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Audiovisuel extérieur : intervention en séance publique

Je suis intervenue en séance publique sur la loi relative à la communication audiovisuelle. Voici la synthèse de mon intervention.

 La création de la holding audiovisuel extérieur française est l'épilogue d'une aventure commencée en 2001. Trois ans après le lancement de France 24, il faut souligner les dérives de la politique de notre audiovisuel extérieur et, en premier lieu, la conception présidentialiste, pour ne pas dire bonapartiste, qui préside à son devenir, la chose étant plus évidente avec le prince d'aujourd'hui qu'avec son prédécesseur. En 2001, M. Chirac voulait une CNN à la française. Toute la cour a alors feint d'oublier TV5 Monde, et jusqu'à l'existence de RFI, seule radio française d'information internationale, et de ses rédactions multilingues. Après force rapports, au lieu de muscler ces deux bras, on en a greffé un troisième, appelé d'abord de façon branchée CFII, puis France 24, jeune et bien équipée, mais qui pompe les ressources publiques.

La numérisation s’effectue mal à RFI, le climat social s'alourdit ; TV5 est bridée et conquiert difficilement de nouveaux publics faute de sous-titrages. Les deux chaînes perdent aujourd'hui du terrain, argument pris par leur nouveau président pour réduire leur périmètre.

Pour faire cesser ces incohérences dans un audiovisuel extérieur empêtré dans ses trois bras, et après le rapport Behnamou-Lévitte dont on oublie les recommandations, on maquille la fusion en holding et on fusionne. Certes, il a fallu céder aux associés francophones de la France dans TV5 Monde, chaîne qui gardera finalement une certaine autonomie. Mais le président de la holding sera aussi celui de RFI, de TV5 Monde et de France 24 ; ce qui est interdit dans les holdings privées le serait-il dans les holdings publiques ? Quelle que soit la qualité de l'homme, il négociera avec lui-même la stratégie des trois chaînes et fera seul la répartition des crédits. Nous avions déjà un omniprésident de la République, nous aurons un omniprésident de l'audiovisuel extérieur. On peut se demander si la diversité y gagnera...

Un mot enfin du gaspillage qu’entraînent ces choix clientélistes. Nous avions protesté en 2005-2006 contre l'attelage baroque de France 24, propriété à 50 % de France Télévisions et à 50 % de TF1. Nous avions raison ! A cette chaîne constamment déficitaire, TF1 n'a contribué qu'à hauteur de... 17 500 euros ! La principale occupation du groupe Bouygues qui craignait la concurrence pour LCI, aura été de s'opposer à la diffusion de France 24 en France ! Et pour récompense, on le fait sortir de l'attelage avec 2 millions d'euros ! Quel magnifique placement aux dépens du contribuable ! Mais quand on est un ami du Président de la République, tout va toujours bien... Et l'audiovisuel extérieur, à Dieu va !

Soyons clairs : la restructuration de l'audiovisuel extérieur est nécessaire. Mais, pour nous, celle-ci doit prévoir des contrepouvoirs internes, ce qui n'est pas le cas dans ce texte où les contrôles ne seront possibles qu'a posteriori. Quant à regrouper les crédits, soit. Mais encore faut-il qu'ils soient équitablement répartis entre les médias selon les intérêts de la France d'une part et de la francophonie d'autre part. Or France 24 connaît un développement rapide ; développement appréciable, du reste, puisque la chaîne, grâce à ses correspondants, diffuse des informations exclusives -on le constate aujourd'hui sur le conflit à Gaza. Donc RFI risque fort d'être prise en tenaille entre France 24 et TV5, protégée par son statut francophone. En un mot, nous déplorons que cette radio de référence dans le monde, et particulièrement en Afrique, soit menacée, sitôt l'adoption de ce texte, par de très nombreux licenciements de journalistes, journalistes qui, dans les circonstances actuelles, peineront à retrouver un emploi.

 


Publié le 13 janvier 2009