LISTE DES ARTICLES

Les crédits de l'action culturelle extérieure pour 2008

Résumé des principales prises de position de
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,

Sénatrice représentant les Français établis hors de France, rapporteure pour avis de la Commission des Affaires étrangères et de la défense du Sénat
sur les crédits du programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l’État » du projet de loi de finances pour 2008

Avis n°94 Tome II disponible sur
http://www.senat.fr/rap/a07-094-2/a07-094-2.html  

I. Un enjeu majeur pour l’influence de la France dans le monde

Le réseau culturel français à l’étranger est riche de :

  • 154 services de coopération et d’action culturelle (SCAC) ;
  • 149 instituts et centres culturels et 1075 Alliances françaises enseignant notre langue à quelque 500.000 étrangers ;
  • 26 centres de recherche et 176 missions archéologiques ;
  • plus de 160 000 élèves, dont plus de la moitié d’élèves étrangers, inscrits dans les 269 écoles françaises à l’étranger (AEFE).

Toutefois, un tiers des centres et instituts culturels situés en Europe ont été fermés entre  2000   et 2007, fermetures en partie seulement compensées par des créations en Asie.

Une nouvelle réorganisation est annoncée. Quels sont ses objectifs ?

S’agit-il réellement  de redéployer les moyens de notre action culturelle vers les pays émergents ou de poursuivre le mouvement actuel de fermeture de centres et instituts culturels et de réduction des personnels ?

Jusqu’à quel point la France peut-elle avoir une diplomatie culturelle efficace en diminuant ses crédits publics et la faisant financer par le seul mécénat ?

Comme le note Hubert Védrine, dans son rapport sur la France et la mondialisation, « aucune évolution ne justifierait que la France liquide son réseau culturel, sauf à abandonner carrément le français à son sort, au désespoir des francophones ».

II. Le budget pour 2008 : Un financement très insuffisant

Evolution des crédits consacrés à la coopération culturelle

Année Budget constant du MAE en euros Relations Culturelles Extérieures et aide au développement Part dans le budget du MAE en %
2000 3 041 200 000 1 498 798 922 49.3 %
2001 3 145 700 000 1 503 797 656 47.8 %
2002 3 123 200 000 1 456 985 626 46.7 %
2003 3 253 500 000 1 649 217 025 50.7 %
2004 3 242 700 000 1 598 960 834 49.3 %
2005 3 203 000 000 1 492 585 474 46.6 %

Source :  Ministère des Affaires étrangères et européennes

Programmes budgétaires (hors dépenses de personnel) LFI 2006 (CP) LFI 2007 (CP) PLF 2008 (CP)
Programme Rayonnement (185)         
 

428 590 600

389 209 271

396 945 442

Programme Audiovisuel extérieur (115)         
 

160 177 232

159 191 844

159 191 844

Programme Solidarité (209)         
 

1 940 639 713

1 872 915 600

1 848 000 000

Total programmes 185,115 et 209

2 529 407 545

2 421 316 715

2 404 137 286

BUDGET GLOBAL MAEE

4 392 080 305

4 533 256 762

4 534 574 608

%

57,59%

53,41%

53,02%

Source : Ministère des Affaires étrangères et européennes 

En apparence, la promotion de la culture française et de l’usage du français reste une priorité affichée.

En réalité, la part des crédits consacrés à l’action culturelle extérieure au sein du budget de l’Etat est en constante diminution ces dernières années et l’année 2008 confirme cette tendance.

En  veut-on quelques exemples ?

+ Promotion du français

Les crédits destinés à promouvoir l’utilisation de la langue française représentent une enveloppe très insuffisante de 15 millions d’euros pour 2008, et cela pour l’ensemble des États membres de l’Union européenne et des grands pays d’Europe, d’Amérique du nord, d’Asie et d’Océanie.

+ Attraction des étudiants étrangers

Alors que la France attire deux fois moins d’étudiants européens que l’Allemagne et trois fois moins que le Royaume-Uni, les crédits destinés au financement des bourses au titre du programme 185 représentent seulement 18 millions d’euros.
Le nombre total de bourses délivrées à des étudiants étrangers est d’ailleurs en forte diminution ces dernières années, puisqu’il s’élevait en 2006 à 18 500, contre 20 000 en 2005 et 22 500 en 2002.
A titre de comparaisons, l’Office allemand d’échanges universitaires et culturels dispose d’un budget de près de 250 millions d’euros, dont 55 millions sont consacrés aux bourses pour les étudiants étrangers.

+ Fonctionnement des SCAC et centres culturels

Avec 138 millions d’euros par an, le réseau de centres et instituts culturels représente un coût équivalent à celui de la BNF ou de l’opéra de Paris. De plus, les crédits de fonctionnement sont supérieurs aux crédits d’intervention. Il en résulte que le premier rôle d’un chef de SCAC ou d’un directeur d’un centre culturel est d’utiliser les crédits mis à sa disposition comme un levier pour trouver d’autres sources de financement. Or, il y a des types d’action et de pays pour lesquels de telles modalités de financement et d’action sont possibles et d’autres qui ne s’y prêtent absolument pas.

+ Personnel affecté aux relations culturelles extérieures

Enfin, la réduction des effectifs dans le domaine de l’action culturelle extérieure se poursuit avec la suppression de 60 emplois rattachés au programme 185 en 2008.

L’action culturelle extérieure souffre donc d’un manque de personnels et de financement.

III. La ventilation par actions des crédits du programme 185 

Répartition des crédits du programme 185 par sous-actions  
(hors dépenses de personnel) (en euros)

programme 185

Montant 2008

Action 1: Animation du réseau

30 661 621

Crédits de Fonctionnement des Services ( SCAC et services centraux) (1%)

2 900 805

Dotation des EAF et des CEF (5%)

18 520 189

Subventions aux opérateurs LOLF pour charges de service public (Culture France, Campusfrance) (2%)

9 240 627

Action 2: Langue et culture française, diversité linguistique et culturelle

33 080 778

Langue française et diversité linguistique (4%)

15 097 229

Création et industries culturelles (5%)

17 983 549

Action 4: Renforcement des échanges scientifiques techniques et universitaires

41 903 043

Renforcement de l'attractivité du territoire et valorisation de la science française hors de nos frontières (10%)

38 380 995

Contribuer à la gouvernance et aux échanges techniques (1%)

3 522 048

Action 5: Enseignement public français à l'étranger (AEFE)

291 300 000

Répartition des crédits du programme 185 par actions  
(hors dépenses de personnel) (en euros)

Comme on peut le constater à la lecture de ces tableaux, l’AEFE absorbe l’essentiel des crédits. Pour un réseau d’écoles, son financement est insuffisant, mais, dans le système actuel, elle ne peut remplir ses missions et se développer qu’au détriment de tout le reste de la diplomatie culturelle.

IV. Le budget des opérateurs : l’exemple de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE)

L’AEFE est un élément central dans le dispositif d’enseignement du français à l’étranger. Ce dispositif, présent dans 130 pays, compte 450 établissements répartis en trois catégories distinctes :

  • Les 75 établissements en gestion directe (EGD) sont des services déconcentrés de l’AEFE ;
  • Les 175 établissements conventionnés sont gérés par des associations de droit privé ayant passé un accord avec l’AEFE ;
  • Les 201 établissements « hors réseau » sont simplement homologués par le ministère de l’Éducation nationale et ils ne bénéficient pas d’aide directe.

La mesure la plus spectaculaire du projet de loi de finances 2008 est la prise en charge, pour un montant de 20 millions d’euros, des frais de scolarité des élèves de terminale et de première des lycées français à l’étranger, suite à l’engagement de campagne du Président de la République. Nous passons ainsi d’une logique fondée sur des critères sociaux pour attribuer des bourses à tous les élèves dont les familles en ont besoin à une logique de prise en charge intégrale des droits de scolarité pour les élèves français des seules classes de lycée. Ce fait est accentué par le fait que, en réalité, les crédits de bourses sur critères sociaux régressent et aussi par la suppression brutale des bourses destinées aux élèves francophones. 

Ne sous-estimons pas les prévisibles effets pervers de cette mesure :

  • Tout d’abord, l’« effet d’aubaine » pour les entreprises qui prennent actuellement en charge les frais de scolarité des enfants de leurs salariés expatriés. La plupart mettront fin à cet avantage.
  • Ensuite, l’augmentation du nombre d’inscription d’élèves de nationalité française soulève des interrogations sur la capacité d’accueil de nos établissements, d’ores et déjà saturés, et sur le risque d’éviction des élèves étrangers. L’avantage consenti touchera de 15 000 à 20 000 élèves sur plus de 300 000 enfants français immatriculés dans les consulats pour un coût de 60 millions d’euros à terme.

Ce qui inquiète c’est qu’aucune distinction n’a été faite entre les établissements dont l’AEFE peut contrôler les tarifs et les autres. N’est-ce pas une terrible incitation à l’inflation des droits de scolarité ?

Le plus grave est que ce choix réduit gravement les capacités des établissements à faire face aux charges salariales et immobilières que l’AEFE transfère sur eux. Il faut rappeler que le besoin de financement, pour 2006-2012, de la politique immobilière de l’Agence a été évalué, par une mission d’audit à 240 millions d’euros, soit 48 millions d’euros par an. La dotation de 8,5 millions d’euros pour 2008 est donc très insuffisante au regard des besoins. Or, l’AEFE ne pourra plus, comme par le passé, puiser dans son fonds de roulement, puisque celui-ci a diminué de moitié en un an.

Au total, pour assurer la gratuité scolaire à une toute petite minorité de familles, il faudra alourdir la participation financière de toutes les autres par uneaugmentation massive et générale des droits de scolarité.

N’aurait-il pas été préférable d’affecter la totalité des fonds ainsi dégagés aux bourses, qui sont attribuées sur des critères sociaux, et aux investissements immobiliers, qui par définition, profitent à tous les élèves, de toutes les classes et de toute nationalité ? 


Publié le 10 janvier 2008