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Attentats d'Alger, le 11 avril 2007

Les effroyables attentats-suicides qui ont frappé le coeur d’Alger ne sont pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Le peuple algérien, auquel vont notre compassion et notre solidarité, n’a pas réellement connu la paix civile ces dernières années. L’accalmie pouvait faire illusion, mais les assassinats sur les routes et dans des zones dites « résiduelles » n’avaient jamais cessé. La réconciliation nationale organisée par le gouvernement, au mépris du droit des survivants à connaître la vérité, a été un leurre. Le conflit resurgit.
L’Algérie souffre de bien des maux, à commencer par le fait que son histoire contemporaine a été systématiquement falsifiée et occultée. Depuis l’indépendance, le peuple est freiné dans ses efforts pour créer une économie productive car cela irait à l’encontre des intérêts de la caste pétrolière. La rente tirée de l’or noir corrompt la société et stérilise l’activité. La jeunesse, sacrifiée, mal instruite, mal formée, est victime d’un chômage de masse qui contraint les plus dynamiques à l’exil.
Une telle situation est le terreau sur lequel des islamistes wahabites recrutent depuis 15 ans des combattants, et, dorénavant, des kamikazes. Les liens noués entre Algériens et Afghans pendant la guerre menée en Afghanistan contre l’invasion soviétique, n’ont jamais été rompus. Ils avaient été remis en évidence avec la transformation du GSPC en branche d’Al-Qaida. Ils le sont tragiquement avec les attentats abominables d’hier.
Décidément, que ce soit en Irak ou au Maghreb, le pétrole est une malédiction du monde arabe. Rappelons que la conquête des esprits par l’intégrisme wahabite, dans sa version la plus extrémiste et violente, est une opération de prise d’influence sur le Maghreb financée par l’argent du pétrole et lancée dés le début des années 70 par l’Arabie Saoudite. Elle a d’abord trouvé son terrain de prédilection dans une société algérienne déstructurée et privée de démocratie par les effets pervers de la rente pétrolière. Via l’école, les prédicateurs et la télévision, le mal a gagné tous les pays de la région, frappés par les mêmes maux : corruption, confiscation du pouvoir et, de ce fait, désespérance d’une grande partie de la jeunesse.
On peut parier que la répression, la surveillance policière vont à nouveau se développer. Mais si rien ne change dans la vie sociale et politique du Maghreb, les racines de la violence subsisteront.

Monique Cerisier ben Guiga


Publié le 13 avril 2007