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BIP n° 11 - Des ordonnances ... pour la précarité de l'emploi

Suite à son discours de politique générale, prononcé le 8 juin dernier, Dominique de VILLEPIN, le nouveau Premier Ministre, a demandé au Parlement d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances afin de mettre en œuvre un plan d’urgence pour l’emploi dans un délai de trois mois. En ayant recours à la procédure des ordonnances, le Gouvernement a désormais les mains libres pour légiférer sans aucun débat dans le domaine de l’emploi et des affaires sociales.

Selon l’exposé des motifs, le projet de loi débattu à l’Assemblée Nationale et au Sénat vise à « lever les freins à l’embauche de nouveaux salariés dans les très petites entreprises, à mieux accompagner les chômeurs vers la reprise d’emploi et à faciliter l’insertion professionnelle des jeunes ».

Toutefois, les différentes mesures envisagées par le Gouvernement sont marquées du double sceau de la flexibilité et de la précarité.

En effet, le Gouvernement a présenté la création du Contrat Nouvelle Embauche (pour les petites entreprises comprenant au moins 20 salariés) comme la mesure phare de son plan d’urgence pour l’emploi. Or, ce nouveau type de contrat, caractérisé par une période d’essai de deux ans, pousse à son paroxysme la précarisation de l’emploi en France.

De l’aveu même du gouvernement, la suppression des limites d’âge pour accéder à la fonction publique ne constitue pas une mesure innovante. En effet, il s’agit essentiellement d’une décision symbolique dans la mesure où un très grand nombre de dérogations existent déjà dans la fonction publique d’Etat.

La création d’un Pacte junior permettrait soi-disant aux jeunes de 16 à 25 ans sortis du système éducatif sans diplômes ou ayant des difficultés d’insertion professionnelle, de bénéficier d’une formation en alternance rémunérée et d’intégrer la fonction publique, à l’issue d’un examen professionnel, en qualité de fonctionnaire titulaire. Or, cette réforme risque notamment de remettre en question le principe du concours comme voie de recrutement traditionnelle de la fonction publique.

Quant à la suppression totale des cotisations patronales à hauteur du SMIC (à l’horizon 2007), il s’agit d’une mesure qui bloquera immanquablement les bas salaires.

Par le truchement des ordonnances, le Gouvernement souhaite aussi multiplier les emplois de service en augmentant les exonérations de charge. Néanmoins, en encourageant la création d’emplois peu qualifiés et à temps partiel, la droite favorise la précarité de l’emploi.

En outre, le développement des contrats d’avenir, destinés aux titulaires de minima sociaux dans le secteur non marchand, devient une priorité absolue alors même que le gouvernement ne prévoit pas d’améliorer ces CDD destinés à favoriser la réinsertion sociale (26 heures hebdomadaires en moyenne) et rémunérés au SMIC.

L’instauration d’un chèque emploi entreprise dans les petites entreprises vise à simplifier au maximum les démarches administratives relatives à l’embauche en remplaçant le bulletin de salaire et le contrat de travail. Il va sans dire évidemment que cette mesure favorisera la disparition des garanties pour les salariés et encouragera le blanchiment de travail dissimulé dans ces entreprises.

Le versement d’une prime de 1.000 € à tout chômeur depuis plus d’un an, titulaire de minima sociaux, qui retrouve un emploi va dans le sens d’une stigmatisation des chômeurs alors même qu’il faudrait prendre en considération leur besoin de réinsertion et de formation pour leur permettre un retour durable à un emploi.

Enfin, la mise en place d’un crédit d’impôt de 1.000 € pour les jeunes de moins de 25 ans trouvant un emploi dans les secteurs ayant des difficultés de recrutement ne s’attaque aucunement aux racines profondes du chômage des jeunes, qui n’est pas uniquement liées aux difficultés de recrutement de tel ou tel secteur où la pénibilité du travail est forte et le niveau des salaires faible.

Toutes ces mesures approfondiront donc sensiblement la précarisation de l’emploi, symptôme d’une politique inadéquate menée depuis trois ans. Contrairement aux mesures engagées par le gouvernement, fondées notamment sur la dérégulation du marché du travail, la lutte contre le chômage devrait passer pas une politique économique de soutien de la croissance et de la consommation et par une politique active de soutien de l’emploi.

Richard Yung
Sénateur socialiste des Français hors de France


Publié le 08 juillet 2005