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Budget 2010: questions au ministre des Affaires étrangères

Dans le cadre de la préparation de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a auditionné, le mardi 20 octobre 2009, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

Avant de poser cinq questions au ministre des affaires étrangères, Monique Cerisier ben Guiga lui ai fait remarqué qu’il se conformait à une tradition établie par ses prédécesseurs depuis quinze ans : se désoler de l’ampleur des sacrifices budgétaires consentis et annoncer pour l’année suivante une défense énergique du budget du ministère des affaires étrangères.

D’autre part, elle a souligné que la note budgétaire officielle annonce des chiffres gonflés dans ses premières pages et qu’il faut attendre la quatrième pour arriver à une partie de la vérité, les crédits de paiement du ministère « augmentent » de 1,4%, c’est-à-dire qu’une fois tenu compte de l’inflation et du gel de 5%, ils baissent.

Elle a souhaité poser cinq questions, trois en qualité de rapporteur du budget, deux en qualité de Sénatrice des Français établis à l’étranger :

1°) La première question a porté sur la réduction des crédits du programme consacré au rayonnement scientifique et culturel, et plus particulièrement en ce qui concerne les bourses destinées aux étudiants étrangers.

Ces dernières années, les crédits d’intervention consacrés à l’action culturelle extérieure et à la coopération éducative et scientifique ont connu une forte diminution. Après une forte baisse de 13% en 2009, ces crédits devraient diminuer à nouveau de 15% en 2010.

Elle a rappelé au Ministre qu’il avait toujours milité pour la préservation des bourses destinées aux étudiants étrangers. Or, les financements des bourses destinées aux étudiants étrangers passent cette année de 20 à 15 millions d’euros, soit une baisse de 25% pour le programme 185, et de 81 à 72 millions d’euros pour le programme 209, ce qui fait 14 millions d’euros de moins.

En outre, plusieurs décisions prises par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ne tiennent pas compte de la situation particulière des étudiants étrangers : par exemple la procédure d’inscription en ligne « Admission post-bac », mise en place par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, est concurrente de la procédure « Centres pour les études en France » mise en place par le ministère des affaires étrangères et européennes. Cela complique l’inscription des étudiants en première année universitaire, contraints d’effectuer deux inscriptions par internet. La fiscalisation des bourses doctorales des étudiants étrangers pose aussi une sérieuse question.

Insistant sur le contexte de concurrence entre les grands pays pour attirer les meilleurs étudiants étrangers, elle a demandé au Ministre d’expliciter d’une part les raisons de cette diminution des bourses et des obstacles administratifs et d’autre part les enseignements qu’il pense en tirer concernant la tutelle de la future agence chargée de la mobilité internationale ?

A ces interrogations, le Ministre a répondu que la baisse des crédits de bourses universitaires était due à la baisse des crédits de coopération des ambassades et que le seul domaine sauvegardé était celui des bourses d’échanges scientifiques.

Il a convenu que la procédure « d’admission post-bac » venait brouiller le dispositif d’inscription des CEF et qu’il n’y avait pas eu de concertation du ministère de l’enseignement supérieur avec le ministère des affaires étrangères.

Concernant la fiscalisation des rémunérations des doctorants étrangers, concédant que c’était une erreur, il a souligné qu’il s’efforçait d’obtenir qu’on revienne sur cette disposition.

Enfin sur la futur Agence de la mobilité internationale, Bernard Kouchner a affirmé qu’il préfèrerait la seule tutelle du MAE, mais que la négociation n’était pas terminée et qu’elle n’était pas gagnée avec le ministère de l’enseignement supérieur.

2°) La deuxième question de Monique Cerisier ben Guiga a porté sur la réforme de l’action culturelle à l’étranger.

Elle a rappelé au ministre que la commission des Affaires étrangères, conjointement avec la commission des Affaires culturelles, avait rédigé récemment un rapport d’information sur ce sujet. L’une des préconisations qui figure dans ce rapport, consiste à demander le rattachement du réseau culturel à la future agence chargée de la coopération culturelle extérieure car seul le rattachement du réseau culturel à la future agence lui permettrait réellement de renforcer la diplomatie culturelle de la France, tout en préservant le rôle central de l’ambassadeur.

Elle a précisé que ce rapport a été adopté à l’unanimité par les membres des deux commissions.

Or, le projet de loi sur l’action extérieure de l’Etat, que le gouvernement a déposé cet été au Sénat est muet sur cette question.

Monique Cerisier ben Guiga a rappelé au Ministre qu’il semblait au départ assez ouvert à cette idée, mais que compte tenu de fortes réticences « bureaucratiques » au sein de votre ministère, il avait dû reculer sur ce point et demander une nouvelle expertise à M. Dominique Comble de Nayves.

Elle a donc souhaité savoir où il en était exactement sur cette question.

Le ministre a indiqué qu’avecla création de l’agence culturelle, il s’agissait de créer un lien plus fort avec l’ensemble du réseau. Il a par ailleurs précisé que le projet de loi serait examiné avant Noël au Sénat et en janvier à l’Assemblée Nationale.

3°) La troisième question de Monique Cerisier ben Guiga a porté sur le budget de l’Agence française pour l’enseignement français à l’étranger, notamment pour faire face à la prise en charge des frais de scolarité des élèves français et aux programmes immobiliers.

Sans revenir sur les effets pervers de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français inscrits dans les établissements à l’étranger en classe de lycée, voulue par le Président de la République, elle a constaté simplement l’absence de financement suffisant pour répondre à l’ensemble des coûts que cette mesure induit.

Face au coût croissant de cette mesure, le ministère des affaires étrangères et européennes a donné pour instruction de durcir les conditions d’attribution des bourses sur critères sociaux et, plus généralement, celui de l’aide sociale pour les Français de l’étranger. L’administration des Français à l’étranger perd au total 17,8% des crédits, et 11,5% pour le pôle social.

Bernard Kouchner a indiqué que concernant le dispositif de prise en charge des frais de scolarité, une évaluation du dispositif serait mise en place à partir de la fin de cette année scolaire.

4°) La quatrième question a porté sur l’aide sociale pour les Français de l’Etranger.

Il ne restera plus que 14,8 M€ pour l’aide aux Français en grande difficulté : personnes âgées, handicapés. Monique Cerisier ben Guiga a insisté sur le fait que le taux de base des allocations accusait donc une baisse de 10% : une personne âgée qui percevait 180€/mois pour survivre n’en n’aura plus que 162.

Ainsi, pour financer un dispositif qui bénéficie à un petit nombre de familles, parfois très aisées, puisque certaines ont un revenu annuel supérieur à un million d’euros, on réduit les aides accordées aux familles les plus modestes et aux personnes en grande détresse et ce n’est pas la suppression totale ou partielle des 242 allocations versées en Union européenne qui vont compenser cette baisse.

De tels choix politiques ne sont pas acceptables. Elle a demandé au Ministre de revenir sur eux dès cette loi de finances.

Bernard Kouchner a rappelé qu’en 2009,5 404 allocataires bénéficiaient de l’aide sociale aux Français de l’Etranger.

5°) Enfin le cinquième et dernier sujet a porté sur les Français de Guinée.

Monique Cerisier ben Guiga a tenu à interroger le ministre sur la difficulté pour les Français de Guinée de prendre une décision quant à leur maintien ou non sur place, le MAE leur adressant deux messages contradictoires :

1-Quittez la Guinée

2-Il n’y a pas d’évacuation dans l’état actuel de la situation.

Elle l’a questionné sur ce que peuvent faire les Français dépourvus de moyens, en particulier ceux dont les enfants boursiers sont privés de classe depuis le 28 septembre et qui n’ont pas les moyens d’envoyer ailleurs en Afrique ou en France. Il lui parait nécessaire que soit mis en place une évacuation partielle sur critères familiaux et sociaux.

Bernard Kouchner a rappelé qu’il reste 1 800 Français en Guinée et que le gouvernement leur viendra en aide en temps voulu en Guinéeet à Dakar. Le maintien de la mesure de fermeture de l’école est nécessaire en raison de l’instabilité de la situation. Une réouverture aurait donné une fausse impression de sécurité. Il a par ailleurs précisé que le coût des transports pour Dakar était pris en charge.


Publié le 21 octobre 2009