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Présidence française de l'Union européenne

Intervention en séance le 17 juin:

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues,

Le projet d’Union pour la Méditerranée sera-t-il l’un des points forts de la présidence française de l’Union ? Avec vous, nous souhaitons unanimement la réussite de projets pragmatique menés avec persévérance dans cette partie du monde.

Toutefois, notre inquiétude concerne la méthode suivie par la France. Nous doutons qu’elle soit la bonne. Au départ, l’unilatéralisme de la France a suscité la méfiance générale des Européens, le scepticisme, voire le rejet violent de tels chefs d’Etat du sud. Quant à leurs peuples, ils sont bâillonnés. Nous ne savons rien de leur opinion.

Aujourd’hui, le projet d’Union pour la Méditerranée ne se réduit-il pas à une relance à grand spectacle du processus de Barcelone alors qu’il pourrait être porteur d’espoir. Pour cela il faudrait que les raisons qui ont provoqué l’échec aient été analysées et qu’on y ait remédié.

C’est loin d’être le cas :

Les pays que nous prétendons rassembler dans un projet commun sont trop divisés à l’intérieur d’eux-mêmes et entre eux, leurs intérêts divergent trop d’avec les nôtres, nous sommes trop divisés nous-mêmes pour qu’une instance supplémentaire réussisse ce qui a échoué à Barcelone, alors que les circonstances sont beaucoup moins favorables qu’au lendemain des accords d’Oslo.

J’évoquerai quelques obstacles, quelques interrogations :

Comment inspirer confiance à la fois aux autocrates et aux peuples dont ils contrarient l’aspiration à une réelle citoyenneté ? Nos ambiguïtés diplomatiques ont un coût.

Comment persuader l’innombrable jeunesse de la rive sud que nous prétendions établir des relations d’ « égalité et de parité » avec leurs pays au moment même où l’Union européenne prépare des moyens juridiques communs pour leur fermer ses portes ?

Notre crédibilité est aussi atteinte par notre refus de regarder les réalités en face :

Comment réunir dans le même projet l’Algérie et le Maroc opposés sur le Sahara occidental et incapables de s’entendre sur le tracé de leur frontière ?

Comment faire travailler sur des projets communs Chypre et la Turquie ? Le Liban et la Syrie ?

Comment faire accroire à la Turquie que ce projet n’est pas un moyen de dissoudre sa demande d’adhésion dans un vague ensemble ?

Comment enfin réunir les Palestiniens avec les Israéliens alors que la colonisation accélérée de la Cisjordanie et le siège de Gaza ruinent toute illusion de paix, même dans l’esprit de Condoleezza Rice ?

Nous sommes là au cœur de l’échec de Barcelone.

Et voilà que l’Union européenne, à la veille de la présidence française, annonce ce qui se négociait sous la table depuis mars 2007, et dont vous n’avez dit mot, Monsieur le ministre : l’approfondissement du partenariat Union Européenne – Israël, c’est-à-dire un statut de quasi membre de l’union pour ce pays sans qu’aucune des conditions de respect des conventions internationales dans les territoires palestiniens occupés , de respect des résolutions de l’ONU, de mise en œuvre de la feuille de route du Quartet soient remplies ? Avons–nous oublié les exigences auxquelles l’Union soumet les nations qui veulent adhérer, aussi bien pour leurs relations avec leurs voisins que pour le traitement de leurs minorités ?

La France qui s’apprête à présider l’Union devra cesser de prendre des initiatives diplomatiques désordonnées, incompréhensibles pour ses partenaires et qui nous valent beaucoup d’inimitiés.

Un jour tel dirigeant est placé au banc d’infamie, le lendemain il sera invité dans la tribune d’honneur du 14 juillet. Que peut-on y comprendre ?

Nous réunissons à Paris la conférence des donateurs d’Annapolis mais nous subissons en maugréant à peine toutes les entraves mises par Israël à la réalisation des projets à financer.

Nous condamnons la colonisation de la Cisjordanie mais nous laissons nos entreprises y prêter la main.

Tout cela est incohérent et contre-productif.

Alors, pendant sa présidence, nous souhaitons que la France contribue à faire prendre des positions claires, cohérentes et compréhensibles par tous, à commencer par les peuples de l’Union.

Pour le conflit israélo-palestinien, les solutions sont connues de tous et depuis longtemps. Il faut les mettre en oeuvre pour libérer les Palestiniens de l’oppression et assurer la pérennité de l’Etat d’Israël. Il faut les mettre en œuvre pour tarir la source des ressentiments des peuples arabes et des musulmans contre l’Occident, pour rendre possible des progrès politiques dans le bassin méditerranéen et éloigner une menace qui pèse directement sur notre sécurité.

Or ce n’est certainement pas en se privant volontairement de toute capacité d’influence par le renforcement de ses liens avec Israël, sans exiger de lui l’acceptation d’un véritable état palestinien dans les frontières de 1967, que l’Union atteindra cet objectif.

Aussi ce que nous attendons de la présidence française, Monsieur le ministre, ce n’est pas une intervention miraculeuse de l’Union européenne sur tous les risques naturels, écologiques, économiques, politiques qui pèsent sur la Méditerranée. Nous attendons une prise de position courageuse et assumée de la part de notre pays pour qu’une voix au moins s’élève au service de la paix au Moyen-Orient.

Il faut clairement faire entendre à Israël qu’après avoir gagné les guerres, il lui faut aujourd’hui gagner la paix. Ce doit être le préalable à tout partenariat renforcé avec l’Union européenne. C’est un préalable sans lequel l’idée de l’Union pour la Méditerranée ne sera qu’un gracieux feu d’artifice, effroyablement suivi des véritables explosions meurtrières d’une série de violences abominables.

 

 


Publié le 18 juin 2008