ainsi que le Président de la République a qualifié, le 13 octobre dernier, la nouvelle politique qu'il entend promouvoir en matière d'enseignement des langues étrangères, en affichant l'ambition de former des bacheliers bilingues, voire trilingues.

Bilinguisme, trilinguisme : ce sont bien les termes employés par M. Sarkozy. Cette ambition est remarquable !

Sénatrice des Français de l'étranger et observatrice particulièrement attentive de l'incroyable enrichissement que représente non seulement la maîtrise d'une autre langue, mais aussi la connaissance inhérente d'une autre culture, d'un autre mode de pensée, je souscris totalement à cet ambitieux projet ; j'attendais donc des idées neuves de la réforme du lycée.

Mais dans les faits, monsieur le ministre, à quoi correspond ce «plan d'urgence» ?

Est annoncée, d'abord, la répartition des élèves par groupes de compétence. Mais les groupes de niveau ne sont-ils pas déjà prévus par les textes ? Leur mise en place effective n'est empêchée, bien souvent, que par le manque de moyens…

Est prévu, ensuite, le recours à des locuteurs natifs. Mais que sont les assistants, présents dans nombre d'établissements, sinon des locuteurs natifs ? Et ce n'est pas une nouveauté, puisqu'ils existaient déjà à l'époque lointaine où je fréquentais le lycée !

Est proposé, enfin, l'enseignement de matières non linguistiques en langues étrangères. C'est un excellent moyen, en effet, de témoigner que la langue étrangère, plus qu'une simple discipline, est avant tout un outil de communication permettant, en l'occurrence, d'acquérir des connaissances.

N'est-ce pas le rôle des sections européennes, telles que nous les connaissons depuis bientôt vingt ans ?

Monsieur le ministre, le bilinguisme que vous appelez de vos vœux, c'est bien autre chose, et cela nécessite bien d'autres moyens. Cet objectif peut être approché grâce, d'abord, à l'enseignement précoce, c'est-à-dire dès la maternelle, les professeurs des écoles ne devant cependant pas se limiter à l'apprentissage de comptines, et grâce, ensuite, à la généralisation de l'enseignement de disciplines fondamentales non linguistiques par des locuteurs natifs.

Mais l'éducation nationale dispose-t-elle des ressources humaines adéquates ? J'en doute. Pour parvenir à cette fin, une vision au minimum européenne est nécessaire, accompagnée d'échanges d'enseignants. Dans ce cadre, le récent programme Jules Verne, sorte de programme Erasmus des professeurs, est prometteur, c'est vrai, mais à la condition qu'il soit davantage développé.

Bien entendu, il n'est pas question de mettre en concurrence les professeurs de l'éducation nationale et les enseignants locuteurs natifs. L'expérience des écoles françaises à l'étranger – je les connais bien – témoigne de la parfaite complémentarité de leur travail pour le bienfait de tous. Qui mieux qu'un natif peut enseigner non seulement la langue, mais aussi les codes interculturels et la communication non verbale ?

Je vous poserai une seule question, monsieur le ministre : au-delà des mots, l'éducation nationale se donnera-t-elle les réels moyens de faire en sorte que chaque lycéen approche au moins le bilinguisme à sa sortie du lycée ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Madame le sénateur, nous partageons le même objectif : nous ne nous résignons pas à ce que notre pays demeure dans les profondeurs des classements internationaux : il occupe la soixante-quatrième sur cent neuf du classement TOEFL. Nous avons décidé de prendre le taureau par les cornes, si vous me permettez cette expression, et de multiplier les initiatives dans le domaine de l'apprentissage des langues.

Les décisions que nous avons prises font suite à des expérimentations qui ont été menées avec succès dans de nombreux lycées. Les groupes de compétences, consistant à regrouper les élèves par niveau homogène et à dispenser un enseignement en petits groupes aux élèves connaissant davantage de difficultés, existent dans un certain nombre d'établissements. Ils ont montré leur efficacité.

Par ailleurs, certaines disciplines seront enseignées en langue étrangère. En filière littéraire, qui doit devenir une filière linguistique d'excellence, deux heures et une heure trente de littéraire étrangère seront dispensées respectivement en première et en terminale. Il s'agira d'enseignements supplémentaires. Cette solution est l'une des bonnes réponses au problème de l'apprentissage des langues.

La généralisation du recours aux multimédias pour l'apprentissage de la langue anglaise, notamment, permettra de réaliser des progrès très significatifs, comme ce fut partout le cas où nous l'avons expérimenté.

Enfin, chaque lycéen devra avoir effectué au moins une fois un échange avec un établissement dans un pays dont la langue officielle est sa première langue vivante, ce qui contribuera également à un bon apprentissage des langues.

C'est non pas une seule mesure mais l'addition de plusieurs initiatives, pour la plupart expérimentées avec succès, qui permettra de régler le problème. Nous voulons généraliser ces dispositions à tous les lycées.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour la réplique.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions.

Vous avez évoqué l'enseignement en langue étrangère de la littérature. On pourrait imaginer qu'il en soit de même pour l'histoire, par exemple. J'insiste sur le fait que cet enseignement pourrait être dispensé par des locuteurs natifs.

Je veux vous donner l'exemple du lycée français de Munich, que je connais très bien, où la littérature allemande et l'histoire sont enseignées par un enseignant ou une enseignante allemande. Un tel enseignement concourt non seulement à améliorer l'accent des élèves – point important –, mais aussi à diffuser une autre vision.


Publié le 03 décembre 2009