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BIP n° 7 - L'immigré, voilà le coupable

Chaque fois qu’un gouvernement de droite est en difficulté, il a recours à une ficelle qui ne s’use pas : la chasse à l’immigré, responsable de tous les malheurs.
Le plan d’action contre l’immigration irrégulière présenté le 11 mai par le ministre de l’Intérieur utilise les mêmes ressorts démagogiques, et annonce des mesures répressives qui nuiraient gravement aux droits de l’homme.
L’étranger, on sent bien que Dominique de Villepin s’en méfie. Il note avec inquiétude l’augmentation de la population immigrée, de 20 % en six ans, même s’il s’agit d’immigrés résidant tout à fait régulièrement sur notre territoire, et pointe les causes : trois fois plus de mariages avec des étrangers (et pourquoi pas ?), de plus en plus d’étudiants étrangers (tant mieux, et USA et Grande-Bretagne sont plus accueillants encore), toujours beaucoup trop de demandes d’asile.

Trop d’étrangers arrivent en France avec un visa de trois mois, et y restent ? Grâce à des visas biométriques on pourra les suivre à la trace. Trop de mariages sont célébrés dans le seul but de donner au conjoint nationalité française et titre de séjour ? Le ministre entend mettre fin à la pratique des mariages de complaisance. Une disposition de la loi de 2003 - un maire peut refuser le mariage si l’un des conjoints est en situation irrégulière – ayant été, heureusement, annulée par le Conseil constitutionnel, le maire peut « seulement » suspendre la cérémonie et saisir le procureur. Ils viennent de recevoir plus de pouvoirs. Combien de cérémonies vont être interrompues par des édiles soupçonneux, simplement parce que le fiancé est un étranger à la peau sombre ? Au nom de la chasse aux tricheurs – il y en a sans doute quelques uns -, combien d’abus vont être commis ?

Quant aux mariages célébrés à l’étranger entre un Français et un étranger, ils deviennent globalement suspects, mieux : nuls et non avenus. Jusqu’ici, le consulat pouvait transmettre un dossier de transcription de mariage au procureur du tribunal de Grande Instance de Nantes, s’il avait des doutes, et localement ce genre de choses s’apprécie bien. Le procureur pouvait refuser la transcription, et ne s’en privait pas. Dorénavant, la transcription ne sera plus de droit. Les mariés devront prouver leur bonne foi, leur innocence, ce qui contrevient au principe selon lequel c’est à l’accusation de faire la preuve de l’infraction. Le ministre a bien conscience de l’énormité du changement, et reconnaît qu’une modification du Code civil est nécessaire.

La suite du plan obéit à la même logique répressive, et témoigne de l’obsession du contrôle, du fichier, de l’augmentation des places en centre de rétention, de la reconduite à la frontière. Quant aux régularisations collectives, comme celle que le gouvernement Zapatero vient faire, le ministre les déplore évidemment. La dernière à avoir été effectuée en France a été l’œuvre du gouvernement Jospin en 1997-1998.

On sait bien que ce genre de filet piège les innocents, attrape quelques petits poissons et laisse échapper les gros : les trafiquants qui s’enrichissent du marché de l’immigration clandestine, les entrepreneurs, par exemple du bâtiment, qui sans être inquiétés « embauchent » des sans-papiers.
Le plus grave, c’est cette nouvelle atteinte aux droits de l’homme, cette suspicion envers l’étranger, qui ne fera qu’alimenter la xénophobie et les attaques racistes.

Richard Yung
Sénateur des Français hors de France


Publié le 20 mai 2005