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Action culturelle extérieure / Professeur de français pour étrangers : le plus beau métier du monde…

A CONDITION D’ETRE TITULAIRE DE L’EDUCATION NATIONALE !

      Je fais partie de ces personnes qui ont toujours aimé la langue française, la lecture, l’écriture…arrivée en fac, ma voie était donc toute tracée : j’allais devenir prof de français ! Etant aussi du nombre de ceux qui adorent voyager, découvrir d’autres cultures, faire découvrir la leur…je décidai de suivre une formation, mais pour apprendre le français à un public spécifique : les étrangers ! Et justement, à l’époque (mes premières rides m’obligent à m’exprimer ainsi…) une filière venait d’ouvrir dans ce domaine…quelle  aubaine ! Dix ans plus tard, mes belles illusions parties en fumée, mes propos ont bien changé. Aujourd’hui ce serait plutôt : « Mais qu’allais-je donc faire dans cette galère… ». 

      Université du Maine, octobre 1995, Jean-Claude Beacco, grand spécialiste du FLE (Français Langue Etrangère) met en place la « maîtrise FLE ». Sur le papier, tout est magnifique : pas besoin de passer de concours de l’Education Nationale pour enseigner, des cours de didactique, de linguistique, un stage pratique dans des centres de langues en France ou à l’étranger…que demande le peuple ! Etudiante jeune et naïve, je m’inscris tête baissée, les yeux fixés sur le diplôme, sésame d’une vie de rêve et d’aventures à l’étranger…

      Septembre 1996, premier poste : lectrice à l’Alliance française de Debrecen, en Hongrie. Le salaire est misérable, mais il permet de vivre décemment dans le pays, et comme j’ai besoin d’une expérience, je ne suis pas trop regardante sur les conditions de travail. Une année passe…en juin, on me propose un poste à l’Institut français de Budapest. En contrat local, avec un salaire un peu plus élevé. Ma mère me prévient : « Attention Christine, n’oublie pas que quand tu rentreras en France, tu n’auras droit à rien ! »…comme vous le savez, les enfants n’écoutent jamais leurs parents…et puis il y a les bains, la Palinka, la musique tzigane…il sera toujours temps de songer à mon avenir…

      Juin 1998, une collègue de l’Institut français me propose d’enseigner tout l’été à l’Université Technique de Compiègne, en France. Prof de fac, je monte en grade…j’accepte, tant pis pour mes vacances…heureusement, il s’agit de donner des cours de français à un groupe d’étudiants brésiliens. Je voyagerai grâce à eux pendant deux mois inoubliables. Inoubliables aussi parce que l’UTC me paiera seulement en octobre…il paraît que c’était écrit dans le contrat…en petits caractères, sans doute ! Résultat : j’ai dû emprunter de l’argent à ma mère (qui pourtant m’avait prévenue….) pour me loger, manger, me déplacer, etc…pendant deux mois !

      Septembre 1998, début de la galère. Je décide de rester à Paris, pensant naïvement que j’y trouverai plus facilement un emploi. Un ami étudiant m’héberge, par chance, ainsi je n’ai pas à payer de loyer. Aucun droit au chômage, bien entendu, mon expérience en Hongrie n’étant pas prise en compte…je vis honteusement au crochet de mon ami pendant quatre mois. En janvier, je décroche enfin un emploi à mi-temps dans un centre de formation pour adultes. Cela me permet de « vivoter ». En juin, l’Alliance française de Paris, (reconnaissante pour mes bons et loyaux services effectués en Hongrie ?) me propose un poste pour l’été. Je remplace des profs en congé maladie. Contrat renouvelable tous les mois, la direction ne prend pas de risques…et on me renvoie gentiment chez moi fin août…plus assez d’étudiants pour me garder ! Je me dirige vers les bureaux de l’ANPE, mais je n’ai droit à aucune indemnité, n’ayant pas le nombre d’heures de travail suffisant…

      Un peu énervée par cette année catastrophique en France, je décide de reprendre mes études. Je fais un DESS « Ingénierie des médias pour l’Education » à l’OAVUP, à Poitiers. Très bonne formation, qui me permet d’effectuer un stage à l’Ambassade de France à Brasilia. Satisfait de mes services, l’attaché linguistique alors en poste me propose un « stage rémunéré » de septembre à décembre 2000. Je travaille sur différents projets, avec le MEC et l’UNB, sans compter mes heures. Là encore salaire de misère, mais c’est l’UNB, ravie d’avoir une collaboratrice française, qui me loge. En décembre, je suis contactée par le Ministère des Affaires Etrangères, qui me propose un poste de professeur à l’Alliance française de Mbabane, au Swaziland (j’avais fait une demande en tant que volontaire du service national). Les conditions de travail cette fois-ci sont bien meilleures, mais, surprise : quand je débarque à l’aéroport de Johannesburg, le délégué général de l’Alliance Française m’apprend que j’assurerai en fait la fonction de directrice … heureusement il me « formera » pendant…une semaine !!!!

      Finalement je ne m’en sors pas trop mal, l’Ambassadeur me félicitera même au moment de mon départ…mais « oubliera » de me faire une lettre de recommandation…

      Pas pressée de rentrée en France, où je sais que la galère va recommencer, je fais un petit détour par le Brésil, où je travaillerai quelques mois (en contrat local !) à l’Alliance française de Porto Alegre. Retour au pays en janvier 2003. Je trouve un poste dans un lycée privé du Mans, où je donne des cours…d’histoire-géographie ! En juin, je décroche un poste à Paris (en CDI !) dans une association gérée par un couple de Chinois. Finalement je donne quarante heures de cours par semaine, pour un salaire de 1200 euros par mois…Je tiens le coup un an et je démissionne.

      En juillet 2005, n’en pouvant plus, je décide de laisser tomber le FLE. Ayant des compétences en informatique, je trouve un poste dans un centre de ressources multimédia. J’ai un CDI, un bon salaire (1800 euros), des congés payés, des RTT, des chèques vacances…la belle vie quoi ! Sauf que je vais au travail à reculons, alors que je suis qualifiée et que j’ai de l’expérience dans un autre domaine, le  FLE !

      C’est ça la France d’aujourd’hui ? Je dis bravo à tous les planqués des Ministères, continuez comme ça ! Encore un petit effort, et la langue française aura vraiment perdu la place que, de toute façon, elle n’occupe plus depuis longtemps.

Christine Avignon
Ex-formatrice en FLE


Publié le 01 mars 2006