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BIP n° 12 - Cruel Eldorado

Cette fois-ci, les incendies de l'été n'auront pas seulement brûlé des maquis desséchés par la canicule. En plein Paris, ils ont tué, et jeté à la rue des dizaines de personnes aux faibles ressources et privées de foyer.

En avril déjà le feu avait ravagé un hôtel du IXème arrondissement, faisant 24 victimes dont la moitié d'enfants. Le 26 août un immeuble insalubre du XIIIème a brûlé, causant la mort de 14 enfants et trois adultes.

Drame de la misère et du surpeuplement, drame surtout de l'immigration africaine. Comme à la Nouvelle-Orléans, les victimes sont pauvres et noires. Ce n'est pas un hasard mais le résultat de l'histoire des relations de l'Occident avec l'Afrique. Les 130 locataires de l'immeuble du boulevard Vincent Auriol étaient originaires du Mali, du Sénégal, de la Côte d'Ivoire, de Gambie. Les ancêtres des afro-américains de la Nouvelle-Orléans avaient été arrachés à ces mêmes pays.

Les Africains de Paris avaient choisi l'exil pour échapper à la misère absolue dans l'espoir de trouver en France un emploi, un salaire, un logement avec enfin l'électricité et l'eau courante, une vie à la mesure de leur dignité et de leur énergie.

Ils ont trouvé des conditions de vie qui nous remplissent de honte. Ils ont quitté l'Afrique pour une vie meilleure dans un pays riche. Ils ont trouvé pire.

La relation entre la France et l'Afrique c'est cela plus que la prochaine parade des chefs d'Etat au sommet de Bamako. Traite, colonisation, décolonisation, aide donnée d'une main, richesses soutirées de l'autre main par le commerce inégal et la corruption. Il faut changer le cours de cette histoire qui se prolonge sous la forme de migrations désespérées, de guerres et de famines. Les premières victimes de cet état de fait sont les femmes. L'expérience prouve que ce sont aussi les femmes qui sont les agents les plus efficaces du développement, non qu'elles soient meilleures que les hommes mais ce sont elles qui vivent dans la hantise de la faim des enfants, ce sont elles qui accompagnent leurs jeunes enfants dans la maladie et la mort prématurée. Ce sont elles qui ont le plus intérêt au progrès. Le jour où elles seront réellement les partenaires privilégiées de toutes les actions de la communauté internationale en Afrique, ce jour-là le cours des choses changera.

Il faut que le sommet du millénaire qui a débuté mercredi 14 septembre à l'ONU prenne en compte cette dimension dans ses préconisations.

Monique Cerisier-ben Guiga
Sénatrice socialiste des Français hors de France
Vice Présidente de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées


Publié le 16 septembre 2005