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BIP N° 53 - Traité modificatif pour l'Europe : insuffisant mais nécessaire

Ce texte s’apparente davantage à un règlement intérieur qu’à une loi fondamentale. Il est aussi abscons que le projet de Constitution et compréhensible par les seuls juristes. Comme son nom l’indique, il ne se substituera pas aux traités existants (TCE et TUE) mais se contentera seulement de les amender.  L’absence de toute référence aux symboles de l’Union (drapeau, hymne, devise) est significative : rien qui puisse parler pour l’Europe.  Les options d’exclusion ont été accordées à certains Etats (Grande-Bretagne, Irlande, Pologne, …) et la charte des droits fondamentaux n’est plus incluse dans le traité. Nous payons vraiment cher l’échec du referendum et le résultat paradoxal en est bien que le traité modificatif souligne surtout le libéralisme de marché de l’Europe communautaire. Il me semble logique que ceux qui ont voté contre le Traité constitutionnel appellent à voter contre le Traité modificatif.

Pour autant, après mûre réflexion, il me semble nécessaire d’autoriser la ratification du traité modificatif. Alors qu’il était hier illusoire de vouloir une Europe à la française, il serait aujourd’hui irresponsable de refuser de donner une impulsion, même modeste, à la construction européenne. En tant qu’Européen convaincu, il me semble de mon devoir d’avaliser les innovations prévues par le projet de Constitution européenne et reprises par le traité modificatif. Ce dernier a le mérite non négligeable de doter l’Union d’institutions stables (un président élu pour deux ans et demi et un haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, disposant d’un service diplomatique européen). Par ailleurs, la mise en place d’un mode de prise de décision plus souple permettra d’adopter plus facilement des politiques communes, notamment en matière de coopération judiciaire et policière. Le renforcement des pouvoirs du Parlement européen et la reconnaissance des pouvoirs d’intervention et de contrôle des parlements nationaux entraîneront un rééquilibrage des pouvoirs. Quant à la mise en œuvre d’un droit d’initiative populaire, elle permettra aux citoyens européens de réagir et non plus de subir. Les socialistes devraient également se réjouir du fait que l’économie sociale de marché figure parmi les objectifs de l’Union. Enfin, signalons que l’Union européenne acquiert la personnalité juridique et pourra ainsi signer des conventions internationales au nom de l’ensemble des Etats membres.

Toutes les dispositions de ce traité ne sont évidemment pas satisfaisantes mais tel est sans doute le prix à payer après cinquante années d’absence d’un véritable débat public européen. Il faut admettre – même si c’est difficile – que c’est mieux que rien. L’essentiel n’est-il pas que ce texte permette enfin de mettre un terme à deux années de crise institutionnelle et constitue un compromis satisfaisant aux exigences du plus grand nombre, en particulier des 18 Etats membres qui avaient ratifié la Constitution et qui représentent pas moins de 54% de la population européenne.

Le traité de Lisbonne constitue donc une nouvelle étape dans le long parcours institutionnel européen. Je suis profondément convaincu que l’idée de doter l’Union d’une véritable Constitution resurgira très rapidement, après l’entrée en vigueur du nouveau traité. Néanmoins, si nous voulons relever ce défi et donner naissance aux « Etats-Unis d’Europe », il nous faudra obligatoirement faire œuvre de pédagogie auprès de nos concitoyens européens. Il nous appartient en particulier d’expliquer le fonctionnement de l’Europe afin de rendre plus tangibles ses réussites. Enfin, nous devons accepter l’idée que l’Union européenne se développe provisoirement à plusieurs vitesses, au moyen de coopérations renforcées entre les pays qui partagent cet idéal.

Richard Yung
Sénateur des Français établis hors de France


Publié le 22 octobre 2007