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Droits de l'Homme / La cour de cassation rejette la répudiation

La question posée par le jugement du tribunal de Grande Instance sur laquelle la Cour de Cassation le 10 mai 2006 devait répondre était : un jugement constatant la répudiation unilatérale d’une femme par son mari peut-il produire des effets en France ?

Historique. La Cour de cassation s’était d’abord montrée « accueillante » en se fondant sur la théorie de l’effet atténué de l’ordre public : puisqu’il ne s’agit pas de créer un droit en France, mais simplement de laisser s’y produire les effets d’un droit acquis à l’étranger, l’ordre public n’est pas affectée. A partir des années 1990, la Cour de Cassation a davantage encadré la réception des décisions de répudiation. Elle a ainsi exigé que la procédure suivie à l’étranger respecte les droits de la défense de l’épouse, au nom d’un ordre public procédural. Elle a aussi pu subordonner la reconnaissance des décisions étrangères au respect d’un ordre public alimentaire, consistant, pour la femme répudiée, à obtenir une compensation financière. Plus radicalement, elle a enfin considéré que les répudiations étaient contraires au principe d’égalité entre époux, c’est-à-dire à un ordre public substantiel. Toutefois, ces exigences ont parfois été appliquées avec un tel relâchement que l’on a pu craindre un temps, le retour à une attitude trop libérale.

En réalité, on s’aperçoit que la souplesse a prévalu à propos des répudiations prononcées en Algérie, alors que la rigueur s’est en revanche imposée au sujet des répudiations marocaines. En effet, dans l’application de la Convention franco-marocaines du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire, le Maroc ne respecterait pas le volet consacré aux enfants. En retour, la Cour de cassation a décidé de ne pas reconnaître les répudiations prononcées dans ce pays.

Les doutes ont finalement été dissipés. Le critère retenu désormais réside dans la proximité de la situation des intéressés avec la France. Jusqu’à présent, le critère retenu était celui du domicile en France des époux et au moins de la femme. La nationalité française devrait aussi permettre le déclenchement de l’exception d’ordre public, ce que cet arrêt du 10 mai 2006 vient de confirmer. En effet, dans ce cas, les deux époux étaient Français. Logiquement, la même solution devrait prévaloir dans l’hypothèse où seule la femme est de nationalité française.

Extraits :
« la décision d’une juridiction étrangère constatant une répudiation unilatérale du mari sans donner d’effet juridique à l’opposition éventuelle de la femme et privant l’autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d’aménager les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial, est contraire au principe d’égalité des époux lors de la dissolution du mariage, [que] la France s’est engagée à garantir à toute personne relevant de sa juridiction, et donc à l’ordre public international, spécialement lorsque les deux époux sont de nationalité française […] [qu’]en statuant ainsi, alors que le jugement marocain consacrant la répudiation de Mme X par son mari et que les deux époux sont de nationalité française, le tribunal a violé les textes susvisés ».


Publié le 20 juillet 2006