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Voyage à Ottawa Colloque sur la présence française au Canada novembre 2008

Revenant du Canada, et d’un colloque sur la présence française dans ce pays, j’ai été sensible aux jugements positifs exprimés par tous mes interlocuteurs canadiens sur la richesse des apports de l’immigration. Cette appréciation pourrait trouver son corollaire en France, et le récent prix Goncourt, décerné à un auteur franco-afghan, Atiq Rahimi, en serait une belle illustration. Atiq Rahimi a été scolarisé au lycée français de Kaboul et déclare avoir découvert le cinéma français au Centre culturel français. Il a fui l’Afghanistan et obtenu en 1984 l’asile politique en France. Les jurés du Goncourt l’ont salué comme un « passeur » entre l’Orient et l’Occident. Un autre lauréat de ce début novembre : Tierno Monénembo, écrivain guinéen francophone, a obtenu le prix Renaudot.

Voilà qui plaiderait pour la francophonie et les échanges culturels internationaux si, dans le même temps, le nombre des étudiants français partant pour l’étranger ne diminuait pas au fil des ans, et si les visas n’étaient pas décernés aux artistes étrangers au compte-goutte, après un véritable parcours du combattant.

De source officielle, parmi les vingt-sept mille bourses proposées par le programme Erasmus aux étudiants français désireux d’étudier à l’étranger, quatre mille bourses n’ont pas trouvé preneur cette année. Des raisons financières (en particulier la complexité du système d’aides) et les difficultés rencontrées par les étudiants pour faire valoir en France les examens passés à l’étranger sont les raisons avancées et qui doivent retenir notre attention et notre vigilance.

Mais la culture n’est pas que livresque et on peut légitimement s’inquiéter du sort des musiciens, plasticiens, comédiens étrangers considérés comme des clandestins potentiels et qui se voient refuser un visa. Plusieurs artistes africains ont dû, cet été, annuler leur tournée en France et les organisateurs de festivals, aux prises avec une administration suspicieuse, ont baissé les bras. Certains festivaliers demandent avec insistance l’application de la circulaire Bockel, parue en février 2008, qui vise à faciliter l’attribution d’un visa aux artistes et universitaires. Détail intéressant, la circulaire prévoit « l’établissement de listes d’artistes par les services culturels des ambassades ». Ainsi les postes devront-ils se prononcer sur le talent des artistes en quête de visa, une charge supplémentaire, mais surtout une tâche risquée puisque les avis, forcément partiaux, seront aisément contestés.

Alors qu’aujourd’hui on projette d’affréter un charter français pour expulser plus d’une cinquantaine d’Afghans sans-papiers détenus dans le centre de rétention de Coquelles, quel serait l’avenir d’un autre Atik Rahimi ?

Pourtant, malgré ce constat des échanges culturels complexifiés par des administrations tatillonnes, de frilosité et de repli hexagonal, une voix s’élève pour célébrer « l’ère de la deuxième francophonie ». Le linguiste Claude Hagège soutenait encore récemment que « l’ouverture au multilinguisme et à la diversité culturelle de l’univers est une caractéristique forte de l’entreprise francophone » qui, selon lui, possèderait « trois avantages » : « l’avance historique, le refus d’une logique de marchés, puisque pays développés et pays en développement y coexistent en un laboratoire de relations internationales unique au monde, et la diversité, puisque le nombre des langues qui se parlent à l’échelle de nations dans les pays membres de l’OIF est supérieur celui des autres ensembles ». Je terminerai sur cette dernière note qui célèbre notre culture et son avenir à travers le monde.

novembre 2008


Publié le 19 décembre 2008