LISTE DES ARTICLES

Projet de loi sur l'action culturelle de l'Etat, séance du 22 février 2010

Interventions en séance lors du débat sur le projet de loi réformant la diplomatie culturelle de la France

Les sénateurs socialistes ont finalement voté contre le projet de loi sur l'action extérieure de l'Etat qui fait l’impasse sur son financement et n’assure ni le rattachement à notre réseau culturel ni une gestion des personnels débouchant sur des perspectives de carrière. De plus, le statut d’ « EPIC » introduit bien dans le texte une gestion commerciale de la culture.

Extraits de mes interventions lors du débat:

Sur l’Article 2 « Les établissements publics contribuant à l'action extérieure de la France sont administrés par un conseil d'administration »
Amendement n°19 pour ajouter un représentant de l'Assemblée des Français de l'étranger au conseil d’administration.

Mme Claudine Lepage : Au cours de ses travaux, la commission des affaires étrangères a modifié l’article 2 pour augmenter, à juste titre, le nombre de parlementaires qui siégeront dans les conseils d’administration.

Vous comprendrez aisément, mes chers collègues, que, en ma qualité de sénatrice représentant les Français établis hors de France, j’insiste pour apporter une autre modification concernant, cette fois-ci, la présence au sein de chaque conseil d’administration d’un représentant de l’Assemblée des Français de l’étranger.

Certes, on me rétorquera que les assemblées pourront désigner parmi leurs membres des parlementaires représentant les Français établis hors de France ou encore que des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger pourraient figurer parmi les personnes qualifiées désignées par le ministre. Il n’y a donc pas un refus de principe à la présence au conseil d’administration d’un représentant de l’Assemblée des Français de l’étranger. Dès lors, pourquoi ne pas l’inscrire dans la loi ?

Les Français de l’étranger sont directement concernés par les actions de ces établissements publics, comme l’a fait remarquer mon collègue Richard Yung.

Sur l’Article 6 et la "création d’un établissement public à caractère industriel et commercial pour l'action culturelle extérieure, dénommé "Institut Victor Hugo", (un amendement modifiant le nom de l’agence en "Institut français" a été voté avant la prise de parole sur cet article) placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères :

Mme Claudine Lepage: Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 6 vise à créer une nouvelle agence chargée de la coopération culturelle, l’Institut français. Je ne reviendrai pas sur le choix de cette appellation. Il me semble que l’essentiel réside bien dans l’abandon du nom CulturesFrance afin de marquer, au moins linguistiquement, la rénovation tant attendue, et la forte identité que l’appellation choisie donnera à l’agence.

En revanche, le caractère industriel et commercial ou administratif de l’établissement public est important, d’un point de vue pragmatique, notamment quant au statut du personnel, mais aussi et surtout sur le plan symbolique.

Pourquoi ce recours à l’EPIC, alors que les trois critères précisés par la jurisprudence du Conseil d’État pour définir la qualification commerciale de l’activité ne sont pas remplis ?

Tout d’abord, concernant les ressources, l’article 3 amendé place en première position la dotation de l’État. Concernant l’objet de l’établissement, les missions énumérées à l’article 6 sont loin de se limiter à la vente ou à la production de biens. Enfin, les modalités de fonctionnement ne peuvent être assimilables à celles d’une entreprise privée.

D’ailleurs, nombre d’institutions françaises à vocation culturelle ont le statut d’établissement public administratif, ou EPA. Je pense aux grands musées, tels que le Louvre, Orsay, le Centre Pompidou, ou encore à l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP.

L’Institut français devrait bénéficier du statut d’établissement public administratif ; c’est du reste l’objet de l’amendement que nous déposons avec Monique Cerisier-ben Guiga et le groupe socialiste.

Ce statut est déterminant en ce qu’il induit la distinction entre la culture considérée comme un bien public et la culture gérée de manière commerciale, avec la recherche du profit pour première intention et l’abandon du positionnement de la France en termes d’exception culturelle.

Je souhaite également évoquer la situation particulière de l’Alliance française. Le texte prévoit que l’établissement public pour l’action culturelle extérieure collabore notamment avec les institutions de création et de diffusion culturelle françaises et étrangères, « ainsi qu’avec des partenaires publics et privés, dont les alliances françaises ». Quelque 1 070 alliances sont présentes dans 135 pays, sur tous les continents.

Si les missions d’une alliance française sont identiques à celles d’un institut ou d’un centre culturel, à savoir la promotion de la culture et de la langue françaises, ce réseau est un acteur profondément original du dispositif culturel extérieur : les alliances françaises résultent le plus souvent d’initiatives locales et sont, en règle générale, constituées sous la forme associative.

Ainsi Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la fondation Alliance française, nous a-t-il rappelé que la France est le seul pays au monde à avoir confié la mission de promouvoir le rayonnement de sa culture et de sa langue à un réseau s’appuyant sur les « amis de la France » et des structures locales de droit privé.

Il importe que le réseau des alliances conserve toute sa place et que l’établissement public pour l’action culturelle extérieure associe étroitement l’Alliance française comme un véritable partenaire.

Sur l’Article 6 ter

Mme Claudine Lepage: Dans leur rapport conjoint consacré à l’action culturelle extérieure, la commission des affaires étrangères et la commission de la culture se sont clairement prononcées, à l’unanimité, en faveur du rattachement du réseau culturel de la France à l’étranger à l’établissement public pour l’action culturelle extérieure.

Or, l’article 6 ter doit être précis et envisager, dès maintenant et de façon claire, le rattachement du réseau. En effet, dans le cadre de cette clause de « revoyure » à trois ans, le rapport sur la diplomatie d’influence de la France doit évaluer les modalités et les conséquences du rattachement du réseau à l’établissement public pour l’action culturelle extérieure.

Il nous faut garder à l’esprit que l’agence ne pourra avoir une gestion cohérente et efficace que si elle repose sur des antennes locales. C’est grâce à ce réseau qu’elle pourrait, en effet, être à l’écoute de nos partenaires étrangers et répondre au mieux à leurs attentes.

En outre, ce lien me semble indispensable pour maintenir une relation sereine entre l’établissement public pour l’action culturelle extérieure et le réseau.

Il importe donc d’initier dès aujourd’hui ce rattachement en y procédant à titre expérimental et de façon progressive, dans différentes missions diplomatiques, comme le prévoit l’amendement déposé par l’ensemble de notre groupe.

Comme je l’ai déjà évoqué tout à l’heure, nous sommes amèrement déçus par ce projet de loi, qui manque cruellement d’ambition. Saura-t-il endiguer la déshérence de l’action culturelle extérieure, le dépouillement des moyens publics qui lui sont consacrés et le désenchantement des personnels ? Nous aimerions y croire.

 

 


Publié le 23 février 2010