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Compte rendu de voyage de la mission inter-parlementaire à la 62e assemblée de l'ONU, novembre 2007

Monique Cerisier ben Guiga a participé à la délégation du Sénat à l’ONU au mois de novembre 2007. Quatre jours riches d’entretiens avec les diplomates français de la représentation permanente auprès de l’ONU dirigée par M. Jean-Maurice Ripert. 

Le rapport de ces journées, présenté à la Commission des Affaires étrangères par M. Jean François-Poncet, au nom de la délégation, retient le principal enseignement de ces entretiens : après une période d'éclipse, l’ONU est indiscutablement de retour, mais elle demeure une organisation fragile.

La délégation du Sénat à l’ONU conduite par M. Jean François-Poncet, et composée de Mme Monique Cerisier-ben Guida, de MM. Robert del Picchia, Jean-Pierre Plancade, Yves Pozzo di Borgo et M. Jacques Legendre.

En quatre jours, cette délégation a été riche d’entretiens avec les diplomates français de la représentation permanente auprès de l’ONU dirigée par M. Jean-Maurice Ripert. A ses côtés, des diplomates de talent qui nous ont apporté beaucoup d’informations, je citerai M. Jean-François Dobelle, représentant permanent de la France auprès de la conférence du désarmement, et le général Tranchand, chef de la mission militaire. 

Le principal enseignement des entretiens était qu'après une période d'éclipse, l’ONU est indiscutablement de retour, mais elle demeure une organisation fragile.

Après les difficultés rencontrées au cours des années 90 en Somalie, au Rwanda, en Bosnie et en Irak, l'ONU est replacée au coeur de l'actualité avec 18 opérations de maintien de la paix auxquelles se rajouteront celles prévues au Darfour et ou Tchad. Ces 20 opérations compteront 140 000 hommes sur le terrain et utiliseront un budget de 7,5 milliards de dollars.

L'ONU et ses agences sont impliquées dans la plupart des grands dossiers planétaires (terrorisme, changements climatiques, sida, développement, désarmement, diversité culturelle etc.).

Il existe pourtant également des causes de fragilité et en particulier l'enlisement de la réforme du Conseil de sécurité. Aucun des nouveaux grands pays émergents, comme l'Inde ou le Brésil, ou de grands pays industriels, comme le Japon et l'Allemagne, ne font partis des membres permanents ; de même l'Afrique et les pays arabes n'y sont pas représentés. Il existe donc un très réel problème de légitimité du Conseil de sécurité. L'exclusion de ces pays et, en particulier de l'Inde, pourrait aboutir de leur part à des décisions de développement des relations bilatérales hors ONU.

Pour sortir de l'impasse, on envisage une solution intermédiaire de 10 ou 15 ans, qui permettrait d'augmenter le nombre de sièges des membres permanents sans droit de veto, en maintenant le nombre total des membres du Conseil de sécurité à 24 au maximum, de manière à permettre l'exercice d'une présidence tournante en deux ans. A l'issue de cette période intermédiaire, une conférence d'examen devrait aboutir à une structure définitive du Conseil de sécurité.

De plus, certains des autres organismes de la famille onusienne ne correspondent plus à la réalité internationale. Tel est le cas, en particulier, du FMI. L'ONU est confrontée à un véritable problème de représentativité.

En second lieu, la multiplication des opérations de maintien de la paix, si elle a permis de replacer l'ONU au centre de l'activité internationale, suscite également des inquiétudes qui se cristallisent sur la question du Darfour et la mise en place de la force hybride de l’Union européenne et de l’Union africaine. Rien n'indique aujourd'hui que le gouvernement soudanais, qui n'a accepté que du bout des lèvres le déploiement de cette force, coopérera au succès de cette mission. La composition même de cette force, entre des contingents venant de l'Union africaine et ceux venant d'autres parties du monde, pose problème. De plus, des difficultés sont apparues sur la fourniture de certains matériels, notamment les moyens de transport héliportés, qui sont indispensables à la mobilité de cette force dans une zone enclavée et dépourvue de toute infrastructure.

D'autres difficultés existent et, en premier lieu, le fait que la décision de la mise en place d'une opération de maintien de la paix est prise par le Conseil de sécurité, mais que les décideurs ne sont pas les fournisseurs de contingents, qui proviennent majoritairement de pays comme l'Inde, le Pakistan ou le Bangladesh et ou des pays tels que le Japon qui financent sans avoir participé à la décision. En second lieu, la scission, décidée par le nouveau Secrétaire général de l'ONU, du département des opérations de maintien de la paix (DOMP) et la création d'un département consacré au soutien logistique (le DAM) ont entraîné des interrogations qui ont conduit un certain nombre de pays a réaffirmer la prééminence du DOMP sur l'ensemble du dispositif, y compris sur le soutien. Enfin, on ne peut que constater la faiblesse de l'expertise militaire du Conseil de sécurité. Il existe bien un comité militaire auprès du DOMP, composé de 50 experts, mais dont le Conseil ne peut dépendre. Il est nécessaire de créer auprès du Conseil de sécurité une expertise autonome, solution soutenue par la France, alors que la Russie lui préférerait une réactivation du comité des chefs d'état-major prévu à l'article 47 de la charte des Nations unies.

D'autres fragilités sont apparues, comme par exemple la crise du régime de non-prolifération avec le nucléaire iranien. En dernier lieu, et malgré le développement très inégal des pays appartenant au groupe G77, on continue de trouver une césure nord-sud qui oppose les pays développés aux pays en développement qui s’associent aux pays émergents, bien que leurs intérêts divergent.

La France est extrêmement active à l'ONU et avait un grand intérêt à promouvoir la réforme de cette institution dont elle est l'un des membres importants, avec un siège permanent au Conseil de sécurité, assorti du droit de veto. Son statut de membre permanent lui permet d'exercer son influence au-delà de l'ONU, au sein de l'Union européenne ou du G8. Outre l'absence de réformes, une autre cause de fragilisation de la position française se trouve dans la faiblesse des contributions volontaires aux agences de l’ONU, telles que le PNUD alors qu’elle est un des meilleurs payeurs pour les cotisations obligatoires qui restent marginales (de l'ordre de 90 millions d'euros), montant très inférieure à celui des contributions de la Grande-Bretagne et des autres pays européens. 


     (A l'ONU, nous avons rencontré :

    M. Ban Ki Moon, Secrétaire général de l'ONU ; M. Jean-Marie Guéhenno, Secrétaire général adjoint chargé du département des opérations de maintien de la paix ; M. Orr, Secrétaire général adjoint pour la coordination des politiques et de la planification stratégique ; M. Kemal Dervis, administrateur du PNUD ; M. Richard Barrett, chef du groupe des experts auprès du comité des sanctions contre Al-Quaïda et les talibans. 

     Nous avons été aussi reçus par les représentants permanents :

    M. Vitaly Churkin, représentant permanent de Russie ; M. Zalmay Kalilzad, représentant permanent des Etats-Unis ; M. Riyad Mansour, observateur permanent de Palestine ; M. Richard Carmon, représentant permanent adjoint d'Israël ; M. Nirupam Sen, représentant permanent de l'Inde ; M. Joao Manuel Guerra Sagueiro, représentant permanent du Portugal, au titre de la présidence de l'Union européenne ; M. Thomas Matussek, représentant permanent de l'Allemagne.)

Publié le 21 novembre 2007
Mis à jour le 22 novembre 2007