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Droits de l'homme / Un échec européen

Article paru dans Le Monde (édition du 21.12.07)

La réunion d'Annapolis, le 27 novembre, arrive à point nommé pour réactiver un mythe qui, bien que porté à bout de bras par ses différents protagonistes, était en passe de s'effondrer : celui du processus de paix au Proche-Orient. Or, depuis la prise de Gaza par le Hamas en juin, il n'y a plus une, mais deux Palestine, et bien plus encore si l'on considère l'état d'extrême fragmentation, géographique, sociale, politique, de la Cisjordanie.

L'Autorité palestinienne ne contrôle plus que certaines villes, et encore, durant la journée. Elle n'est plus qu'un fantôme d'administration dans un territoire où stratégies de survie quotidienne et solidarités familiales ont pris le pas sur les projets politiques. La déploration israélienne de l'absence de partenaire, constamment objectée à toute négociation sérieuse, quel que soit d'ailleurs le partenaire, pourrait bien prendre la forme d'une prophétie autoréalisatrice.

Et c'est précisément le moment choisi pour "relancer" une "feuille de route" bel et bien enterrée depuis fort longtemps. Place aux choses sérieuses : une négociation bilatérale sous l'égide des Etats-Unis. Exit le Quartet, et avec lui l'Union européenne et les Nations unies. La question n'est pas tant pour nous, parlementaires, de savoir ce que pourraient bien faire l'Union européenne ou les Etats-Unis dans ce dossier, mais bien ce que peut ou veut faire la France, dont la politique étrangère est, à ce que l'on dit, mondiale et qui dispose d'un siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies.

Il faut redonner au processus une perspective politique. Les éléments en sont connus, il s'agit des paramètres dégagés par Bill Clinton dans les derniers jours de son mandat et négociés à Taba au début de l'année 2001. Leur inscription dans la réalité ne nécessite même pas la courte année que s'est donnée le président Bush avant que, sur le prétendu processus de paix, ne s'abatte le couperet de sa fin de mandat.

Pour retrouver la perspective de la paix, il faudra cesser de se contenter de préserver l'Autorité palestinienne dans son rôle de gestion de l'occupation ; il faudra s'attaquer aux questions de fond : les frontières, l'eau, les colonies, les réfugiés, Jérusalem, la sécurité. Faute de quoi, la jonction des désespoirs locaux avec les chimères du djihadisme international pourrait s'effectuer rapidement.

L'urgence est plus de retrouver le chemin de l'unité palestinienne, condition sine qua non de négociations, que de préserver celle de l'UE, qui sert surtout l'immobilisme : la seule recherche du consensus ne peut tenir lieu de politique, elle ne saurait constituer la force d'entraînement que souhaite représenter la France en Europe, dans le dossier israélo-palestinien. Comme toutes les rentes que ne viennent plus alimenter ni dynamisme ni créativité, notre rente de crédibilité internationale risque de s'épuiser. A défaut, il est toujours possible d'avoir la foi, de préserver son espérance et de pratiquer la charité, mais cela ne relève pas de la politique étrangère.

 


 

Monique Cerisier Ben Guiga est sénatrice des Français établis hors de France, présidente du groupe de contact sénatorial France-Palestine.


Publié le 21 décembre 2007