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Mission "Action extérieure de l'Etat" pour 2010 : disscussion générale

Vous trouverez ci-après l'intervention de Monique Cerisier ben Guiga en séance publique, lors de la discussion générale sur les crédits du MAE, telle qu'elle a été publiée au Journal Officiel.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. "Je remercie mon collègue Michel Billout des positions qu’il vient de prendre sur la situation au Moyen-Orient. Nous aurons au mois de janvier un débat qui nous permettra d’approfondir notre réflexion sur l’évolution de la situation.

Avant d’aborder mon propos personnel, je souhaite me faire l’écho, si vous le permettez, d’une déclaration sur la francophonie rédigée par le sénateur Jean Besson, au nom du groupe socialiste.

« La francophonie, dit-il, est un engagement constitutionnel qui malheureusement ne connaît pas de traduction dans le projet de loi de finances. Les actions ainsi que les crédits affectés à l’influence culturelle et linguistique de la France sont éparpillés, ce qui dénote une absence de stratégie cohérente, que nous ne pouvons que regretter. »

Notre collègue Jean Besson dénonce la baisse des crédits accordés au réseau culturel et aux Alliances françaises ainsi que la baisse des crédits de bourses universitaires. Il déplore la fermeture de centres culturels et la réduction des crédits destinés à la promotion du français.

Enfin, il insiste sur l’importance de l’Internet. Il déclare ainsi : « Je suis convaincu que l’avenir de la francophonie passe par Internet. Je rappelle que l’insertion de la francophonie dans la société de l’information était inscrite comme objectif prioritaire au sommet de Cotonou en 1995. Mais force est de constater que, malgré une progression récente, la place du français sur la Toile reste désespérément faible : il représente seulement 5 % des langues utilisées par les internautes, loin derrière l’anglais. Une réflexion sur les contenus doit être approfondie afin de donner du sens et une réelle valeur ajoutée aux actions menées ».

Seulement 340 000 euros seront affectés cette année au portail numérique francophone. Pouvez-vous nous informer, monsieur le ministre, sur son ambition et son contenu ?

C’est maintenant la sénatrice représentant les Français établis hors de France qui s’exprime.

Monsieur le ministre, pour la première fois depuis trente ans, le budget d’aide sociale de votre ministère remet en cause le principe que nous avions fait triompher dans les années quatre-vingt : « La solidarité nationale fait fi des frontières. » Cela doit vous rappeler quelque chose, monsieur le ministre ! « Elle s’exerce en faveur des Français à l’étranger, citoyens à part entière de la Nation.»

Le budget d’aide sociale que nous examinons aujourd’hui est l’un des pires de tous ceux que j’ai eu à connaître en dix-sept ans de mandat parlementaire.

En une seule année, de 2009 à 2010, les crédits d’aide sociale destinés aux Français de l’étranger s’effondrent de 11,3 %, selon le chiffre indiqué dans le tableau de la note Achille.

Mais si l’on étudie ces crédits sur la moyenne période, c’est bien pire ! En 2001, 900 000 Français étaient inscrits dans nos consulats, qui disposaient de 17,4 millions d’euros pour l’action sociale. En 2009, 1,4 million de Français sont inscrits dans les consulats, qui ne disposeront plus, en 2010, que de 14,8 millions d’euros pour faire face aux situations de détresse.

Résumons : plus le nombre de Français émigrés augmente moins la solidarité nationale s’exerce en leur faveur !

Plus grave, si l’on fait le calcul de l’évolution de ces crédits en tenant compte de l’érosion monétaire, on constate que les 17,4 millions d’euros de 2001 correspondraient en 2009 à 19,7 millions d’euros.

Ainsi, en huit ans, les Français de l’étranger ont perdu en réalité 5 millions d’euros d’aide sociale !

Les personnes les plus démunies, les handicapés, les éclopés de l’émigration – il y en a, car il n’existe pas de filet, pour l’émigration ! –, les femmes divorcées bloquées avec leurs enfants sans pension alimentaire dans le comté de New York ou en Turquie et les vieillards dépourvus de retraite, ont vu fondre de 25 % les crédits d’aide sociale mis à la disposition des consulats. En seulement huit ans, 25 % de diminution !

Autrement dit, en huit ans, 56 % d’expatriés en plus et 25 % de crédits d’aide sociale en moins !

Transposez cela pour n’importe quelle catégorie sociale de l’Hexagone et vous meublerez les étranges lucarnes de magnifiques émeutes pour plusieurs semaines, à longueur de journaux télévisés.

Avec les Français de l’étranger, vous êtes tranquille : ils sont dispersés et ne peuvent pas se plaindre de leur sort !

Depuis le retour de la droite aux affaires, les consulats ont dû renoncer – cela n’a pas été de gaieté de cœur ! – aux actions sociales de réinsertion dont j’avais établi la liste et décrit les modalités lors de l’enquête effectuée à la demande du Premier ministre Lionel Jospin, en 1999.

Depuis 2002, à coup de suppressions de postes d’assistants sociaux et de raréfaction de crédits, la charité publique du XIXe siècle a repris le pas sur la solidarité nationale que nous avions mise en œuvre.

On va beaucoup plus vite pour reculer que pour avancer ! Il n’aura fallu que huit ans pour reculer d’un siècle en matière d’aide sociale pour les Français à l’étranger !

On a supprimé les allocations à durée déterminée, qui permettaient de faire face à un brutal accident de la vie. On a tenu bon en revanche sur l’âge fatidique de soixante-cinq ans, qui donne droit à l’allocation vieillesse, surtout dans des pays où l’espérance de vie atteint difficilement soixante ans... On a réduit les secours occasionnels, pourtant si utiles pour subvenir aux soins de malades sans ressources.

Au total, au moment où le nombre des Français à l’étranger augmentait de 56 %, l’administration a dû réduire le nombre de bénéficiaires d’un secours de près de 10 %, soit un passage de 5 500 à 5 000 personnes, alors que la crise économique mondiale sévit, et il n’y a pourtant pas beaucoup de raisons pour que les Français établis à l’étranger en souffrent moins que les Français de France...

On nous annonce donc cette année une suppression modulée des 242 aides actuellement accordées à des Français en détresse en Union européenne et, surtout, la baisse de 10 % des allocations dans le reste du monde.

À Brazzaville, l’une des trois villes les plus chères du monde – fait peu connu –, les personnes âgées et les handicapés devront s’arranger pour vivre avec 370,8 euros par mois, au lieu de 412 euros l’année dernière. À Los Angeles, ce sera 589,5 euros, au lieu de 655 euros ! Et à Vilnius, 207 euros pourront bien faire l’affaire quand on savait déjà se débrouiller l’année précédente avec 230 euros !

Quand il s’agit de se serrer la ceinture, les pauvres sont particulièrement efficaces!

M. Robert Hue. Très bien !

M. Ivan Renar. Il faudrait demander au PDG de Véolia de les aider !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pour tous ceux d’entre nous, à droite comme à gauche de l’hémicycle, qui connaissent la pauvreté de plusieurs dizaines de milliers de Français de l’étranger, cette situation est inacceptable.

Plusieurs amendements, dont celui qui est proposé par M. Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances, identique à celui qui a été voté à mon initiative par la commission des affaires étrangères, tendent à maintenir au moins l’aide aux personnes à son niveau de 2009.

Quel est l’avenir de la catégorie solidaire de la Caisse des Français de l’étranger, la CFE ?

Pour la seconde année consécutive, l’État ne participe au financement de la catégorie solidaire de la Caisse des Français de l’étranger qu’à hauteur de 500 000 euros.

Créée par la loi du 17 janvier 2002, sous le gouvernement de Lionel Jospin, cette modalité d’adhésion à l’assurance maladie a bénéficié à 8 000 personnes, les assurés et leurs ayants droit.

Ainsi, sans avoir abrogé la loi, sans avoir réécrit le décret d’application, le Gouvernement cesse d’appliquer, en pratique, la loi votée et promulguée. En somme, sans le dire, le Gouvernement rouvre le dossier.

Eh bien, chiche ! Oui, il est temps d’évaluer le dispositif.

Combien coûte-t-il à la Caisse des Français de l’étranger ? Combien coûte-t-il à l’État ? Combien coûte-t-il en salaires d’agents consulaires ?

Il est temps que le ministère des affaires étrangères, qui n’est qu’un guichet dans un système dont il n’a pas la tutelle, demande à la direction de la sécurité sociale d’effectuer l’audit qui nous éclairera tous. S’il faut modifier le dispositif, le rendre moins coûteux en gestion administrative, pourquoi pas ? L’essentiel est la protection contre le risque maladie du plus grand nombre possible de nos compatriotes.

Et si une quatrième catégorie d’adhésion, dont les cotisations seraient assises sur le tiers ou le quart du plafond de la sécurité sociale, pouvait être enfin étudiée, pourquoi pas ?

Cela dit, monsieur le ministre, il faut vous reconnaître, à vous, beaucoup plus de cohérence politique qu’à tout le reste du Gouvernement (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.).

Sans jouer au courtisan – vous me permettrez d’éviter le féminin - force m’est de reconnaître que, en votre qualité de ministre des affaires sociales des Français de l’étranger, vous avez eu le courage de faire payer aux pauvres les cadeaux que vous faites aux riches ! Alors que vos collègues, franchement, c’est gribouille et compagnie !

D’un côté, le bouclier fiscal, avec, à la clé, des chèques de centaines de milliers d’euros pour quelques milliardaires pressurés par le fisc et, simultanément, une augmentation du RMI de 1,2 % ; pis encore, une allocation adultes handicapés qui gagne 2,2 %, et enfin, pour vraiment dilapider le budget de l’État, un minimum vieillesse qui bondit... de 4,7 % !

Vos collègues n’ont pas le courage de leurs opinions, contrairement à vous, monsieur le ministre. En effet, d’un côté, vous faites le cadeau de la prise en charge des frais de scolarité à 8 690 lycéens pour un montant moyen de 4 207 euros par bénéficiaire ; de l’autre, vous instituez une diminution de 10 % de 5 000 allocations de vieillesse et de handicap, dont les montants s’échelonnent de 230 à 655 euros. Petite économie, certes, comparée à une grande dépense, mais dit en novlang d’aujourd'hui, c’est « vertueux » !

En cela, monsieur le ministre, votre budget est exemplaire et, puisque l’on doit noter les ministres, vous méritez bien un prix d’excellence, mention RGPP !

Et voilà pourquoi, docteur, monsieur le ministre, l’opposition socialiste, qui n’est pas plus muette que la patiente de Sganarelle, votera bruyamment contre votre budget !" 



Publié le 03 décembre 2009