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BIP n° 3 - Réécrire ou retirer ?

Le projet de directive Bolkestein est inacceptable, tout le monde le dit, sauf il est vrai les ultra libéraux.

Nous socialistes pensons que son adoption aurait pour résultat une dégradation considérable des droits sociaux des travailleurs employés dans les services, et ce pour trois raisons.

D’abord parce que la directive institue la mise en concurrence des services à l’intérieur de l’Union, sans le moindre encadrement juridique. Certes, la libéralisation des services marchands est inscrite dans le traité de Rome, et n’est pas en soi néfaste. A condition que l’ouverture du marché se fasse progressivement, secteur par secteur, avec des mesures visant à harmoniser les législations nationales vers le progrès social. C’est toute la différence entre l’harmonisation, fondée sur l’objectif d’améliorer et en tout cas de ne pas diminuer les protections sociales, et la concurrence, qui forcément tire vers le bas les droits sociaux, les protections, les salaires. Dans cette logique purement libérale c’est « le  moins disant » qui l’emporte, entraînant une dégradation générale des droits sociaux. La directive Bolkestein, c’est la concurrence sans harmonisation ni encadrement, donc nous la refusons.

Ensuite, la directive pose le fameux principe du « pays d’origine », contraire à toutes les traditions juridiques qui veulent qu’un salarié soit régi par la législation du pays où il travaille. Si la directive Bolkestein était adoptée, la concurrence (voir paragraphe précédent) favoriserait les sociétés de service employant des salariés des pays où les salaires et les droits sociaux sont les plus bas. Il n’y aurait aucune raison que leur situation s’améliore, et celle plus favorable des salariés nationaux serait vite menacée. Le principe du pays d’origine équivaut à répandre dans toute l’Union les droits sociaux les plus bas, et sans objectif de les faire progresser. Nous la refusons donc.

Enfin, le champ d’application de la directive est infini et peut très bien inclure les services publics ou, selon la dénomination utilisée dans l’Union, les services d’intérêt général : la santé, l’éducation, la culture, les transports, etc. Tout simplement parce que rien pour l’instant dans le traité de Nice ne distingue entre « services marchands » et services publics et de légiférer pour permettre le respect des services publics. Rien donc ne s’opposerait juridiquement à la mise en concurrence et au principe du pays d’origine des services de santé, par exemple. Lorsque le traité constitutionnel entrera en vigueur il sera possible de délimiter les services d’intérêt général et de les sortir du traitement concurrentiel des services marchands. Une raison de plus de voter oui au referendum.

Comment s’opposer au projet de directive Bolkestein ? Il y a deux attitudes. A droite, on veut la « réécrire ». Le PS veut qu’elle soit « retirée ».
La réécrire signifie l’amender, lui retirer ceci, lui ajouter cela – par exemple, allonger la liste des secteurs qui seraient placés hors de son champ d’application. Cela passe par des marchandages qui ne peuvent conduire qu’à composer avec les ultralibéraux, et finalement se soumettre, sans doute de bon cœur, à la majorité du Parlement européen et du Conseil des ministres, de droite on le sait.

La seule attitude sérieuse est d’exiger le retrait pur et simple du projet de directive. C’est la position que doit défendre le gouvernement français s’il veut mettre ses actes en accord avec ses belles déclarations.

Mais cela ne suffit pas. Il faut, et c’est essentiel, que soit adoptée une loi-cadre sur les services d’intérêt général, préalablement à toute nouvelle directive sur les services.

Quant à une prochaine législation sur les services, elle devra respecter la démarche communautaire d’harmonisation par le haut des législations nationales, et exclure complètement le principe du pays d’origine.

Richard Yung
Sénateur représentant les Français hors de France 


Publié le 16 mars 2005