LISTE DES ARTICLES

Discussion du projet de loi Immigration, intégration et asile

Immigration, intégration et asile

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

CHAPITRE IER

Dispositions relatives à l'immigration pour des motifs de vie privée et familiale et à l'intégration

Article 1er

Obligation de formation linguistique avant l’entrée sur le territoire français pour les bénéficiaires du regroupement familial

Ou comment retarder les regroupements familiaux

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. L'article 1er ajoute une condition supplémentaire au regroupement familial : la connaissance de la langue française et des valeurs de la République, préalablement au départ de la famille du migrant.

Certes, les 1,4 million de Français établis à l'étranger reconnaissent qu'il est plus facile de s'installer dans un pays quand on en connaît la langue et les usages. C'est une question de bon sens ! Mais, en pratique, la plupart d'entre eux sont arrivés sans parler un mot de la langue du pays. Ils l'ont apprise sur place en prenant des cours ou en faisant des « petits boulots ». Je pense notamment aux communautés françaises d'Europe du Nord : le danois, le finnois, le néerlandais, le suédois ne sont guère parlés hors des pays qui sont le berceau de ces langues. Voilà des hommes et des femmes qui, pour la plupart d'entre eux, se trouvaient exactement dans la même situation que celle que connaît l'étranger qui arrive en France sans avoir appris auparavant le français.

Dès lors, pourquoi imposer, monsieur le ministre, cette condition supplémentaire, qui fait double emploi avec le contrat d'accueil et d'intégration, le CAI ? Après toute la guimauve qui enrobe le début de la page 33 du rapport de M. Mariani, on trouve la vraie raison, dont je vais vous donner lecture, mes chers collègues :

« Par ailleurs, dans le cadre de la formation linguistique préalable à l'étranger, l'autorité administrative disposera d'un outil très efficace pour s'assurer du suivi effectif des cours de français puisque, en l'absence de présentation du justificatif d'assiduité, le visa long séjour nécessaire à l'entrée en France ne sera pas délivré. Il n'existe pas de dispositif aussi efficace permettant de s'assurer du suivi des formations dispensées, en France, dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration. »

Il s'agit non pas de faire en sorte que les arrivants soient mieux préparés, mais bel et bien de prévoir une mesure de coercition pour leur faire apprendre le français de force.

Nous qui connaissons les lenteurs de l'ANAEM, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, des consulats, de la sous-direction de la circulation des étrangers à Nantes, nous savons fort bien que l'objectif est de retarder encore un peu plus la venue des membres de la famille du migrant.

Au final, ces femmes et ces enfants arriveront sur notre sol trois au quatre ans plus tard. Ainsi, les enfants n'auront pu aller à l'école maternelle ou n'auront pu suivre les premières années de classe primaire ; ils rencontreront donc plus de problèmes d'adaptation.

Plus on s'établit jeune dans un pays, plus on a de chances, non pas de s'y intégrer - il ne faut pas raconter d'histoires ! -, mais de s'adapter à sa langue, à ses moeurs, à ses us et coutumes. C'est bien plus facile que lorsque la personne a déjà pu affirmer sa personnalité.

Une conception post-coloniale des migrations

J'irai même plus loin. Que dirait le Gouvernement français si la Chine, le Japon, par exemple, imposaient aux épouses des cadres expatriés d'apprendre le mandarin ou le japonais pour rejoindre leurs époux ? (Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Exactement !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. On pousserait des hurlements ! On dirait que c'est scandaleux !

M. Brice Hortefeux, ministre. Ce n'est pas la même situation !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Et pourquoi, monsieur le ministre ? Parce que nous sommes dans un rapport de forces entre le Nord et le Sud et que nous, pays dominant, pouvons imposer nos conditions aux pays dominés !

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous sommes en plein dans le schéma post-colonial, qui est à la base des migrations entre le Maghreb, l'Afrique subsaharienne et la France !

M. Guy Fischer. Très bien !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le pays dominé doit fournir sa seule force de travail, formée, de préférence, à ses frais, et les familles ne doivent pas venir encombrer le territoire du pays dominant. Finalement, l'idéal français reste celui qui a prévalu au cours des trois premiers quarts du XXe siècle, c'est l'immigration algérienne que décrit Abdelmalek Sayad : une immigration d'hommes jeunes, destinés à fournir leur force de travail et à vivre dans l'exil, la solitude, le manque, jusqu'à la grande vieillesse. (Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Echec de la francophonie

L'article 1er, plus encore que l'article 4, représente un terrible constat d'échec pour la francophonie. Les migrants qui sont visés très précisément par ce texte viennent de pays francophones, qu'il s'agisse du Maghreb ou de l'Afrique subsaharienne.

Depuis l'indépendance, la France mène dans ces pays une politique de coopération pour maintenir l'usage du Français. Or nous nous rendons compte que les membres de familles ayant des relations avec la France - au moins l'un d'entre eux séjourne en France, voire toute la parentèle - ne parlent pas un mot de français. Il s'agit donc d'un échec absolument terrifiant de la francophonie, que le Gouvernement entérine à travers ce texte ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Par ailleurs, vous déniez toute valeur aux études sérieuses qui sont faites, par exemple, par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France. Dans son rapport de 2005, cette dernière s'interrogeait en ces termes : « La question de l'obligation linguistique en soi a suscité des interrogations. Comment se justifie le choix du niveau linguistique requis ? Comment identifier les besoins réels des migrants pour la participation à la vie en société et pour l'emploi ? Comment lier le ou les niveaux requis à ces besoins et comment établir des objectifs réalistes en fonction des besoins et des capacités des personnes ? Dans quelle mesure le volume horaire retenu permet-il d'atteindre le niveau requis ? »

Monsieur le ministre, j'ai enseigné le français comme langue seconde pendant plus de vingt ans en Tunisie. Croyez-moi, quatre-vingts heures ou cent vingt heures de cours pour des jeunes ou des femmes qui n'ont jamais eu auparavant la moindre notion de français, le moindre contact avec notre langue, cela n'a pas de sens. Ils n'apprendront rien, ou pas grand-chose.

Il serait plus sérieux de faire du contrat d'accueil et d'intégration un dispositif réellement professionnel. Or tous les témoignages des professeurs de français en tant que langue étrangère concordent : la tâche de remplir les missions du contrat d'accueil et d'intégration est confiée à des associations, lesquelles voient leurs subventions baisser, si bien que les cours sont dispensés par des bénévoles, non par des professeurs, qui savent enseigner le français.

Ce n'est pas parce que l'on sait se coiffer que l'on est coiffeur. Ce n'est pas parce que l'on sait parler le français que l'on est capable de l'enseigner, surtout à des étrangers.

Appliquons sérieusement les lois existantes avant d'ajouter des mesures qui ne tiennent pas la route, même sur le plan pédagogique ?

Je terminerai par ce que certains considéreront peut-être comme un procès d'intention : dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui, aucun examen n'est prévu, mais, j'en suis persuadée, dans le prochain, que nous devrons étudier dans six mois ou dans un an, tel ne sera plus le cas.

Article 2 quater

Protection des conjoints étrangers en cas de violence conjugale

Défense de l’amendement socialiste destiné à remplacer le verbe « pouvoir » par « devoir » dans la phrase sur le droit au séjour des conjoints victimes de violence.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous venons de donner un signal totalement négatif aux pays d'émigration, notamment d'Afrique du Nord, auxquels nous faisons souvent la leçon sur les droits des femmes.

La France, par le biais de ses autorités publiques, devrait protéger les femmes victimes de violences, sans que des interventions soient nécessaires.

Madame Debré, je vous signale que les préfets sont plus ou moins réceptifs à nos demandes selon qu'ils ont, ou non, atteint les chiffres de reconduites à la frontière qui leur ont été fixés. Ces préfets ont une carrière à mener, et il arrive qu'elle passe quelquefois avant les préoccupations humanitaires. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Une fois de plus, nous sommes en contradiction avec nos principes.

Article 3

Contrat d’accueil et d’intégration pour la famille

Suppression des allocations familiales pour les familles ayant bénéficié du regroupement familial

Prise de parole contre l’amendement de Mme Alima Boumediene-Thiery visant à remplacer « éducation » par instruction pour ne pas imposer l’obligation de scolarisation

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Nous sommes face à un conflit d'appréciation. Dans le code de l'éducation, on prévoyait la possibilité d'une éducation à la maison.

M. Gérard Longuet. - Il s'agissait des précepteurs, c'est aujourd'hui dépassé.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - A une époque un peu lointaine, mais que j'ai connue, ce type d'éducation était donné dans les familles très conservatrices qui considéraient qu'aucune institution religieuse n'était suffisamment traditionnaliste pour bien éduquer leurs enfants.

M. Gérard Longuet. - C'est exact.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - On attendait la seconde, voire le bac, pour envoyer les enfants à l'institution religieuse de la ville.

Ce qu'ont subi mes camarades de classes françaises il y a soixante ans, je ne voudrais pas que des enfants venus de familles réactionnaires et obscurantistes du Maghreb ou d'Afrique le vivent aujourd'hui ! Le sujet n'est pas à prendre à la légère : le communautarisme menace plus que jamais la société française et il fait des ravages en Grande-Bretagne.

Je suis donc très hostile au sous-amendement n°69. Et je considère même qu'il faudrait envisager une modification du code de l'éducation ! (M. Longuet applaudit)

Contrat d’accueil et d’intégration : un dispositif idéologique et coercitif

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Ce qui frappe dans le contrat d'accueil et d'intégration pour la famille, c'est son aspect à la fois idéologique et coercitif. Aucune des centaines d'études réalisées depuis des décennies sur les conditions d'adaptation, puis d'intégration des millions de familles migrantes - et les bibliothèques du monde entier en sont remplies - n'est prise en compte !

Avec ce type de disposition, nous sommes en train de rendre plus difficile l'intégration des familles au lieu de l'accompagner et de la faciliter.

La Cour des comptes avait indiqué dans son rapport intitulé L'accueil des immigrants et l'intégration des populations issues de l'immigration, publié en 2004, que la politique d'intégration bénéficiait d'un bien moindre effort financier que la politique de contrôle des flux.

Non seulement nous n'accordons pas des moyens suffisants à l'accueil des immigrants, mais encore le côté coercitif de notre politique est particulièrement nuisible à l'éducation des enfants dans les familles migrantes.

Je vous demande simplement, mes chers collègues, de vous référer à votre propre expérience de parents français en France, qui n'est pas différente de celle des familles de migrants. Tout ce que nous savons sur l'éducation des enfants en général, et sur les enfants de migrants en particulier, milite contre toutes les mesures qui dévalorisent les parents et ruinent leur autorité.

Si la confiance des parents dans leur propre capacité à éduquer est sapée par des mesures coercitives au lieu d'être renforcée par des mesures d'accompagnement, ils cessent de jouer leur rôle, qui est de transmettre des normes de comportements - humains, moraux, sociaux - dans un climat où l'affection et la sanction savent aller de pair.

Si les parents renoncent à ce rôle parce qu'on leur a fait perdre, par des mesures comme celles que vous proposez, toute confiance en leurs capacités, il n'y aura pas d'éducation, en tout cas pas d'éducation réussie. Je me réfère ici, notamment, aux travaux de Mme Claude Halmos, une psychanalyste spécialiste de l'éducation qui traite de manière très sensée de ces problèmes.

J'en appellerai également à notre propre expérience, celle de représentants des Français établis hors de France, celle d'expatriés qui ont dû accomplir un important travail sur eux-mêmes et sur leur famille pour s'adapter à leur pays d'accueil - et je préfère de beaucoup le terme d'adaptation à celui d'intégration.

Nos collègues sénateurs français de l'étranger présents aujourd'hui en séance le savent : nous avons pu vivre à l'étranger pendant des décennies sans jamais nous intégrer réellement mais en nous adaptant et en étant parfaitement à l'aise !

Demandons donc aux migrants qui se trouvent en France de s'adapter, et non de s'intégrer dès leur arrivée, car ce serait absurde : nous, les expatriés, devons accomplir un travail formidable, dont vous semblez d'ailleurs n'avoir aucunement conscience, monsieur le ministre, qui consiste à garder notre fierté et notre dignité, enracinées dans notre vécu, et, simultanément, à accepter d'autres normes, pour nous et, plus encore, pour nos enfants. C'est difficile, parfois même déchirant, mais les millions de migrants qui vivent à travers le monde prouvent tous les jours que c'est possible !

Monsieur le ministre, votre coercition travestie de paternalisme n'aide pas les familles migrantes à réussir l'éducation et l'adaptation de leurs enfants, pas plus qu'elle ne facilite leur propre adaptation à la société française. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit.)

L'article 3, modifié, est adopté.

Article 4 (Appelé en priorité)

Obligation de formation linguistique avant l’entrée sur le territoire français pour les conjoints de Français

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans cet article 4, il faut bien faire la distinction entre les apparences et la réalité.

En apparence, cet article vise à soumettre le conjoint de Français à une formation linguistique pour préparer son intégration. Mais, en réalité, l'article vise à aligner le droit au séjour du conjoint de Français sur celui qui régit le regroupement de la famille d'un étranger résidant en France. Or, jusqu'à présent, monsieur le ministre, mes chers collègues, la différence entre ces deux droits est très importante et les règles sont différentes !

Par exemple, on ne peut pas, comme c'est le cas pour un étranger à l'occasion d'un regroupement familial, imposer à un Français des conditions de revenus ou de logement pour accueillir son conjoint ou sa conjointe étrangère en France.

J'insiste beaucoup sur ce point, monsieur le ministre : il existe entre le texte qui nous est soumis et la réalité de vos intentions une très grande distance, celle qui va des apparences au fond. Dans la réalité, le mariage entre un Français et un étranger ne constitue pas un regroupement familial et, jusqu'à maintenant, cela n'obéissait pas aux mêmes règles. Or, avec cet article, on s'arrange pour que la règle soit la même : cours de français, parcours d'intégration préliminaire. On réunit donc les deux phénomènes sous un même vocable, celui d'« immigration familiale » ; ainsi, l'immigration liée au mariage avec un Français entre dans la catégorie de l'immigration « subie », selon votre vocabulaire, alors qu'il s'agit d'une immigration de droit.

Je suis de l'avis de mes collègues, il s'agit d'une attitude totalement régressive sur le plan des principes et d'un point de vue pragmatique, car l'accroissement du nombre de mariages mixtes ne peut pas être enrayé du fait qu'il est lié à la mondialisation, à la circulation des personnes, au tourisme de masse, aux études faites à l'étranger, aux stages professionnels et à toute l'émigration de travail. Tout concourt à l'augmentation des mariages entre deux personnes de nationalité différente.

En France, l'accroissement du nombre de mariage avec des étrangers correspond aussi - et c'est cela qui est mis en avant dans le rapport - à une phase transitoire de l'intégration sociale des familles migrantes.

C'est cela qui vous gêne ! Le mariage d'un étranger avec un Français de même origine étrangère ou avec un Français dont la famille est française depuis plusieurs générations... (Murmures continus sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je vous en prie, poursuivez, madame Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je souhaiterais être écoutée, monsieur le président.

M. le président. Nous souhaiterions avancer plus vite ! (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Robert Bret. C'est pour aller écouter Sarkozy !

M. le président. Le débat aurait déjà pu être clos !

M. Josselin de Rohan. Vous nous donnez des idées ! (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Poursuivez, madame Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La cible de ce texte, c'est non pas le mariage d'un cadre français avec une étudiante américaine, mais celui d'un jeune Français ou d'une jeune Française dont la famille est d'origine étrangère avec une étrangère ou un étranger du pays d'origine de ses parents. En effet, nous sommes actuellement dans une phase transitoire de l'intégration sociale des familles migrantes.

Un bon nombre de mariages sont réellement mixtes, puisqu'il s'agit de jeunes Français d'origine étrangère avec des Français dont les ascendants sont français depuis deux ou trois générations.

Ces mariages, il faut bien le dire, n'ont pas toujours la préférence des familles, qui sont habituées à la tradition endogame et préfèrent les mariages arrangés. Les jeunes gens éduqués en France par des mères étrangères se figurent parfois que la jeune fille du village reproduira le modèle maternel de bonne maîtresse de maison, de bonne mère de famille et d'épouse soumise. Quant aux jeunes filles, elles s'illusionnent sur les sentiments et les capacités d'adaptation en France des fiancés présentés par la famille ou les proches du pays. Mais la sécurité et l'approbation familiale du mariage traditionnel arrangé séduit et ne débouche pas nécessairement sur des échecs, en tout cas pas plus souvent que pour les mariages franco-français.

Ce sont ces mariages de jeunes Français, dont les familles sont originaires de Turquie, du Maghreb ou d'Afrique subsaharienne, que les lois successives tendent à rendre le plus difficile possible.

J'irai même plus loin,...

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Non !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ...il est dangereux pour le Parlement de voter de telles dispositions, qui ne sont pas faites pour être appliquées. Elles sont en fait destinées à produire des blocages, des délais, une surcharge de travail administratif, des contentieux judiciaires, car il faut à tout prix décourager les candidats à ces mariages. J'ai d'ailleurs entendu un certain nombre de hauts fonctionnaires le dire.

Les dispositions de ce texte ne sont pas pragmatiques, parce que ces mariages auront de toute façon lieu. En outre, ces derniers amènent en France des travailleurs et des travailleuses, car l'immigration familiale est aussi une immigration de travail. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Les mesures prévues ne sont pas conformes au droit de vivre en famille. Il me paraît inacceptable que les délais puissent atteindre deux ou trois ans, comme cela découle de la loi relative au contrôle de la validité des mariages, y compris lorsque des enfants sont nés du couple. Je suis encore intervenue en faveur d'un couple avec deux enfants, dont l'épouse...

M. le président. Vous parlez depuis six minutes déjà !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Effectivement ! (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Or vous n'avez droit qu'à cinq ! Ayez un peu de délicatesse à l'égard de vos collègues de la majorité. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP) Concluez !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pour conclure, nous ne cessons de modifier les lois, les avocats ne peuvent plus les appréhender et les magistrats ne peuvent plus les faire appliquer. Au total, l'État de droit ne règne plus, à cause de cette folie législative. C'est pour cette raison que je voterai contre l'article 4. (Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

 

Article 5 bis

Test ADN

Pour votre éclairage, la position du sénateur UMP Hugues Portelli

M. Hugues Portelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais m'exprimer très calmement et sereinement sur cette disposition, dont il faut rappeler qu'elle est apparue lors du débat à l'Assemblée nationale et qu'elle ne faisait pas partie du projet de loi présenté par le Gouvernement. Par conséquent, ce texte n'a pas été soumis pour avis au Conseil d'État : l'instance chargée de vérifier sa constitutionnalité n'a pu procéder à cet examen, et c'est donc à nous de prendre cette responsabilité.

Je vous le rappelle, nous ne sommes pas aujourd'hui confrontés à un vide juridique. En matière de regroupement familial, le droit qui s'applique est le droit civil commun : à défaut de lien de filiation prouvé par des actes d'état civil, c'est le régime de ce que l'on appelle en droit français la possession d'état qui est en vigueur.

Autrement dit, faute de document écrit, le lien de filiation est attesté, ou non, à l'aide d'un faisceau d'éléments concordants, tels que le comportement des parents, les liens qu'ils établissent avec l'enfant, les témoignages de tous ceux qui les entourent dans la vie tant familiale que sociale. Cette règle existe aujourd'hui dans notre droit positif.

Pas plus tard que la semaine dernière, le 28 septembre 2007, le Conseil d'État saisi en référé a rendu une ordonnance qui portait justement sur un cas de regroupement familial : un homme établi en France souhaitait faire venir des enfants qui se trouvaient dans un pays africain, et il fallait donc établir s'il était véritablement le père desdits enfants.

Qu'a décidé le juge des référés, c'est-à-dire le Conseil d'État ? Qu'à l'occasion d'une demande de visa la filiation d'un enfant pouvait être établie par tout moyen, autrement dit par tous les moyens que, dans la loi, la jurisprudence et la doctrine on reconnaît constituer les critères de la possession d'état.

Lors d'un référé du 13 juillet dernier, le Conseil d'État avait déjà pris la même position à propos d'une situation matrimoniale : il a conclu que les contacts étroits entre les parents et les enfants présumés, l'état matrimonial supposé et l'absence de contestation claire de ces liens par tous les membres du voisinage et de la famille prouvaient l'existence d'un lien de parenté malgré le doute « relatif à la véracité des actes de mariage et de naissance du conjoint ».

Comme vous le voyez, mes chers collègues, le juge administratif n'éprouve aujourd'hui aucune difficulté à se prononcer sur ce genre de questions. Il n'a besoin ni de test ADN...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Je salue l'argumentation technique et morale de M. Portelli. Je reçois des lettres inquiètes ou indignées de Français résidant à l'étranger. Dans l'une d'elles, des citoyens français se disent « choqués de l'amendement Mariani, contraire aux principes français du droit de filiation et niant aux familles étrangères d'autres liens que ceux du sang ». Ces compatriotes disent bien qu'ils ne sont pas directement concernés, mais qu'ils refusent qu'un tel droit d'exception soit appliqué aux familles étrangères qui viennent s'établir en France pour y travailler.

Je connais les difficultés de l'état civil dans bien des pays du sud : des documents sont faux, tout simplement parce qu'il n'y a pas d'état civil. Mais les doutes peuvent être levés par la possession d'état !

On oublie trop vite les situations d'enfants qui entrent dans des familles pour y être des esclaves domestiques, ou des enfants enlevés à leur famille ! (Vives exclamations à droite où l'on déclare que cela n'a rien à voir)Cela se passait chez nous aussi : quel lien de filiation entre les Thénardier et Cosette ? (Rires sarcastiques à droite)Dans ces cas-là, on ne règle pas les choses avec un test ADN, il faut au contraire se fier aux services sociaux, à tous ceux qui connaissent la famille ! N'ouvrons pas une brèche dans la loi bioéthique ! (Applaudissements à gauche)


Publié le 08 octobre 2007