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Moyen-Orient - Conflit israëlo-palestinien - Audition de M. Maen Erekat

La commission des affaires étrangères a procédé le mardi 11 décembre 2007 à l'audition de M. Maen Erekat, Directeur général de l'Unité de soutien aux négociations de l'Organisation pour la libération de la Palestine (OLP).

M. Maen Erekat a tout d'abord remercié la France pour sa longue tradition de soutien à la cause palestinienne, tant au sein de la population que des gouvernements successifs. Il a formé le voeu d'efforts accrus pour encourager les parties dans leur mission difficile pour conclure un accord de paix et clore un processus engagé de longue date.

Il a estimé que la réunion d'Annapolis ne marquait pas le terme, mais bien le début d'un processus. Pour la première fois depuis sept ans, cinquante pays ont manifesté leur soutien à la reprise des négociations pour définir le statut permanent des territoires palestiniens.

Il a considéré que trois éléments importants conditionnaient l'aboutissement du processus. Il convient en premier lieu d'aborder très rapidement les questions de fond : Jérusalem, la sécurité, l'eau, les réfugiés, les colonies et les frontières, sans éviter aucun de ces sujets. L'amélioration immédiate de la situation de terrain est indispensable, par la mise en oeuvre de la première phase de la feuille de route, qui prévoit notamment le gel de la colonisation. Il convient enfin de disposer d'un calendrier clair, qui offre un cadre temporel aux négociations. Le consensus d'Annapolis a fixé à la fin de l'année 2008 le terme des négociations. Un mécanisme de surveillance de la mise en oeuvre des engagements des parties, placé sous la responsabilité du Quartette ou d'un autre tiers est également indispensable.

A la suite de cette intervention liminaire, Mme Mouzna Shibahi, conseiller en communication de l'Unité de soutien aux négociations, a souligné l'importance de réaliser des progrès politiques, même si l'on ne doit pas négliger l'aide économique. Elle a rappelé que, depuis la réunion d'Annapolis, 31 Palestiniens avaient été tués, 74 blessés et 168 arrêtés. Elle a affirmé la nécessité de définir un calendrier pour les négociations et d'établir un mécanisme de suivi.

Elle a rappelé qu'aux termes du compromis accepté en 1988 par l'OLP, l'Etat d'Israël avait été reconnu comme établi sur un territoire représentant 78 % de la Palestine historique et que la revendication des Palestiniens portait, dès lors, sur un Etat représentant 22 % de ce territoire, de façon contiguë, y compris la bande de Gaza, bénéficiant d'un accès à l'extérieur et d'un contrôle total, tant terrestre qu'aérien, des Palestiniens sur ce territoire. Elle a souligné l'attachement des Palestiniens à l'établissement de Jérusalem-Est comme capitale pour des raisons liées au droit international, mais aussi à des questions religieuses, culturelles, politiques et sociales.

Pour ce qui concerne les réfugiés, au nombre de 6 millions, il faudra trouver un accord juste avec Israël sur la base de la résolution 194 des Nations unies.

Elle a ensuite indiqué que deux leçons principales avaient été tirées des sept années de négociation. Les propositions israéliennes, lors des négociations de Camp David en 2000, n'ont jamais été formulées par écrit, mais, en les transposant sur une carte, il apparaît que l'Etat palestinien, divisé en trois cantons, sans contrôle sur Jérusalem-Est et amputé du territoire de la colonie d'Ariel au nord, n'était pas viable. La vallée du Jourdain aurait en outre été placée sous contrôle israélien et aucune solution n'était apportée à la question des réfugiés. Le deuxième épisode riche d'enseignement est le désengagement unilatéral de Gaza. Alors que les 7.500 colons de Gaza ne représentaient que 2 % du total des colons, 15.000 colons supplémentaires se sont installés en Cisjordanie en 2005, pour l'essentiel autour de Jérusalem, et Gaza peut être comparée à une grande prison où sévit une grave crise humanitaire. Le taux de pauvreté y est passé de 23 % en 2005 à 79 % aujourd'hui.

Mme Hala Rashed, conseillère juridique de l'Unité de soutien aux négociations, a ensuite évoqué la situation de terrain, en soulignant la nécessité d'améliorations concrètes et rapides.

S'appuyant sur un diaporama, elle a successivement évoqué les colonies, le mur, les routes de contournement et les restrictions de mouvement affectant les territoires palestiniens.

Pour ce qui concerne les colonies, elles sont actuellement au nombre de 167 et regroupent 460.000 personnes. Il convient d'y ajouter une centaine de « postes avancés » qui se distinguent des colonies par l'absence de soutien du gouvernement israélien, du moins officiellement. Elle a précisé que les Palestiniens n'avaient pas le droit d'accéder aux territoires des colonies et que les populations étaient, par conséquent, soumises à des règles différentes : la loi militaire pour les Palestiniens et le droit interne israélien pour les colons.

Evoquant ensuite le mur, elle a indiqué qu'il n'incluait pas seulement 80 % des colonies déjà construites, mais également des terrains nécessaires à leur expansion, semblant préfigurer ainsi la frontière à venir. Elle a rappelé que la Cour internationale de justice avait qualifié le mur d'illégal, lors d'une décision rendue en 2004, 80 % de cet ouvrage étant construit en territoire palestinien.

Les routes de contournement désignent le réseau très efficace construit par Israël pour faciliter la circulation entre ses colonies, mais elles ont pour effet d'entraver celle des Palestiniens qui n'ont pas le droit de les utiliser.

Les restrictions de mouvement sont engendrées par quelque 561 points de contrôle et par le régime des fermetures internes. Elles canalisent les mouvements des Palestiniens en les éloignant des colonies et des territoires considérés comme stratégiques. Trois régimes différents de permis et d'autorisation administrative, qui supposent d'adresser des demandes à l'armée israélienne pour se déplacer, s'appliquent de part et d'autre du mur, pour l'accès à Jérusalem des non-résidents et pour l'accès à la vallée du Jourdain, à l'est de la Cisjordanie.

Commentant une carte incluant ces différents éléments, elle a indiqué que 12 % de la population de la Cisjordanie étaient annexés, de fait, par le mur, que 8 % étaient concernés par la colonisation et que 26 % correspondaient à la vallée du Jourdain, ce qui limite à 54 % de la Cisjordanie les zones, séparées les unes des autres, théoriquement disponibles pour un Etat palestinien.

Jérusalem et ses environs forment une zone de concentration urbaine qui représente 35 % de l'économie palestinienne. Or le développement urbain de Jérusalem-Est est entravé par celui des colonies qui, ajoutées au mur et aux routes de contournement, coupent de fait la Cisjordanie en deux.

Il existe douze voies d'accès à Jérusalem, mais les Palestiniens ne peuvent en emprunter que quatre.

Avec le projet E1, Israël a prévu de construire 3.500 appartements et des équipements collectifs sur les dernières parcelles de terre vacantes autour de Jérusalem. Bien que l'administration américaine ait obtenu l'engagement d'Israël de suspendre ce projet, deux postes de police et une route à quatre voies ont été construits et la viabilisation des terrains est le prélude à la mise en place d'une zone résidentielle.

Mme Rashed a ajouté que 200.000 Palestiniens, non-citoyens israliens, résidaient actuellement à Jérusalem. 222 ont vu leur droit de résidence révoqué en 2005 et 1.363 en 2006. Quant aux démolitions de maisons, elles s'élevaient à 131 sur la période 1999-2002 et ont été portées à 412 entre 2003 et 2006.

Elle a estimé, en conclusion, que les améliorations concrètes de la situation sur le terrain devraient se manifester par le gel des colonies, la réouverture des institutions palestiniennes à Jérusalem et la suppression des entraves à la liberté de mouvement.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a fait part de son pessimisme au sujet de la situation des Palestiniens, qui se dégrade de jour en jour, et sur le processus de négociations, en évoquant les récents tirs de roquettes sur Israël à partir de la bande de Gaza et la riposte israélienne à ces tirs.

En réponse à ces interrogations, M. Maen Erekat a apporté les précisions suivantes :

  • la situation des Palestiniens s'est effectivement détériorée ces dernières années, notamment en raison de l'indifférence de la communauté internationale. C'est la raison pour laquelle son implication, et en particulier celle de l'Union européenne, est importante ;
  • même si l'on ne peut véritablement parler de « sanctions », mais plutôt de « bons offices », il est nécessaire d'exercer une pression sur les deux parties afin qu'elles remplissent leurs obligations. Il a à cet égard regretté que les Etats-Unis, pourtant à l'origine de la proposition, aient renoncé à présenter une résolution au Conseil de sécurité qui aurait eu pour objet de conforter, dans le cadre de l'ONU, le processus avalisé à Annapolis ;
  • depuis la réunion d'Annapolis, il y a deux semaines, 31 Palestiniens ont été tués par les forces de sécurité israélienne dont 28 à Gaza et 3 en Cisjordanie, dont un policier palestinien. L'OLP n'approuve pas les tirs de roquettes lancés à partir de Gaza sur Israël, car cela participe à l'escalade de la violence. Il n'en demeure pas moins qu'Israël devrait faire preuve de retenue dans sa riposte, tant à Gaza qu'en Cisjordanie. Les niveaux de violence entre les deux parties ne sont pas comparables.
  • enfin, la population des territoires palestiniens est de l'ordre de 3,3 millions de Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie. Par ailleurs, sur une population totale de 7 millions d'habitants, Israël compte 1,2 million de citoyens arabes. Selon certaines projections, à l'horizon 2015-2020, il devrait y avoir une égalité entre Juifs et Arabes sur l'ensemble du territoire de la Palestine mandataire. Compte tenu de la portée de ce changement, le gouvernement israélien serait avisé de saisir l'occasion de conclure un accord historique qui constitue la seule garantie d'une paix et d'une sécurité durables pour les générations futures.

Publié le 20 décembre 2007