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BIP n° 9 - Quelle aide pour les pays très pauvres ?

L’accord signé le 10 juin à Londres entre les pays du G8 est symbolique de la mauvaise conscience des pays très riches vis à vis des 3 milliards d’êtres humains vivant avec moins d’un dollar par jour.
En effaçant d’un coup de gomme la dette multilatérale de 18 PPTE (pays pauvres très endettés), le G8 a généreusement sacrifié 40 milliards de dollars. Neuf autres pays pourraient dans les 12 à 18 mois bénéficier du même allègement de leur fardeau, et 11 autres dès qu’ils auront réuni les conditions nécessaires.
Sans doute, quand on vit dans la misère, la famine, et que l’espérance de vie n’atteint pas 40 ans, toute aide est bonne à prendre – même si une partie seulement arrive à ses destinataires. Et il faut saluer cette décision, qualifiée à juste titre d’historique.
Il faut aussi en noter les limites.
D’abord seule la dette multilatérale publique, celle contractée auprès du FMI, de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement, est concernée. La dette privée (auprès des banques privées internationales) des pays en voie de développement se montait fin 2001 à 1600 milliards de dollars. A comparer avec le cadeau de 40 milliards.
Ensuite le nombre de pays bénéficiaires – 18 – est trop faible. Certes, il faut bien commencer. Mais le G7 lui-même avait établi en 1996 la liste des PPTE dont la dette devait être allégée, et ils étaient 42.

Car il ne suffit pas d’être pauvre et très endetté pour voir ses créances effacées. Il faut remplir les conditions, fixées par les institutions internationales, FMI en tête : réformes structurelles, privatisations, ouverture au marché international, c’est-à-dire aux produits des pays industrialisés. Ce qui d’une part limite le nombre de pays éligibles, d’autre part contrecarre leurs efforts de développement, rendus vains par l’inégalité entre leurs modestes productions et celles, subventionnées, des pays industrialisés.
Enfin, se pose la question du financement de la remise de dette de 40 milliards. Une partie pourrait être prise sur le fonds de réserve du FMI destiné à l’aide d’urgence – autant de moins qui sera disponible pour les PPTE. La plus grosse partie sera assumée par les pays signataires, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement n’étant pas du genre à faire de cadeau. Et c’est là que le bât blesse : où les pays industrialisés trouveront-ils l’argent, sinon dans les fonds destinés à l’Aide publique au développement ? En somme, ce qu’on donne d’une main est retiré de l’autre.

Cette Aide publique au développement justement est bien le nœud du problème. Elle se monte actuellement à 50, peut-être 80 milliards de dollars par an, bien en-deçà du taux de 0,7 % du PIB des pays développés, engagement qu’ils avaient pris …. il y a 30 ans. Il faudrait doubler cette somme pour remplir l’objectif fixé par l’ONU lors du sommet du Millenium : diviser par deux la pauvreté d’ici 2015.
L’accord du 10 juin du G 8 n’est donc qu’un premier pas, et ne doit pas faire oublier les responsabilités de chaque pays riche devant le sous-développement.

Richard Yung
Sénateur socialiste des Français hors de France


Publié le 14 juin 2005