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Il faut sauver Radio France Internationale

Après la reprise en main de l’audiovisuel public national, avalisée par le Parlement en février dernier, l’avenir de notre audiovisuel extérieur est peut être en train de se jouer ce 5 mars devant le Tribunal de Grande Instance de Paris. C’est, en effet, ce jour là que les juges se prononceront sur le recours des syndicats et des élus du comité d’entreprise de Radio France Internationale qui contestent la régularité du plan social présenté par la direction.

Sous couvert d’un plan dit « de modernisation », la direction de Radio France Internationale a annoncé, en janvier dernier, la suppression de plus de 200 emplois sur un total d’un millier, soit environ 20% des effectifs.

Ces réductions d’effectifs devraient toucher plus directement les rédactions en langues étrangères. En effet, la direction a confirmé son projet d’arrêter la diffusion de ses programmes en six langues – l’allemand, l’albanais, le polonais, le serbo-croate, le turc et le laotien, tandis que plusieurs autres – dont le russe, le persan et le chinois – devraient s’éteindre sur les ondes et ne seraient plus disponibles que sur Internet.

Selon la nouvelle direction de la radio, « ces langues ne sont plus pertinentes au regard des évolutions géopolitiques ». Les intéressés – allemands, turcs, chinois ou russes - apprécieront…Ainsi, au moment où il est plus que jamais nécessaire de ressouder le couple franco-allemand, notamment pour faire face à la grave crise financière et économique qui touche l’Europe, la France abandonne un symbole fort de l’entente franco-allemande.

Mais ce ne sont pas seulement les programmes en langues étrangères qui sont concernés. Ainsi, plusieurs émissions devraient être supprimées, comme « Le journal du Proche Orient » par exemple, et on devrait trouver davantage de musique à l’antenne. Il est vrai que la musique adoucit les mœurs…

En dépit d’une forte mobilisation des personnels et du succès rencontré par la pétition « contre le démantèlement de RFI », qui a recueilli plus d’un millier de signatures, dont celle de nombreuses personnalités étrangères, l’avenir de Radio France Internationale, dont le professionnalisme n’est plus à démontrer et dont l’audience – avec 45 millions d’auditeurs dans le monde - dépasse pourtant, et de loin, celle de RTL, Europe 1, France Inter et France Infos réunis, paraît donc compromis. Qui sait, par exemple, que RFI est la radio la plus écoutée dans la plus grande ville francophone au monde – à Kinshasa en République démocratique du Congo – avec près d’un million d’auditeurs, devant toutes les radios locales ou étrangères ?

En réalité, depuis déjà plusieurs années, l’identité de Radio France Internationale, son indépendance éditoriale, son cahier des charges, ses emplois sont menacés et la réforme de l’audiovisuel extérieur, lancée par le Président de la République, risque fort de la condamner définitivement.

Le sous financement chronique dont souffre Radio France Internationale a nécessité une recapitalisation par l’Etat à hauteur de 16,9 millions d’euros, en février dernier, somme correspondant au déficit des trois dernières années. Mais, cette recapitalisation coïncide avec le regroupement de Radio France Internationale, TV5 Monde et France 24 sous la houlette de la société holding « Audiovisuel extérieur de la France », placée sous la direction de M. Alain de Pouzilhac et de Mme Christine Ockrent.

Ainsi, dès que la loi réformant l’audiovisuel public sera promulguée, après que le Conseil constitutionnel se sera prononcé, RFI n’existera plus comme société nationale de programme et tous ses actifs seront transférés à la holding.

En matière de financement, c’est donc l’incertitude la plus totale. Depuis cette année, les dotations publiques ne sont plus attribuées société par société dans le cadre de la loi de finances. Elles seront regroupées dans une enveloppe globale qui fait l’objet d’une répartition par les dirigeants de la holding entre les différentes entreprises, sans qu’aucun mécanisme ne garantisse une répartition équitable. En raison de la stagnation des crédits, l’audiovisuel extérieur souffre d’un manque de financement d’environ 25 millions d’euros en 2009. Or, du fait des responsabilités précédentes du président-directeur général de la holding au sein de France 24, dont il reste le président du directoire, on peut craindre que la répartition des dotations ne favorise cette chaîne au détriment de RFI…

Au même moment, la sortie de TF1 du capital de France 24 a été négociée par les dirigeants de la holding à hauteur de 2 millions d’euros – pour un apport initial de 17 500 euros...-, auxquels il convient d’ajouter de juteux contrats portant notamment sur la fourniture d’images d’archives pour un montant total d’un million d’euros sur sept ans. Qu’il s’agisse de la réforme de l’audiovisuel national ou extérieur, c’est en définitive toujours TF1 qui sort gagnant.

Radio France Internationale joue un rôle majeur pour l’influence de la France et de notre langue à l’étranger. Au moment où notre diplomatie culturelle perd ses structures et ses moyens d’influence, comment ne pas s’inquiéter de cette «chronique d’une mort annoncée » ?

 


Publié le 04 mars 2009