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Palestine - débat du Résau de coopération Décentralisée pour la Palestine

mercredi 21 mai 2008, à Cités Unies France

Monique Cerisier ben Guiga a répondu à l'invitation du réseau de coopération décentralisée pour la Palestine, constitué de toutes les collectivités territoriales Françaises qui coopèrent avec des collectivités territoriales palestiniennes.

Voici le compte rendu des principales interventions du colloque de la matinée.

Introduction de Claude Nicolet, Président du RCDP.
Le 17 mai dernier, le meeting de la plateforme des ONG pour la Palestine a rassemblé 4 000 personnes, ce qui est une très belle réussite et témoigne de l’intérêt de la situation palestinienne auprès des citoyens. Les collectivités locales s’y intéressent également : EuroGaza s’est réunie la semaine dernière à Séville, qui souhaite se jumeler avec Gaza. La région Nord-Pas-de-Calais a adhéré au réseau, la ville de Lille également. Toute cette action est pilotée par des élus locaux.

Constat sur la situation politique actuelle en Palestine, Denis Sieffert, Directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Politis.
En ce qui concerne la situation inter-palestinienne, il faut exclure les raisonnements de type endogène. Un mouvement ne s’explique pas par lui-même et l’évolution du Hamas ne découle pas de son idéologie, mais d’un rapport de force, c'est-à-dire celui qu’il entretient avec le Fatah et surtout celui qui oppose la Palestine à Israël et à la communauté internationale. La victoire du Hamas en 2006 est le fruit d’un processus politique. Ce qui lui a permis de se développer, c’est l’échec du processus d’Oslo. La poursuite de la colonisation entre septembre 1993 et juillet 2000 (on passe en Cisjordanie de 115 000 à 195 000 colons, sans compter les 200 000 de Jérusalem) rend le mouvement d’opposition majoritaire : c’est pourquoi le Hamas a remporté les élections. Le développement du Hamas suit de manière rationnelle les moments de déception dans la scène palestinienne. Le caractère violent de ses attaques correspond à des moments précis où l’opinion palestinienne est saisie de désespoir. Les principaux acteurs de la promotion du Hamas sont donc ceux qui ont fait en sorte qu’Oslo échoue. L’année 2006 marque un tournant important pour le Hamas, car certaines de ses composantes ont reconnu implicitement Israël en 2005 et font d’importantes concessions sur la nature de l’organisation sociale palestinienne : ils adhèrent aux principes de démocratie, d’alternance, et de pluralisme. La décisions de la communauté internationale de couper les subsides au Hamas a été catastrophique. De plus, l’Autorité palestinienne a pris des décrets pour limiter les prérogatives du Hamas. Or le Hamas est un mouvement composite : on peut donc favoriser les modérés au sein du mouvement si on arrête de l’isoler. Le Hamas est actuellement en position de faiblesse à Gaza : il faut donc recourir au dialogue et constituer un gouvernement d’union nationale.

Débat : Tous les Ambassadeurs de l’Union Européenne sans exception, après la victoire du Hamas, ont envoyé des rapports disant qu’il fallait dialoguer avec ce mouvement. La majorité des diplomates français étaient contre la fin du dialogue avec le Hamas. L’Union Européenne reprendra le dialogue avec le Hamas lorsqu’elle refusera de se soumettre au diktat américain. L’Autorité palestinienne est également responsable de l’émergence du Hamas, car elle s’est constituée en régime autoritaire qui ne permettait pas le développement de la société palestinienne. C’est un type de rapport classique dans le monde arabe : on tient pour une manifestation de laïcité une dictature militaire qui s’oppose à la montée des islamistes. L’Autorité palestinienne constituait une amorce de ce type de rapport fréquent dans le monde arabe.

La question des droits de l’homme au Proche-Orient, Michel Tubiana, ancien président de la Ligue des droits de l’homme.
On n’a jamais vu en droit international autant de résolutions que celles qui portent sur le conflit israélo-palestinien. La situation est claire : depuis 1967, il y a un occupant et un occupé. Rien ne peut justifier l’inexistence d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967, pas même les « raisons de sécurité » sans arrêt invoquées par les autorités israéliennes. Certains textes de lois destinées aux Palestiniens constituent une négation de la justice et du droit, comme le principe de la « détention administrative », qui peut être indéfiniment prolongée sans jugement. Ceci est semblable aux législations d’exception en France pendant la guerre d’Algérie : il suffisait d’être arabe et algérien pour devoir se soumettre à un couvre-feu à Paris. Le processus en Palestine est fondamentalement un processus colonial d’occupation, c'est une guerre. C’est pourquoi le fait qu'un Palestinien prenne les armes contre un soldat israélien ou un colon armé est un acte de résistance alors que s'attaquer à des civils israéliens est du terrorisme. On peut également souligner les atteintes aux droits des Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza, et la quasi-impunité des colons et soldats israéliens qui en sont coupables. Ces entraves aux droits ont eu des effets symboliques dramatiques : avant Oslo, l’autorité militaire israélienne refusait des permis de construire aux Palestiniens dans 95% des cas ; après Oslo, c’est l’Autorité palestinienne qui faisait l’intermédiaire entre les citoyens palestiniens et l’autorité israélienne, qui lui refusait les permis dans 90% des cas. Ceci délégitimait l’Autorité palestinienne aux yeux de son peuple. En définitive, les autorités israéliennes n’ont pas le droit de mettre un objet volé, les territoires de 1967, sur la table des négociations. Il est urgent de faire respecter le droit, car la situation palestinienne se répercute sur l’ensemble du monde arabe : il n’y a pas meilleur alibi pour les régimes dictatoriaux arabes que de se prononcer en faveur des Palestiniens. L’important n’est pas de se dire pro-palestinien ou pas, mais bien de faire appliquer le droit.

Débat :Michel Tubiana conteste la notion d’Etat d’apartheid pour parler des territoires occupés : pour lui la notion d’Etat d’apartheid vaut pour les Palestiniens d’Israël mais pas pour les Palestiniens des territoires occupés. Adel Atieh répond qu’en effet c’est encore pire que l’apartheid, car en Afrique du Sud s’il y avait des wagons réservés aux noirs, en Cisjordanie il y a des routes que les Palestiniens ne peuvent pas du tout emprunter.

Etat des négociations pour le statut final des territoires palestiniens, Muzna Shihabi, Conseillère en communication – Unité d’appui aux négociations.
Les négociations portent sur la création d’un Etat viable sur 22% de la Palestine historique, incluant la Cisjordanie et Gaza, doté d’une souveraineté effective, avec Jérusalem pour capitale, et le droit au retour de tous les réfugiés. Trois facteurs sont donc importants : le territoire, Jérusalem et les réfugiés. Aujourd’hui il est presque impossible de les réaliser. Quatre facteurs illustrent l’entreprise coloniale d’Israël :
Les 170 colonies de Cisjordanie, toutes illégales, qui comprennent 0,5 million de colons dont la moitié vivent à Jérusalem-Est.
Le mur, qui sépare les Palestiniens entre eux. Par exemple, les villages autour de Qalqiliya qui dépendaient de cette ville en sont séparés par le mur, et leurs habitants sont obligés de vivre à Qalqiliya : c’est du « transfert tacite ».
Les routes et les checkpoints : il y a des routes pour les Palestiniens et d’autres, rapides, pour les colons israéliens, qui peuvent se rendre à Tel Aviv en une demi-heure. Il y a 560 checkpoints en Cisjordanie, dont certains sont de vraies frontières. Les Palestiniens n’ont pas le droit de circuler sur leur terre, ce qui affecte gravement leur vie quotidienne. En définitive, 54% de la Cisjordanie reste aux Palestiniens. Jérusalem-Est, qui concentrait 35% de l’économie palestinienne, ne représente plus rien aujourd’hui, car elle est encerclée par 200 000 colons. En plus, Israël a instauré tout un système de confiscation de cartes d’identité des habitants de Jérusalem : en 7 ans, 1363 cartes ont été confisquées. Quand Israël parle d’un Etat palestinien, il parle de 3 ghettos reliés par des tunnels, sans accès à l’étranger, et sans Gaza.
Les réfugiés aussi sont une question importante, qu’Israël refuse d’aborder : 418 villages ont été rasés en 1948, les réfugiés palestiniens sont aujourd’hui 7 millions, ils ont le droit au retour et à un système de compensation si la restitution de leurs biens est impossible.

L’Union européenne et la question palestinienne, Adel Atieh, assistant politique de Leila Shahid, délégation générale de Palestine à Bruxelles.
Depuis 1993, la stratégie israélienne vise à créer sur le plan territorial, économique, politique et social un fait accompli pour qu’un accord de paix avec les Palestiniens soit impossible. Sur le plan social la division des territoires a créé des tensions intérieures palestiniennes, ce qui a détruit la cohésion sociale palestinienne. La colonisation et le bouclage des territoires palestiniens ont été renforcés, ce qui a conforté la légitimité du Hamas. Aujourd’hui, le Hamas est un interlocuteur que nous ne pouvons pas exclure. Cependant au moment où un gouvernement d’union nationale a été institué, la communauté internationale l’a boycotté. A la conférence de Paris, les pays donateurs ont donné 7,5 milliards de dollars, or les rapports du FMI et de la Banque mondiale affirment que les investissements auprès de l’Autorité Palestinienne sont inutiles tant qu’Israël n’aura pas modifié sa politique sur le terrain. De plus, le plus grand bénéficiaire de l’aide internationale est Israël : 60% de cette aide va dans les colonies israéliennes car 95% de ce que consomment les Palestiniens vient d’Israël. Aujourd’hui, la communauté internationale et l’Union Européenne n’ont adopté aucune mesure concrète. L’Union Européenne veut même renforcer son accord d’association avec Israël. Il faut aujourd’hui une position européenne claire pour obliger les Israéliens à mettre fin aux constructions de colonies en vue de la création d’un Etat palestinien indépendant.


Publié le 26 mai 2008