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Transcription de l'acte de naissance d'un enfant né au Québec d'un couple homosexuel

Depuis octobre 2007, date à laquelle lui a été signalé le cas, Monique Cerisier ben Guiga est intervenue à de nombreuses reprises pour soutenir le problème posé par la demande de transcription de l’acte de naissance sur l’état civil de Nantes d’un enfant né au Québec : cet enfant est en effet né d’une mère « biologique » française qui est elle-même mariée à une femme française considérée comme la mère adoptive de l’enfant, et ceci conformément aux lois canadiennes qui reconnaissent le mariage homosexuel.

Or le gouvernement canadien faisant figurer les deux mères de l’enfant sur son acte de naissance, la transcription française de l’acte se révélait impossible, faute d’équivalent en droit français. C’est ainsi que l’enfant, faute d’état civil français, ne pouvait obtenir la nationalité française.

Après plusieurs relances, la réponse de la ministre de la justice, en date du 15 avril, apporte une solution au cas de l’enfant qui pourra, sous réserve que sa mère biologique apporte « la preuve de l’accouchement » avoir un acte transcrit « partiellement », en ce sens que l’acte portera l’unique indication, comme mère, de la femme ayant accouché.

Cette solution a minima se garde bien d’éviter l’écueil de la reconnaissance implicite d’un mariage homosexuel autorisé par les lois étrangères et ne reconnaît pas la mère adoptante. Elle est cependant une avancée et évite à l’enfant le préjudice de n’être pas reconnu comme français au motif que son acte de naissance canadien lui reconnaît deux mères.

Lire ce dessous la lettre de Rachida Dati :

 


 

Paris, le 15 AVR. 2008;

Madame la Présidente,

Vous avez bien voulu appeler mon attention sur les difficultés rencontrées par Madame XXX et Madame YYY, qui se sont mariées au Québec où est établie leur résidence, pour obtenir la transcription consulaire de l’acte de naissance de l’enfant ZZZ, né à Montréal, le XX aaa 2006. Cet acte indique, en effet, en qualité de parents, l’une et l’autre des requérantes.

Le Consulat général de France a rejeté leur demande et sollicité les instructions du parquet de Nantes.

A la suite de mon dernier courrier, j’ai l’honneur de vous informer que le droit positif français n’admet l’établissement de la filiation qu’à l’égard d’une personne seule, homme ou femme, ou d’un couple hétérosexuel. Tirant les conséquences de cet état du droit, les textes relatifs à l’état civil ne permettent pas l’élaboration d’un acte de naissance faisant apparaître une filiation établie à l’égard d’un couple parental de même sexe. C’est pourquoi, comme le souligne le procureur adjoint de Nantes, l’article 57 du code civil prévoit l’inscription, dans l’acte de naissance, « des prénoms, noms, âge, profession et domicile des père et mère ». De la même façon, ce texte précise que le prénom de l’enfant est choisi par « ses père et mère ».

Si la transcription intégrale de l’acte de naissance québécois sur les registres français de l’état civil consulaire n’est pas possible, la reconnaissance du lien de filiation maternelle établi à l’égard de la femme, qui, au sein du couple, a accouché, apparaît conforme au droit français.

J’observe toutefois que la preuve de l’accouchement n’est pas en l’état rapportée. L’acte de naissance québécois, qui fait foi dans les conditions de l’article 47 du code civil, est, sur ce point précis, inefficace, dans la mesure où ses rubriques ne distinguent pas entre la mère qui a accouché et son épouse.

En toute hypothèse, l’indication manuscrite « mère biologique » mentionnée sur le formulaire de demande de transcription complété par les intéressées, ne peut pas suffire à constituer la preuve de l’accouchement.

Aussi, sous réserve que la preuve de l’accouchement soit dûment rapportée, la transcription partielle de l’acte de naissance québécois sur les registres de l’état civil français, peut être admise. L’acte transcrit portera alors l’unique indication, comme mère, de la femme ayant accouché.

A défaut, la transcription devra être rejetée.

Je puis vous informer que des instructions en ce sens ont été adressées au procureur général près la cour d’appel de Rennes.

Par ailleurs, je puis vous confirmer que l’établissement éventuel du lien de filiation maternelle, après les vérifications ci-dessus énoncées, permettra à l’enfant ZZZ, né d’une mère française, de bénéficier de plein droit de la nationalité française, sans qu’une procédure de naturalisation soit nécessaire.

Je vous prie de croire, Madame la Présidente, à l’assurance de ma considération distinguée.

Rachida DATI


Publié le 23 avril 2008